Sous l’impulsion du bâtonnier du barreau de Paris, Olivier Cousi, la première édition du Paris Legal Makers se déroulera le 6 décembre au Palais Brongniart, sous le haut patronage d’Emmanuel Macron. Cet événement dédié au développement économique par le droit doit accueillir plus de 1 000 décideurs français et internationaux autour des professions juridiques. Délégué du bâtonnier à l’influence par le droit, Stéphane de Navacelle revient sur les enjeux de cette rencontre sur le thème du droit « comme levier de développement économique, de transformation technologique, de transition écologique et sociétale ».
Qu’est-ce qui a motivé cette première édition du Paris Legal Makers et qu’en attendez-vous ?
Le Paris Legal Makers – « PLM » – est issu de la volonté du bâtonnier de Paris de provoquer une rencontre internationale de premier plan autour du droit, un forum juridique mondial. Cette première édition réunira les décideurs publics et privés, étrangers, européens et français.
Les débats, placés sous le haut patronage du président de la République, ont été pensés pour permettre l’expression de tous les points de vue. Il s’agit d’identifier les problématiques sur lesquelles les praticiens du droit s’accordent ainsi que les sujets pour lesquels un travail de compréhension mutuel reste à faire.
Ainsi, nos invités internationaux « Grands Témoins » sont issus d’organisations internationales à la fois publiques et privées. Didier Reynders, commissaire européen à la justice, et Sandie Okoro, première vice-présidente et directrice juridique du Groupe Banque Mondiale, pourront décrire les engagements pris par les institutions qu’ils représentent dans l’élaboration de normes – contraignantes ou pas – au service des missions qui sont les leurs. Stacey Friedman, executive vice president and general counsel de la banque JPMorgan Chase & Co, et Nassib Abou-Khalil, chief legal officer de Nokia, évoqueront le sens de leurs rôles au sein de groupes mondiaux à l’importance stratégique pour de très nombreux pays. Ils pourront aussi exposer leurs attentes vis-à-vis des systèmes juridiques dans lesquels ils sont parties prenantes.
Pour accueillir nos invités étrangers, les avocats au barreau de Paris ont répondu à l’appel tout comme certains grands décideurs français. Il s’agit de personnalités aussi diverses que l’Amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine, de Marie-Laure Denis, présidente de la CNIL, de Joffrey Célestin-Urbain, directeur du Service de l’information stratégique et de la sécurité économique du ministère de l’Économie (SISSE), de Dominique Bourrinet, directeur juridique du groupe Société Générale ou encore d’Alexandre Menais, executive vice president et secrétaire général d’Atos.
Le droit comme levier de développement et de transformation, pouvez-vous préciser ?
À votre question, je me remémore le bâtonnier affirmer comme une boutade – presqu’une bravade – qu’en France nous avons un ministère de la Justice mais pas de ministère du Droit et qu’il nous est donc difficile de concevoir le droit en amont du conflit. C’est le dilemme qu’il m’a soumis, ou plutôt le défi qu’il m’a lancé.
À cet égard, Paris Place de droit, une association dont le barreau de Paris est partie prenante, est l’un des contributeurs au PLM. Le Paris Legal Makers se veut un lieu de débat, d’apprentissage et d’émulation s’agissant de la création de règles qui s’imposeront à chacun, de façon transversale, de la vie économique aux grandes questions de sociétés. Nous pensons, c’est entendu, qu’il y a des lieux propices à ce genre de construction. Paris présente des atouts indéniables pour ce faire : c’est un lieu de création de normes, centre de décision politique, le siège de nombreuses organisations internationales mais aussi un lieu qui rassemble des magistrats, avocats et juristes capables de traiter toutes les questions de droit, tant français qu’étrangers, dans toutes les langues du monde ou presque. C’est une ville « guichet unique » du droit.
Cette année, l’évènement est décliné autour de 4 grands axes : économie, écologie, technologie et société. Chacun sera débattu en trois ou quatre sessions.
Qu’est-ce que la crise sanitaire a modifié dans le rôle des professionnels du droit et quels sont les défis actuels ?
La révolution technologique a connu une accélération à raison de la crise sanitaire. À la façon de ce que la guerre est un accélérateur de l’histoire, la pandémie a été un accélérateur de changements.
Nous faisons face à des déséquilibres majeurs qui mettent au défi la capacité d’adaptation de l’humanité et favorise – il faut bien le constater – un repli sur soi. C’est là où les professionnels du droit peuvent – et doivent – prendre toute leur place. Il y a toute raison de penser que les « faiseurs de droit » – à force de réflexion, de prise en compte de l’autre et de pédagogie – pourront être les artisans de la paix dont nous avons besoin.
Parce que c’est toute la communauté des juristes qui doit travailler de concert, c’est logiquement que l’École nationale de la magistrature, le Cercle Montesquieu et l’Association française des juristes d’entreprises sont très largement représentés.
En matière économique il faut notamment se poser les questions de l’attractivité, de la prévisibilité, du secret des affaires ou encore de la fiscalité.
Les problématiques écologiques doivent notamment être abordées par le biais des leviers d’action disponibles, de l’équilibre entre profit et durabilité, de la poursuite pénale et du contentieux environnemental. La révolution industrielle-technologique fait apparaître de nombreux biais et opportunités dont il faut se saisir pour qu’elle soit créatrice de valeur pour chacun. Cela va de l’indépendance numérique au rôle des géants du web, en passant par la blockchain, l’éthique 4.0 ou encore la question de la cybersécurité.
Le volet société ambitionne, quant à lui, que soient pensés la dimension éthique de la data, le rôle précurseur du droit pour promouvoir plus de justice sociale, la prise en compte de la diversité des talents et des apports ainsi que la question de l’évolution du rôle de l’avocat en entreprise.
Propos recueillis par Florence Creux-Thomas