Analyse
14 juillet 2022

Bilan des premiers mois d’activité du Parquet Européen

Le premier rapport d’activité du Parquet européen pour l’année 2021 présente les débuts prometteurs de ce dernier et met l’accent sur son organisation interne ainsi que ses méthodes d’enquêtes, qui apparaissent simplifiées et efficaces. Bien que les enquêtes confiées au Parquet européen ne fassent état que de sept mois d’activité, il semblerait d’ores et déjà que ce dernier soit un acteur clé de poursuites au niveau européen.

 

Le Parquet européen, créé par le Règlement 2017/1939 du 12 octobre 2017, a commencé ses activités le 1er juin 2021[1]. Quoique celui-ci soit désormais bien connu de tous, il est important de rappeler qu’il a été institué de manière indépendante vis-à-vis des États membres et des organisations européennes[2], et que, son rôle étant d’améliorer la protection des intérêts financiers de l’Union européenne, il est compétent pour poursuivre l’ensemble des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne[3].

Dans son premier rapport annuel, il dresse un bilan de ses activités et de son organisation interne pour la deuxième moitié de l’année 2021. Il en ressort notamment que les débuts du Parquet européen ont été actifs tant au niveau opérationnel que judiciaire (I), poursuivant de nombreuses infractions, dont des fraudes principalement, (II) et recouvrant plus de 100 millions d’euros (III).

Face à un tel bilan, il n’est dès lors pas surprenant que le Parquet européen soit confiant pour l’année à venir et que ses deux objectifs opérationnels soient l’accroissement du nombre d’enquêtes transfrontalières visant des groupes criminels organisés et l’amélioration du recouvrement des avoirs illicites obtenus par le biais de ces infractions[4].

Aussi, il annonce que pour sa seconde année d’activité, il continuera principalement de renforcer sa capacité à mener des enquêtes et poursuites indépendantes, impartiales et de haute qualité, de développer sa capacité opérationnelle partagée entre le niveau central et les Procureurs européens délégués au niveau national, et de s’efforcer à établir des relations avec les États membres non adhérents au Parquet européen et avec les autorités de pays tiers intéressant ses enquêtes et poursuites[5].

 

I. Depuis sa mise en activité et jusqu’à la fin de l’année 2021, le Parquet européen a mené des centaines d’investigations et concouru au prononcé d’une condamnation

Concernant son activité opérationnelle, le Parquet européen affirme que depuis le 1er juin 2021, date de sa mise en activité, il a reçu 2.832 rapports et ouvert 576 enquêtes pour lesquelles le montant des dommages causés au budget de l’Union européenne a été estimé à 5,4 milliards d’euros [6].

Il annonce également qu’à la fin de l’année 2021, il comptabilisait 515 enquêtes actives dont 17,6% relèvent de fraudes à la TVA pour un dommage estimé à 2,5 milliards d’euros et 27,5 % ont un caractère transfrontalier (actes commis sur le territoire de plusieurs pays ou dommages subis par plusieurs pays)[7].

Il apparaît que les trois États membres pour lesquels le Parquet européen a été le plus proactif et où il a ouvert le plus d’enquêtes en 2021 ont été l’Italie avec 120 affaires ouvertes dont 40 transfrontalières, la Bulgarie avec 105 affaires ouvertes dont 3 transfrontalières, et la Roumanie avec 60 affaires ouvertes dont 8 transfrontalières[8].

En France, le Parquet européen a reçu 48 rapports et ouvert 29 enquêtes pour un montant total de dommages au budget de l’Union européenne estimé à 46,1 millions d’euros, dont 29,6 millions d’euros de dommages estimés au titre de fraude à la TVA. Ces enquêtes ont principalement porté sur des fraudes non liées aux marchés publics et des fraudes sur des revenus non soumis à la TVA et ont impliqué, pour 13 d’entre elles, des enquêtes transfrontalières. Il est précisé que, durant l’année 2021, le Parquet Européen n’a réalisé aucune saisie sur le territoire français[9].

Plus largement, après sept mois d’activités, le Parquet européen constate que le niveau de détection des fraudes affectant les intérêts financiers de l’Union européenne a varié significativement d’un État membre à un autre[10]Il précise néanmoins qu’en tout état de cause, il a lui-même été capable d’apporter un avantage décisif aux forces de l’ordre dans les enquêtes transfrontalières, cela, car ilest en mesure de s’affranchir des formalités de l’entraide internationale, longues et complexes et donc de mener des opérations beaucoup plus rapidement[11].

Concernant son activité judiciaire, le Parquet européen souligne être partie à 5 affaires en phase de procès et à 3 affaires dans lesquelles des procédures de poursuites simplifiées ont été mises en œuvre, et avoir concouru au prononcé de 2 décisions par des juridictions dont 1 décision de condamnation[12].

 

II. Les affaires traitées par le Parquet européen durant l’année 2021 ont principalement concerné des fraudes non liées aux marchés publics et présenté un caractère transfrontalier

Le Parquet européen dresse une liste des infractions dont il a été saisi durant l’année 2021 et remarque que 313 affaires ont concerné des fraudes non liées aux marchés publics, 110 ont concerné des fraudes liées aux marchés publics, 132 ont concerné des fraudes sur des revenus non soumis à la TVA, 173 ont concerné des fraudes à la TVA, 30 ont concerné des participations à des organisations criminelles portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, 40 ont relevé de la corruption, 34 ont concerné des détournements, 47 ont concerné du blanchiment et que 104 affaires n’ont pas pu être rapprochées d’infractions précises[13].

Parmi toutes ces affaires, le Parquet européen note que 142 affaires ont impliqué des enquêtes transfrontalières[14].

Concernant les fraudes non liées aux marchés publics, le Parquet européen précise qu’elles ont représenté environ 31,8 % de ses enquêtes en 2021, et que, dans la majorité des cas, les auteurs ont utilisé ou présenté des fausses déclarations ou des faux documents ayant pour effet le détournement ou la rétention illicite de fonds ou d’actifs provenant du budget de l’Union ou de budgets gérés par l’Union ou en son nom[15].

Il apparaît que le domaine agricole a été l’un des domaines les plus impactés par ce genre de fraude, tout comme le développement rural, les programmes de développement maritime et de la pêche. Un nombre important de procédures ont également été déclenchées en lien avec les fonds de recouvrement liés aux programmes de la Covid-19[16].

Les modes opératoires les plus fréquents pour ce genre d’infractions ont été la soumission de fausses informations concernant les critères d’éligibilité, la manipulation intentionnelle de déclarations financières, le gonflement des coût supplémentaires, ou les fausses déclarations concernant le paiement d’experts ou de sous-traitants, mais aussi les demandes de remboursement de services qui n’ont pas été fournis ou ne l’ont pas été entièrement et la proposition de faux projets[17].

Concernant les fraudes à la TVA – l’une des autres infractions traitées en masse par le Parquet européen en 2021 – environ 17,6% des enquêtes ont concerné les formes dites les plus graves de fraude à la TVA, en particulier les fraudes de type “carrousel” et les fraudes à la TVA commises au sein d’une organisation criminelle[18].

Ce type de fraude s’est rencontré le plus fréquemment dans le secteur automobile, des appareils électroniques ou encore des vêtements, et a pu impliquer des dizaines voire des centaines d’entreprises[19].

Enfin, concernant les affaires de corruption, le Parquet européen souligne qu’il s’est agi d’environ 4% de ses enquêtes en 2021[20], et que, le plus souvent, elles ont concerné des faits de corruption active et passive d’agents publics, notamment des responsables de projets – en échange de l’attribution de fonds européens à des entreprises spécifiques ou de l’approbation de coûts inéligibles ou gonflés – et des fonctionnaires  – attribuant des fonds de l’Union européenne à des entreprises spécifiques et approuvant le paiement d’un prix gonflé, nettement supérieur à la valeur réelle du système[21].

 

III. Le Parquet européen a mis en œuvre des procédures de recouvrement des produits des infractions poursuivies et recouvré plus de 100 millions d’euros en 2021

 Sur un bilan de sept mois d’activité, le Parquet européen a effectué environ 81 opérations de récupération de fonds dans 12 des États membres (Italie, Belgique, Allemagne, Roumanie, République-Tchèque, Croatie, Finlande, Lettonie, Luxembourg, Espagne, Lituanie et Portugal)[22].

Au total, le Parquet européen annonce avoir ordonné la saisie de plus de 154 millions d’euros, dont 147 millions d’euros ont été effectivement saisis, ce qui représente plus de trois fois le budget du Parquet européen pour l’année 2021[23].

Les comptes bancaires, propriétés immobilières, véhicules, bateaux, ainsi que les actions, l’argent liquide et les articles de luxe représentent la majorité des biens saisis par le Parquet européen en 2021[24]. Des marchandises criminelles, telles que du tabac de contrebande et des produits alimentaires, ont également été saisies afin d’être retirées du marché et priver ainsi les auteurs de commerce illégal des bénéfices de leurs activités illicites[25].

 

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