Publication
14 juillet 2024

Panorama Droit de l’environnement et devoir de vigilance 2024

Tour d'horizon des décisions et événements relatifs au droit pénal de l'environnement et au devoir de vigilance survenus en France au cours des douze derniers mois dans le cadre de la Bastille Day Newsletter 2024.

 

L’augmentation de l’intérêt pour les atteintes environnementales, qui transcendent les frontières et traduisent la prise de conscience d’un besoin croissant de protéger notre environnement, s’est manifestée ses douze derniers mois par l’édiction de nouvelles obligations significatives pour les entreprises via des textes européens et par des décisions éclairantes dans le domaine du droit de l’environnement et celui du devoir de vigilance.

 

La création d’une chambre dédiée aux litiges sur le devoir de vigilance et la responsabilité écologique

 

L’importance donnée à ces domaines a également été mise en avant lors de la création en janvier 2024 par la Cour d’appel de Paris, au sein de son pôle économique, d’une chambre dédiée aux litiges sur le devoir de vigilance et la responsabilité écologique, et dont les premières décisions ont été rendues le 18 juin 2024 en matière de devoir de vigilance.

 

L’adoption par le Gouvernement d’une ordonnance transposant la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD)

 

S’agissant des obligations aux entreprises, la France a franchi une étape majeure en matière de durabilité à la fin de l’année 2023 avec l’adoption par le Gouvernement, le 6 décembre 2023, d’une ordonnance transposant la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Cette directive vise à remplacer le régime actuel de la Déclaration de Performance Extra-Financière par celui de la publication d’informations en matière de durabilité, tout en simplifiant et clarifiant d’autres dispositifs de reporting en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Les entreprises françaises sont désormais soumises à ces nouvelles obligations de reporting sur les enjeux de durabilité, incluant les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise. De plus, un nouveau régime de certification supervisé par la Haute autorité de l’audit est mis en place pour garantir la conformité et la qualité des rapports produits. Cette mesure renforce la transparence et la prise en compte des enjeux de durabilité dans les pratiques des entreprises, marquant ainsi une avancée significative dans le domaine.

Pour aller plus loin :

 

Les décisions jurisprudentielles sont encore venues dessiner les contours de l’application de ces textes ces derniers mois

 

Le 8 décembre 2023, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’intérêt à agir de l’association Notre Affaire à Tous contre TotalEnergies, et donc la recevabilité de son action en justice pour pratiques commerciales trompeuses. Cette action, initiée en mars 2022 avec Greenpeace France et les Amis de la Terre France, avait pour objectif d’obtenir la condamnation de TotalEnergies après que cette dernière a prétendu s’engager dans la lutte contre les changements climatiques tout en continuant ses activités axées sur les énergies fossiles. Cette décision vient confirmer le jugement de première instance du 16 mai 2023, qui avait déjà statué sur un intérêt à agir de l’association pour poursuivre en justice des acteurs pour pratiques commerciales trompeuses. Saisie d’un recours de TotalEnergies, la Cour d’appel confirme en indiquant même plus largement que l’association a intérêt à agir pour protéger les consommateurs concernés par la protection de la nature et la défense de l’environnement, dès lors que ses statuts le prévoient.

Dans la même veine, la chambre dédiée aux litiges sur le devoir de vigilance et la responsabilité écologique de la Cour d’appel de Paris a, le 18 juin 2024, confirmé l’intérêt à agir de plusieurs associations contre TotalEnergies, dès lors que les statuts de ces associations prévoyaient la possibilité d’agir en justice au titre de la protection de l’environnement, ce qui justifie leur qualité à agir. A contrario, la Cour a déclaré les actions en justice des collectivités territoriales, de la région Centre Val de Loire et de l’Établissement public territorial Est Ensemble Grand Paris, irrecevables à défaut de démonstration d’atteintes particulières, localisées, dues au réchauffement climatique au niveau d’un territoire donné et ainsi liées à l’objet des entités. Dans ce même arrêt, la Cour d’appel de Paris est également venue confirmer que la mise en demeure prévue par l’article L225-102-4 II du code de commerce constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge, et donc une condition de recevabilité de l’action. Elle précise toutefois dans un arrêt du même jour, opposant EDF à plusieurs personnes physiques ainsi qu’au Centre européen pour les droits constitutionnels et humains, que les personnes qui n’ont pas signé la mise en demeure sont néanmoins recevables à agir.

 

« Même si la médiation n’apparaît pas comme une évidence dans ces contentieux, elle peut être ordonnée. »

 

Cette lettre de mise en demeure a un intérêt en cas de médiation comme base de discussion entre les parties.  En effet, même si la médiation n’apparaît pas comme une évidence dans ces contentieux, elle peut être ordonnée. Là est le sens de la décision du tribunal judiciaire de Paris en septembre 2023, ordonnant à Danone, ClientEarth, Surfrider Foundation Europe et Zero Waste France de tenter de trouver une solution via médiation. Cette décision faisait suite à l’action en justice initiée le 9 janvier 2023 par des associations à l’encontre de Danone pour manquement à son devoir de vigilance, à défaut de l’élaboration d’un nouveau plan efficace incluant une stratégie claire de “déplastification” et après la réalisation d’un bilan exhaustif de son utilisation de plastique.

Pour aller plus loin : Assignation de Danone devant le tribunal judiciaire de Paris pour non-respect de son devoir de vigilance : ouverture d’une médiation

 

Une première décision au fond sur le devoir de vigilance rendue par le Tribunal judiciaire de Paris

 

Outre ces précisions procédurales, une première décision au fond sur le devoir de vigilance a été rendue le 5 décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de Paris, après une procédure de plus de trois ans, dans l’affaire opposant le syndicat SUD PTT à La Poste. Cette décision a clarifié les obligations du plan de vigilance telles que prévues par le Code de commerce. Ces obligations s’appliquent non seulement aux sociétés mères mais également à leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. En l’espèce, le Tribunal a ordonné à La Poste de renforcer son plan de vigilance en incluant une cartographie des risques précise, des mécanismes d’évaluation des sous-traitants et un dispositif d’alerte en collaboration avec les organisations syndicales représentatives. Toutefois, malgré ces précisions, la décision du Tribunal de ne pas assortir ses injonctions d’une astreinte a suscité des critiques quant à son efficacité.

Pour aller plus loin : Affaire La Poste : première décision au fond sur le fondement du devoir de vigilance

 

La transposition en droit français de la Directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal

 

Enfin, et outre la signature et validation de sept Conventions Judiciaires d’Intérêt Public dites « environnementales » relevant de l’article 41-1-3 du même code, la pénalisation des atteintes environnementales devrait prendre encore de l’ampleur dans les mois à venir avec la transposition en droit français de la Directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal, du 13 mars 2024.

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