Chapitre : Contentieux
Droit pénal international, tribunaux internationaux et affaires judiciaires
Manish N. Bhatt, Giovanni Chiarini, Katherine Maddox Davis, Beth Farmer, Timothy Franklin, Cyreka C. Jacobs, Stéphane de Navacelle, Sara L. Ochs, Alexander S. Vesselinovitch, Melissa Ginsberg, Marc Weitz et Julie Zorrilla.
Cet article passe en revue certains des développements les plus significatifs de l’année 2021 réalisés par les cours et tribunaux internationaux, les tribunaux nationaux et les développements législatifs impliquant des questions de droit pénal international, de droit international des droits de l’homme et de droit international public. Cet article comprend également une section sur la protection des privilèges avocat-client et produit du travail dans les enquêtes internes, qui offre une application pratique pour les avocats engagés dans des enquêtes et des litiges civils transfrontaliers.
***
Tribunaux Nationaux
A. Développement en Droit pénal français
Cette section aborde les récents développements dans le domaine de la répression de la criminalité en col blanc en France. Trois développements sont mis en avant. Tout d’abord, l’objectif d’aligner le cadre anti-corruption français avec les meilleurs standards européens et internationaux a mené à l’évaluation de la loi Sapin II par les membres du Parlement français, cinq ans après son entrée en vigueur [193]. Le rapport, publié le 7 juillet 2021 propose plusieurs moyens d’améliorer le cadre juridique [194]. Ensuite, une nouvelle infraction d’écocide a permis de renforcer la protection de l’environnement [195]. Enfin, la Cour de cassation française a rendu une décision historique concernant la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité [196].
1. Améliorer le cadre anti-corruption français
Le 7 juillet 2021, les membres du Parlement français Raphaël Gauvain and Olivier Marleix ont publié un rapport d’évaluation de la loi Sapin II [197]. Même si leur impression générale est positive, ils ont recommandé cinquante amendements pour l’améliorer [198]. Le rapport note que l’Agence Française Anti-corruption (“AFA”) remplit sa mission de contrôle et de sanction, mais au détriment de sa mission de coordination [199]. Le rapport suggère à cet effet un comité spécial pour la lutte contre la corruption et la redirection de l’attention de l’AFA sur la coordination administrative [200].
Les missions de contrôle et de sanctions de l’AFA seraient alors transférées à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (“HATVP”), déjà existante [201].
Le rapport se concentre aussi sur les moyens pour encourager l’utilisation de la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (“CJIP”) en accordant plus de garanties aux personnes impliquées et sur l’amélioration du statut des lanceurs d’alertes, puisque des difficultés persistent tant au niveau de la qualité de leur traitement que de leur protection contre les représailles [202]. Le rapport formera la base d’un projet de loi à soumettre à l’Assemblée nationale en novembre 2021 [203].
2. La nouvelle infraction d’écocide
La loi climat et résilience a été adoptée le 22 août 2021 [204]. Elle renforce la répression des crimes environnementaux, notamment en introduisant l’infraction d’écocide [205], qui renforce la répression des entreprises polluantes.
La loi climat et résilience définit l’écocide comme aggravant l’infraction générale de pollution environnementale lorsque les faits sont commis de façon volontaire, par exemple lorsque l’infraction de pollution de l’air et de l’eau [206], ou la pollution du sol [207] du code de l’environnement, n’était pas accidentelle mais volontaire [208]. Cette infraction est punissable de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 4,5 millions d’euros ou d’un montant correspondant à dix fois le bénéfice tiré de la commission de l’infraction [209].
3. L’affaire Lafarge
Dans l’affaire Lafarge, une entreprise française a été mise en examen pour sa participation à des infractions présumées commises par sa filiale syrienne, en rapport avec des paiements effectués à l’Etat Islamique et d’autres groupes armés syriens entre 2012 et 2014 [210]. La problématique devant la Cour de cassation était la validité légale de cette mise en examen [211].
Le 7 septembre 2021, la Cour de cassation a retenu que le code pénal n’exige pas que le complice “approuve la commission des crimes de droit commun constitutifs du crime contre l’humanité” [212]. La Cour a jugé qu’il était suffisant d’avoir eu connaissance de la préparation ou de la commission de ces actes et de les avoir facilités par aide ou assistance [213]. Il n’est pas obligatoire que le complice fasse partie de l’organisation criminelle ou qu’il ait participé à la conception ou l’exécution du plan criminel [214]. Dans l’affaire Lafarge, les paiements en connaissance de cause par le défendeur, de plusieurs millions de dollars, a une organisation dont le but était de commettre des crimes contre l’humanité ont été considérés comme suffisant pour caractériser la complicité [215].
En outre, la Cour a clarifié les règles de recevabilité des ONG dans les affaires qui concernent les crimes contre l’humanité et le financement du terrorisme [216]. Elle a retenu que seul le Centre Européen pour les Droits Constitutionnels et les Droits Humains (“ECCHR”) avait qualité à agir en tant que partie civile pour une infraction de complicité de crime contre l’humanité, étant donné que le ECCHR était la seule association qui incluait cet objectif au moment de sa création [217]. Par opposition, la Cour a estimé qu’aucune des autres ONG ne pouvait se constituer partie civile pour une infraction de financement du terrorisme parce qu’il était peu probable que les faits allégués aient pu causer un préjudice direct aux membres des ONG [218]. Enfin, la Cour de cassation a confirmé la mise en examen de Lafarge pour financement du terrorisme [219].