Événement
14 février 2022

Formation : L’avocat enquêteur est-il un avocat comme un autre ?

Stéphane de Navacelle est intervenu sur le rôle et les enjeux de l’avocat enquêteur pour le Barreau de Paris dans le cadre du cycle de formation Barreau Entrepreneurial, le mardi 15 février 2022.

 

Voir la présentation

 

Bonjour et bienvenue à tous pour cette formation « L’avocat enquêteur est-il un avocat comme un autre ? »

Nous sommes ensemble pendant deux heures, ça peut être long de parler seul pendant deux heures, donc je vous encourage vivement à me poser toutes les questions que vous avez et vraiment d’enrichir notre échange aujourd’hui parce que je suis absolument certain qu’il y aura des contributions de qualité.

J’ai légèrement fait évoluer la présentation que je fais d’habitude pour prendre en compte notamment les problématiques de droit social parce qu’on a de plus en plus de jurisprudence sur le sujet de l’enquête interne donc il m’a semblé que c’était utile.

Dernier point, on a mis en place un site internet du cabinet (Navacelle) qui contient toutes les informations, tous les articles, de façon tout à fait accessible notamment sur le sujet. Et nous les publions systématiquement sur la page LinkedIn du cabinet donc une façon facile de vous tenir au courant, vous pouvez suivre la page du cabinet. Toutes nos publications sont là dans l’esprit de co-construction. Et vraiment réagissez, commentez, exprimez vos désaccords.

 

***

 

J’ai fait évoluer comme je vous ai dit la présentation habituelle pour prendre en compte la jurisprudence et puis aussi pour me concentrer sur un cas pratique.

En réalité, ce n’est pas sorcier une enquête interne. Il y a comme élément de référence un rapport du CNB (Conseil national des barreaux) et puis l’annexe au règlement intérieur du barreau de Paris qui porte sur l’avocat enquêteur, c’est un décalogue, dix règles de l’avocat enquêteur et que l’avocat enquêteur doit respecter.

On va regarder la définition un peu générale, d’où ça vient, parler des principales étapes, et je vais essayer d’illustrer le plus possible et puis nous irons vers le cas pratique. Vous voyez que j’ai découpé le cas pratique, de tel façon qu’on soit aussi pédagogique que possible et qu’on colle aux principales étapes de l’enquête interne que vous avez là, pour justement provoquer des échanges, des participations. Je compte sur vous.

Vous n’avez pas besoin de noter tout ce qu’il y a à l’écran sur les diapositives, je les communiquerai et le Barreau Entrepreneurial pourra évidemment l’envoyer à tous ceux qui sont inscrits ou qui souhaitent le recevoir, vous pouvez lui écrire évidemment.

Il y a plein de ressources, tout est ouvert d’accès sur le site internet du cabinet et il ne faut pas hésiter.

Donc définition et contexte, l’enquête interne c’est quelque chose qui existe outre-Atlantique depuis au moins une vingtaine d’années, voire plus, et il s’agit pour l’enquêteur de mener un travail pour établir essentiellement des faits, par rapport à des règles, par rapport à des normes. J’aime toujours situer mes enquêtes internes par rapport à des normes internes de l’entreprise ou de l’organisation pour justement éviter de mettre le client en porte-à-faux et placer l’enquête interne comme une contrainte dans la décision que le client doit prendre. Il faut que ce soit un atout, il faut que ce soit une utilité pour le client.

Donc l’idée c’est par rapport à une norme d’établir des faits et puis charge ensuite au client de trancher sur les conséquences à en tirer. Il faut savoir que l’essentiel des enquêtes internes sont menées hors avocat, c’est-à-dire en interne par l’entreprise, soit par le directeur juridique, soit par l’audit, que ce soit l’audit interne ou les auditeurs externes qui fournissent cette prestation de service, ça peut être aussi le comité d’audit du conseil d’administration ou ça peut être un tiers de confiance qu’on peut retrouver extérieur à ça.

Dans l’actualité récente on voit que des missions d’enquête interne ont été confiées à différentes entités sur plein de sujets. Traditionnellement, on est dans la corruption, le blanchiment et évidemment, à une écrasante majorité, des problématiques de harcèlement moral et sexuel. Mais Orpéa a nommé deux cabinets qui ne sont pas des cabinets d’avocats et j’y reviendrai, quel est l’avantage de se tourner vers un cabinet d’avocat, à quoi ça sert et pourquoi le faire évidemment la réponse est la déontologie et la qualité d’auxiliaire de justice de l’avocat, qui ne peut pas induire en erreur sciemment et Orpéa donc a nommé un cabinet de management et un cabinet comptable pour déterminer la réalité d’allégations. Autre exemple qui a maintenant quelques mois, l’église de France a nommé Jean-Marc Sauvé pour constituer une commission pour justement enquêter et rendre un rapport.

Il n’y a pas de règles absolues et universelles sur l’enquête interne, mais il y a une méthodologie qui va permettre son évaluation par un tiers.

Donc les principales étapes de l’enquête interne : le plan, pourquoi ? Parce que l’enquête interne, c’est dire ce qu’on va faire. Et faire ce qu’on a dit. C’est comme ça que vous allez être crédible. J’y reviens bien sûr.

Les mesures conservatoires et les effets de l’enquête interne sur les salariés. Attention, je viens de rendre hier un rapport d’enquête interne qui se déroule en parallèle d’une enquête judiciaire et un Parquetier qui nous a dit, entre Noël et jour de l’an, faites bien attention à ce que vous faites, si vous empiétez sur mes plates-bandes je saurai vous trouver. C’est quasiment comme ça qu’il l’écrit. Donc, rester bien à sa place, attention à la subordination et vraiment permettre un contrôle ex post facto de l’enquête interne.

La collecte des documents : le recueil de preuve, comment est-ce que ça se fait ? Élément essentiel de l’enquête interne, la tenue des entretiens. Est-ce qu’on a un avocat pour le salarié, comment l’organiser, comment en prendre note, ainsi de suite.

Et le rapport d’enquête à proprement parler, et ensuite nous déroulerons un cas pratique que j’ai voulu aussi détaillé que possible, les faits de l’espèce, l’opportunité de l’enquête, faut-il déclencher, ne faut-il pas déclencher ? Les étapes préliminaires, la préservation des preuves, la collecte et analyse des données, les auditions, le rapport d’enquête, des faits nouveaux et commis en dehors du travail. Donc ça c’est pour prendre en compte la jurisprudence sur l’exemple des after-work: quelqu’un qui se comporte mal en dehors du cadre professionnel, est-ce que ça a des conséquences dans le cadre professionnel ?

Et la communication potentielle des enquêtes aux autorités judiciaires et ensuite j’ai 4 petites questions à choix multiple pour que nous puissions tester ensemble nos connaissances.

Donc j’espère que cette nouvelle façon de présenter cette formation conviendra à chacun et vous me ferez vos retours.

 

1. Définition et contexte de l’enquête interne

 

    A. Démarche qui vise à comprendre de façon détaillée une pratique ou un événement

 

    • Peut concerner des questions comptables/financières, RH (Harcèlement moral/sexuel), éthiques, commerciales, etc. 

 

Et ça peut concerner nous l’avons vu un très grand nombre de sujets différents. Des questions comptables ou financières, c’est souvent le cas notamment si vous avez un désaccord avec le commissaire aux comptes, vous pouvez trouver comme compromis, la société peut trouver comme compromis, de diligenter une enquête interne pour déterminer réellement la façon dont les faits se sont produits.

Ça peut être une question de harcèlement moral ou sexuel. C’est l’écrasante majorité des alertes des systèmes d’alerte et des enquêtes aujourd’hui, souvent conduites en interne, mais avec le directeur juridique ou le responsable juridique selon la taille de la société, qui va souvent vouloir s’appuyer sur un conseil externe pour justement avoir ce soutien parce que ça peut être très impactant pour l’enquêteur et si le comportement déviant touche un membre du comité exécutif ou de la direction générale, ou un responsable commercial à gros portefeuille si je puis dire, et bien les pressions peuvent venir sur la personne qui diligente ou qui contrôle l’enquête. Donc avoir recourt à un avocat, à sa déontologie, le soutien du barreau, ainsi de suite c’est un confort et sans pour autant déléguer l’ensemble de l’enquête à l’avocat, parce que ça engendre des coûts, comme chacun le sait, auxquels l’entreprise ne veut pas ou ne peut pas toujours faire face.

Éthique, les violations des normes éthiques. On a en RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) notamment de plus en plus de normes extra financières et donc ce sont des engagements, à la fois vis-à-vis de ses salariés et de ses collaborateurs, des investisseurs et puis des tiers. Aujourd’hui un grand groupe qui a une marque « mondiale » craint souvent plus Twitter et sa réputation que la visite d’un Procureur, parce qu’on a une espèce de retour de potence avec tout ce que cela engendre de conséquences sur un cours de bourse, sur la confiance des partenaires commerciaux et des collaborateurs.

Et ça peut être des questions commerciales tout simplement, je vais essayer de prendre dans mes exemples, les cas les moins évidents, hormis les questions de droit social, parce que ça c’est très important de les contrôler.

Pourquoi ? Pour vous montrer que finalement une enquête interne ça peut être tout et partout. Ça peut être dans une municipalité, ça peut être dans une entreprise internationale et ça peut être dans une PME.

L’exemple commercial. C’est un grand groupe français qui vend une filiale à un grand groupe Étasunien dans le cas d’espèce, mais ça peut être en France aussi, Et dans les diligences effectuées après la vente, l’acheteur se rend compte qu’il y avait des fraudes majeures dans un laboratoire et que le produit qui est vendu était en dehors des spécifications commerciales dans un domaine où l’utilisation du produit qui est dans le domaine de l’aéronautique ou l’utilisation du produit ou la mauvaise utilisation du produit ou un produit défectueux pourrait avoir des conséquences dramatiques.

Le vendeur, de bonne foi, est très embêté parce qu’il se dit : je suis mal, mal, mal, j’ai pas évalué, je ne savais pas ce qu’il se passait dans ma filiale, c’est vraiment catastrophique pour l’image du groupe aussi et l’acheteur se dit « mais je me suis encore fait rouler par les français, quelle arnaque ce truc ». Alors, ils sont à couteaux tirés, il ne faut surtout pas que ça sorte parce que c’est mauvais pour tout le monde, mais en même temps on parle de sommes très importantes. Et bien ce qu’un confrère a dit, qui était dans un cabinet qui est très nombreux dans le Monde, écoutez, vous travaillez ensemble sur le même marché depuis 100 ans, vous êtes en joint-venture dans la moitié du Monde, concurrents dans l’autre et vous bosserez encore ensemble dans 100 ans. Aujourd’hui vous êtes dans l’émotion, même dans les affaires, il y a de l’émotion, et vous êtes dans la défiance, en fait vous avez besoin de faits. Et ce que ce le confrère a dit c’est «  vous devriez prendre Stéphane, il va enquêter, déterminer des faits, et puis là, vous pouvez mettre une étiquette de prix sur ces faits et trouver un compromis entre personnes raisonnables et d’affaires « .

Et donc les deux avocats, la partie française me connaissant a dit go, la partie américaine m’a fait venir pour que je fasse une danse du ventre, que j’ai faite. Ils ont dit, bon il a l’air à peu près normal ce type, et on m’a donné un mois et demi avec les collaborateurs, toute l’équipe, et puis on est allés interroger des gars dans les laboratoires, regarder les cahiers de labo, essayer de comprendre le fonctionnement, les fichiers Excel et puis qui savait dans la hiérarchie, et chacune des parties s’était engagée à répondre à toutes les questions que nous pourrions avoir. Et là, on a rendu un rapport, je ne sais pas ce qu’ils en ont fait d’ailleurs, mais on a rendu rapport qui donnait des faits objectifs sur la base d’entretiens, sur la base d’emails, sur la base de notes prises. Et donc, on dépassionne, on trouve un accord et on met un prix là-dessus et on avance.

Vous voyez, ça peut toucher plein de choses et pourquoi je vous dis ça, pour que vous ayez le réflexe dans les échanges avec vos clients, en disant, quel que soit le domaine dans lequel vous pratiquez, en disant mais je suis avocat, j’ai une déontologie, nous avons des règles pour les enquêtes internes, et nous pouvons être le médiateur quelque part pour ramener chacun à la réalité. Et vraiment ça touche tous les domaines, et c’est une approche dont il faut se saisir parce qu’il y a une vraie valeur ajoutée que ce soit un avocat.

Soyez absolument convaincus que votre premier concurrent (parlons de parler comme ça mais c’est la réalité) votre premier concurrent, ce ne sont pas vos confrères, ce sont les dizaines ou les centaines de cabinets d’audit, de cabinets de consultants, de tutti quanti, qui se mettent sur le même créneau mais qui n’ont pas notre rigueur du droit et qui n’ont pas notre déontologie. Et ça c’est vraiment quelque chose à mettre en avant.

 

    • Répond à une obligation de sécurité de l’employeur

 

Alors, répond à une obligation de sécurité de l’employeur, qui se doit d’être réactif, l’absence d’enquête interne peut engager sa responsabilité. Ça, pour nos confrères qui font du droit social, ils reconnaîtront assez aisément quand il y a une alerte, et bien vous vous devez d’enquêter, ce n’est pas une option car vous avez une obligation de sécurité vis-à-vis de vos salariés.

Encore une fois, une enquête interne ça veut pas dire 50 avocats et des millions d’euros. Je prends souvent l’exemple d’une recherche d’un salarié qui avait aimablement dénoncé une personne de son service en disant qu’il produisait des faux frais. Et c’était une histoire de voiture de location de mémoire, et le responsable juridique dit qu’est-ce que je fais, c’est grave, c’est quelqu’un qui est assez haut dans la hiérarchie commercial, et dis «  faites une recherche Google ». Finalement, s’il y a à cette adresse là un revendeur de voiture bon, passez à autre chose, et si c’est un maraîcher en regardant sur Google Maps, vous verrez qu’il y a un problème. Et en fait, c’est une enquête interne, on a un plan, on a une alerte, on a des faits qu’on connaît avant (et je vais y revenir).

On détermine le prisme de l’enquête, on effectue l’enquête et on a un rapport, et tout ça, ça peut durer 10 minutes. Donc, il n’y a pas besoin de monter une usine à gaz. Il y a besoin d’apporter cette qualité de médiateur. Dans l’Encyclopédie de Diderot le métier d’avocat n’existe pas et ce qui lui ressemble le plus c’est le métier de médiateur. Un médiateur, c’est quelqu’un qui rapproche les parties. C’est un peu ça l’avocat enquêteur, pas forcément qui rapproche les parties mais en indépendance avec sa qualité d’auxiliaire de justice, avec la protection du secret professionnel, apporte des éléments de fait, et éloigne la spéculation et la rumeur.

 

    • Donne lieu à la rédaction des rapports

 

Donc la méthodologie j’en ai parlé déjà. Donne lieu à la rédaction d’un rapport, c’est essentiel. et c’est essentiel de passer par ces méthodes.

J’ai un de nos confrères qui m’appelle et qui me dit, confrère j’ai un de mes clients historiques qui veut se séparer de son directeur financier, il me demande de regarder ses emails, il avait entendu parler de l’enquête interne, il me dit c’est pas mal ce truc-là, est-ce que tu peux enquêter sur ce type-là ?

Alors j’ai dit, bravo confrère, c’est très bien d’appeler, c’est très bien de ne pas garder les choses pour vous, on est là pour s’entraider. Et puis, non mais vous êtes complètement dingue de ne pas lui avoir dit non tout de suite, l’enquête interne par l’avocat c’est ce qui apporte son indépendance, ne doit pas être soumise à une autorité qui va lui donner finalement les conclusions de son rapport. Si l’objectif c’est de dézinguer un type, non, on dit non ce n’est pas ça. S’il y a une allégation qui existe (et je vais arriver sur le plan de l’enquête) et bien c’est autre chose. Je suis sûr qu’aucun d’entre nous ici n’a envie qu’on aille fouiller dans ses emails et moi j’ai certainement pas envie qu’on fouille dans les miens.

La rédaction d’un rapport.

Le rapport qui répond à la question et amène à tirer des conclusions pour la personne morale, disciplinaire, pénale, civile, administrative. Vous pouvez avoir un devoir de conseil, on me demande souvent d’émettre des recommandations à l’issue de mon rapport, mais mes recommandations sont souvent d’ordre général. J’essaie de ne pas donner, je ne crois pas que je le fasse, mais évidemment, si on regarde toutes les enquêtes que j’ai faites, vous retrouverez la chose, mais j’essaie de ne pas sortir de mon rôle et de ne pas perdre mon indépendance.

Je vais rendre mon rapport et puis c’est au RH de prendre la décision de la sanction. Je ne vais pas recommander une sanction mais en revanche je vais déterminer les comportements qui sont déviants par rapport aux normes, par rapport aux règles.

S’il y a des questions, n’hésitez pas, c’est plus important que je réponde à vos questions que je répète mon histoire. Je continue, je pars du principe que ça va pour l’instant à chacun.

 

    B. Une enquête peut être diligentée pour plusieurs raisons

 

    • Une alerte reçue

 

Donc ça peut être diligenté par une alerte reçue. Obligation d’enquêter, nous avons la directive européenne mais nous avions déjà Sapin II pour les sociétés de plus de 50 salariés. Dans les étapes, attention aux délais pour répondre aux lanceurs d’alerte, c’est 7 jours. Dans les 7 jours il faut lui avoir répondu en disant, on a entendu, on va regarder, 3 mois pour le rapport, et 3 mois de plus s’il y a une complexité particulière.

Alors un lanceur d’alerte – évidemment il y a toujours des exceptions, il y a toujours des voyous et ainsi de suite – mais un lanceur d’alerte, c’est quelqu’un de pressé. On a, ces dernières années, tous vu avec le mouvement me too, on a tous lu des témoignages, on s’est tous rendu compte pour ceux qui n’y étaient pas suffisamment sensibilisés, de l’effort considérable que c’est, de la culpabilité, du besoin de se construire, c’est-à-dire de se rendre compte que ce n’est pas soi-même qui a un problème mais qu’il y a un problème à l’extérieur et ainsi de suite, et qu’on est une victime. Et donc, tout ça fait que quand vous avez devant vous une victime de harcèlement, que ce soit moral ou sexuel d’ailleurs, elle a fait une démarche formidable, considérable, pour arriver jusqu’à vous. Et donc c’est essentiel de l’accueillir comme ça on va parler des auditions mais je suis très souvent assez taisant, notamment au début, parce que les gens quand on a une situation d’emprise de harcèlement ainsi de suite, les gens finalement, ils ont besoin de déposer. Donc, faisons attention à ça, faisons attention à la violence aussi que peut constituer une enquête, surtout pour quelqu’un qui a un niveau de séniorité faible.

Et ça, c’est notre serment d’humanité, encore une fois, je suis absolument convaincu que l’avocat est la profession.

La nouvelle loi vient en application de la directive. C’est la directive et donc la transposition dans la loi qui est passée au Sénat mercredi dernier et cette semaine à l’Assemblée donc on aura donc notre loi et il y aura les décrets ensuite évidemment.

Donc une enquête peut être diligentée pour plusieurs raisons. Il y a pleins d’articles encore une fois sur le site du cabinet, on a construit notre site web de tel façon que ce soit accessible à tout le monde, l’objectif c’est qu’on progresse. Mettez des lanceurs d’alerte, vous aurez des messages sur le sujet et je suis sûr qu’on va encore en faire un, une brève, quand la loi sera votée, donc en étant abonné à LinkedIn sur le cabinet, vous aurez tout, sur les sujets de conformité et d’enquête on publie beaucoup.

 

    • Découverte de faits litigieux

 

Donc, découverte des faits litigieux donc là on enquête, ça peut être logique.

 

    • Intervention de l’autorité de poursuite

 

Intervention de l’autorité de poursuite, donc le régulateur, donc ça arrive très souvent, une perquisition qui arrive. Vous avez une perquisition, vous avez des réquisitions, et bien vous devez vous organiser il faut comprendre que jusqu’à encore récemment la meilleure défense pénale ça a était du dilatoire en somme. La justice n’a pas de moyens, elle est si lente, et bien trouver tous les moyens pour retarder, tout le monde sera jugé à la saint glin-glin, et comme ça vous serez tranquille. En réalité, il y a une espèce de retournement de la charge de la preuve avec ça Sapin II bien sûr mais le devoir de vigilance et les exigences des salariés, et les exigences des ONG et tout ce qui est le reporting extra-financier et ainsi de suite, ce qui fait qu’on a des engagements dans les documents universels, on prend des engagements sur un certain nombre de choses et les actionnaires vous en tiennent rigueur.

Donc les questions des autorités de poursuite, dès que vous avez une perquisition aujourd’hui dans un grand groupe, vous dites ok, stop, on évite la destruction de preuve, on prend attache avec le Parquet et on essaie de comprendre ce qui s’est passé.

Et donc là l’enquête interne, avec le secret professionnel, je vous parlais d’un conflit que j’ai eu avec un Parquetier qui ne comprenait pas le sens de l’enquête, dans ce cas-là, il faut aller lui expliquer, il y a encore beaucoup de Parquetiers qui ne comprennent pas, évidemment au PNF ils sont rompus à la chose, ils ont l’habitude, on échange très facilement mais ce n’est pas toujours le cas, le Parquet financier de Paris et celui de Nanterre aussi, ont l’habitude des enquêtes internes. Evidemment ils viendront contrôler et puis s’ils ne veulent pas que vous interrogiez certaines personnes ils vous le diront. Mais il s’installe une dynamique finalement de confiance, qui permet à la personne morale d’être traitée finalement comme un citoyen comme les autres entre guillemets.

 

    • Audit de contrôle à la suite d’observation de signaux

 

Audit de contrôle à la suite d’observation de signaux, notamment en matière de RH, un turn over important, c’est mauvais pour l’entreprise, évidemment ça fait des problèmes de formation. Et puis il y a un problème, il faut aussi comprendre ce qu’il se passe. Pas forcément aller chercher un avocat. Peut-être que les RH peuvent, avec le conseil d’un avocat, entendre les personnes de ce service et essayer de comprendre ce qu’il se passe. Arrêts de travail très nombreux, ça c’est quelque chose qui arrive souvent aussi, que je retrouve très régulièrement, on se retrouve avec un service qui ne peut plus fonctionner. On est dans des situations soit de harcèlement, soit de dysfonctionnements importants, je pense notamment à service qui vient d’être créé en fin d’année dernière au sein d’un très grand groupe avec des gens qui sont venus d’horizons très différents, qui ne se connaissaient pas, et qui ont continué à travailler en silo. Ils étaient une trentaine, tous réunis dans les 2 dernières années, mais ne se parlant pas. Et alors là, turnover, arrêts de travail, dysfonctionnements, la même tâche effectuée par plusieurs personnes, Donc d’un seul coup on se retrouve dans une espèce de concurrence catastrophique et la recommandation finale ça peut être tout simplement, d’abord l’enquête c’est quoi, ça va être essayer d’entendre chacun, et chacun va livrer son histoire, et ensuite la personne va construire un programme de remédiation. In fine, oui il y a un coût d’enquête mais vous vous retrouvez dans une situation où l’entreprise va pouvoir fonctionner beaucoup mieux, à moindre coût et ainsi de suite.

Alors les rumeurs, moi je n’aime pas enquêter sur les rumeurs, mais ça peut être des rumeurs de marché, très insistantes, vous verrez dans l’exemple que nous utiliserons tout à l’heure dans le cas pratique les allégations, on a vu les allégations dans un livre récemment. Alors la société mise en cause dit ce sont des allégations. Alors allégations, rumeurs il y a des évolutions, mais un moment donné vous êtes obligés d’agir et de regarder si celui qui porte la parole est crédible.

Il faut se méfier des rumeurs.

Les écarts de procédure. C’est l’idée d’identifier les sanctionnés quand il y a un dépassement de la limite, Mais aussi, ce que les Américains appellent un near miss, C’est-à-dire on a raté la faute, on n’y est pas, mais on est passé très près de la faute. Donc si vous avez une limite de vitesse à 130, Et que vous savez que vous avez 5 pourcents de marge mais que vous êtes à 132 en permanence, Il faut peut-être dire à la personne qui conduit, écoute mets-toi 129 comme ça tu seras tranquille et tu arriveras de toute façon 3 minutes plus tard, ce n’est pas ça qui changera quoi que ce soit.

 

    • Obligation contractuelle

 

Et une obligation contractuelle, alors ça de plus en plus. Évidemment les bailleurs de fonds internationaux et publics ont des obligations d’enquête très très claires. À ce titre j’ai été nommé à deux reprises, trois même, moniteur expert de conformité par la Banque mondiale dans le cadre de sanctions d’entreprises. Donc la société ou le groupe a utiliser l’argent de la banque à mauvais escient, pour payer impôts de vin, pour organiser un cartel, commettre une fraude. Elle va devoir payer une amende et avoir un moniteur, donc je suis une sanction, pour justement l’accompagner dans son système de conformité et notamment s’assurer que quand il y a un problème, quand il y a une alerte, quand il y a une situation qui est en violation des règles, et bien elle enquête.

Contractuellement, vous prenez l’argent des bailleurs de fonds internationaux, vous vous engagez à ça et attention c’est très dangereux, pourquoi ? Parce que vous n’avez aucune protection que vous apporte une procédure judiciaire et que vous apporte le code de procédure pénale puisque c’est contractuel, vous vous êtes engagé à vous mettre à nu.

Attention quand vous prenez l’argent, ça devient avec des obligations, des contraintes et puis de plus en plus les bailleurs de fonds privés vous demandent la même chose, parce que les banques ne veulent pas être accusées de blanchiment par exemple, et à cause du risque réputationnel. Donc quand vous avez un problème, il faut enquêter, rendre compte et expliquer.

Je vous donne l’exemple d’un groupe européen qui a des activités en Afrique de l’Ouest et qui se retrouve avec des allégations, je vais vous prendre cet exemple là parce que le lanceur d’alerte n’a pas toujours raison. Je vous ai dit à quel point il fallait faire attention aux lanceurs d’alerte mais l’alerte peut être malveillante. Dans un pays d’Afrique de l’Ouest l’entreprise reçoit 3 alertes à 3 semaines d’intervalle, de 3 emails différents, avec trois noms différents, se concentrant essentiellement sur une personne et son service avec des allégations de corruption très légère mais surtout de collusion, c’est à dire de partage, de cartel, de violation directe des règles de concurrence du marché.

Dans ce cas de figure là, nous avions à lanceur d’alerte. Alors lanceur d’alerte, attention, la grande entreprise internationale, elle a des règles, donc on était obligés de traiter le lanceur d’alerte avec respect évidemment, et puis de le prendre au sérieux et d’être à son écoute. Ne pas prendre au sérieux un lanceur d’alerte, maintenant une obligation légale, mais c’est une faute aberrante parce que le lanceur d’alerte si vous ne lui répondez pas, il va penser que c’est parce que vous êtes dans le coup, dans le sens de la combine, il va se tourner vers Twitter, vers les réseaux sociaux, les journalistes à scandale ainsi de suite, donc il faut traiter avec le lanceur d’alerte.

Nous avons répondu aux trois lanceurs d’alerte, nous avons conduit des entretiens par téléphone, pour essayer de comprendre avec précision ce dont il s’agissait. Au bout du deuxième coup de fil on s’est rendu compte qu’en fait c’était la même personne. C’était la même personne parce que c’était la même voix, c’était la même intonation, mais sous des noms différents et c’était rendu crédible parce qu’il y avait trois alertes qui portaient sur des choses légèrement différentes et de personnes qui connaissaient vraiment l’entreprise. Il s’est avéré que c’était quelqu’un qui était parti quelques mois plus tôt parce qu’il voulait la place de patron de pays, qu’il n’avait pas eue et qu’il était parti à la concurrence, donc avec une volonté de déstabiliser le pays.

Mais ça va entraîner, et je reviens l’obligation contractuelle, comme les allégations étaient extrêmement graves et que dans les contrats de financement, y compris privés, Il fallait rendre compte de toute procédure contentieuse, précontentieuse etc. qui pouvait relever de violation de règles de probité, donc corruption, ainsi de suite. Et donc l’entreprise se disait, il faut qu’on prévienne tout de suite pour maintenir la confiance avec nos financiers. Il s’est avéré qu’il n’y avait rien donc il faut être prudent et il faut agir avec méthode.

 

2. Les principales étapes de l’enquête interne

 

L’enquête interne est un processus minutieux qui suit des étapes précises et qui doit être proportionnée. Effectivement il faut que ce soit proportionné, vous avez notamment en matière sociale cette règle.

 

    A. Détermination du plan d’enquête.

 

Les parties prenantes et les objectifs avec le client. Alors je vous ai parlé d’objectifs qui m’ont semblé fallacieux. Pourquoi il faut déterminer les objectifs ? Parce qu’en fait on répond à une question, nous ne sommes pas des journalistes d’investigation, nous ne sommes pas non plus des magistrats instructeurs, Nous ne sommes pas soumis à l’article 40 qui va obliger un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions à rendre compte au parquet d’une suspicion d’infraction, on n’est pas dans ces situations-là. On répond à une question.

Quand vous menez une enquête vous allez découvrir, enfin pas toujours, mais quasiment toujours d’autres choses. Vous allez découvrir qu’en fait il y a un autre comportement fautif, Il y a une autre chose. Ce qui est important c’est de répondre à la question car vous ne pouvez pas induire en erreur, donc il faut que les questions soient claire, et c’est aussi rassurant pour le client parce qu’il sait que si c’est fait par un avocat et que la question est posée, ce qui a trait du reste ne sera pas sorti et donc on n’aura pas l’effet boîte de Pandore que l’on peut avoir que trop souvent quand on a une autorité de poursuite ou de régulation qui vient faire ce travail et surtout qui va faire dysfonctionner l’entreprise puisque plus personne ne travaille quand vous avez des perquisitions à répétition et des convocations à des auditions et ainsi de suite.

 

    B. Le processus de collecte et de revues des données

 

Le processus de collecte et de revues des données, L’intervention d’un forensique – forensique c’est un mot qui a l’air curieux mais il s’agit peu ou prou aujourd’hui de sociétés qui vont vous aider à collecter les documents, à collecter les emails, il y en a qui font ça de manière très compétitive, c’est un marché très concurrentiel, il y a plein d’acteurs, Il y a même des cabinets qui ont des forensiques en interne. Il s’agit de collecter les téléphones les ordinateurs, ainsi de suite, de collecter les informations donc on met tout ça sur un serveur, on va exclure certaines données. Comment on les exclut ? On les exclut avec des mots clef. On va avoir les mots-clés qui peuvent être le nom des parties si c’est une affaire de consultant par exemple le schéma le plus simple pour payer un pot de vin, vous prenez un tiers qui est consultant en je ne sais pas quoi, ou un avocat malheureusement, vous lui payez 1000, lui ensuite il va verser au titre d’une autre consultation à quelqu’un d’autre 999 et il va garder un ou alors il va garder plus. Donc utiliser un tiers. Si vous avez un tiers qui est problématique, vous pouvez mettre ce nom là pour voir s’il apparaît, vous pouvez mettre le nom du contrat, c’est rare qu’on utilise corruption, pot de vin dans un email mais ça arrive.

 

Question :  À quelle déontologie l’enquêteur est-il soumis ? Comment éviter le risque d’être instrumentalisé pour un enquêteur rémunéré par l’entreprise ?

En fait l’avocat, il est toujours payé par son client et ce qu’il en tient, ce qui rend son travail crédible c’est sa déontologie. On a à la fois le RIN et le RIBP qui s’appliquent à nous mais plus spécifiquement on a un vade-mecum de l’avocat enquêteur et ça, ça a été voté en conseil de l’ordre en 2019, novembre ou décembre 2019 et qui va mettre les 10 règles essentielles à respecter. Je vous enverrai le rapport que j’ai présenté avec Basile Ader, Je pense que c’est un document qui est assez important.

Comment on exclut les données ? On va mettre des mots clés dans ces emails pour faire ressortir les documents pertinents, On va exclure certaines données, notamment les données personnelles.

 

Question :  En droit du travail, l’avocat du salarié conteste systématiquement la présence d’un avocat choisi et payé par la société même si bien évidemment il est rappelé qu’il est indépendant, il ne s’agit pas du conseil habituel (très bon point de citer le conseil habituel) Et qui s’engage à ne jamais intervenir dans le dossier.

Effectivement vous ne pouvez pas, et vous le verrez dans les règles déontologiques, suivre la procédure prud’homale qui va éventuellement être la conséquence de votre rapport d’enquête interne, l’avocat du salarié considère que l’avocat enquêteur n’est pas totalement indépendant et le plaide en cas de contestation ultérieure.

Absolument et je remercie Emmanuelle de cette question donc on n’est pas dans la discussion on est dans la question/réponse Et elle a parfaitement raison d’où l’importance de travailler avec une très grande rigueur, documenter et vous attendre à ce que le conseil de Prud’hommes vous demande votre rapport d’ailleurs.

 

Question de Ariane : Que faire lorsque l’enquêteur enfreint nos règles déontologiques ? J’ai le cas d’un confrère enquêteur qui se présentait comme un salarié de la société. Et bien oui, ça ne va pas du tout, ça ne va absolument pas. Et bien vous saisissez l’ordre, delegationgenerale@avocatparis.org. Enfin vous écrivez d’abord au confrère pour essayer de comprendre, qu’il fournisse une explication et s’il n’y a pas d’explications suffisantes vous vous tournez vers votre Ordre. Il y a aussi une interface sur le site de l’Ordre, vous pouvez, une fois que vous êtes connecté comme avocat, vous pouvez directement poser la question à la commission de déontologie, mais un avocat ne peut pas se faire passer, ce n’est pas un imposteur, il ne peut pas se faire passer pour quelqu’un qu’il n’est pas.

 

Question de Camille  : Est-ce qu’un avocat qui accompagne un salarié, celui qui a dénoncé les faits dans le cadre d’une procédure d’enquête pour harcèlement, peut-il avoir la liste des personnes auditionnées ?

Il n’y a pas de règles. Je crois que ce qui est essentiel, c’est le contradictoire et vous verrez que dans la jurisprudence, nous allons y venir,  il est demandé à l’enquête interne d’entendre toutes les personnes impliquées. Évidemment, je crois que c’est le cas de cette jurisprudence-là en particulier, la personne qui est mise en cause, mais aussi les membres du service pour se faire réellement une idée et permettre un contradictoire. Donc est ce qu’on a le droit d’avoir la liste des gens à auditionner, le droit non, j’imagine qu’un conseil des prud’hommes pourrait le demander et je vous ai fait référence à la jurisprudence.

Pour ma part quand je mène une enquête, ou que je suis du côté salarié, je considère que c’est à la personne morale de porter les honoraires de l’avocat de la personne entendue dans le cadre de l’enquête interne c’est à dire que, et c’est dans le vade-mecum. Vous avez un avocat qui mène l’enquête, parallélisme des formes. Le salarié entendu a droit à un avocat aussi et à mon sens dès lors que ça découle de son contrat de travail, les honoraires doivent être pris en compte, ce n’est pas dans le vade-mecum mais ça me paraît logique.

 

Question de Camille  : Est-ce que le CSE doit être informé de l’ouverture d’une procédure d’enquête ?

Pour moi il vaut mieux, mais je sais que les rapports sociaux nous le savons tous varient considérablement d’une société à une autre donc ça dépend de l’enquête, ça dépend de son prisme, ça dépend de qui elle concerne. Moi ce que j’encourage vivement c’est à, le problème c’est que c’est en amont et que si ce n’est pas fait c’est un peu trop tard, je pense qu’il faut l’inclure le plus possible dans le règlement intérieur ainsi de suite. Pour ma part je pense qu’il faut prévenir les représentants du personnel, non pas du contenu, non pas du détail, mais de l’existence de cette enquête pour justement leur donner leur rôle et il faut dire aussi que la jurisprudence considère que l’enquête interne ne fait pas partie de la procédure disciplinaire. En somme, c’est l’enquête interne qui va venir déterminer des faits, et d’ailleurs le délai de deux mois va courir à compter du rendu du rapport. Puisqu’avant, tant qu’on est dans l’enquête interne, on n’a pas de faits par définition, on ne sait pas et donc c’est assez logique que ce soit à l’issue du rapport.

 

Question :  Il ne s’agissait pas de dézinguer quelqu’un à travers l’enquête, comment appréciez-vous cette difficulté où ce risque par rapport à une allégation devant donner lieu à enquête ?

C’est vraiment dans le plan d’enquête que vous traitez ce risque en tout cas c’est comme ça que moi j’ai conçu l’idée dans l’exemple que je donnais. Le client vous donnait le résultat de votre enquête et là, évidemment, cela ne va pas. Quels garde-fous mettre et comment les mettre pour permettre à l’avocat d’être dans son rôle d’auxiliaire de justice ?

 

    C. Le recueil de preuves matérielles doit toujours être proportionné

 

Le recueil de preuves matérielles doit toujours être proportionné : ouverture de casier, sac, consultation messagerie, téléphone, éléments sur les réseaux sociaux. Alors le problème de la proportionnalité, les travaillistes ici savent ça par cœur, c’est que souvent on se rend compte que c’est proportionnel après. C’est-à-dire que vous avez ouvert le casier, il n’y a rien dedans, c’est compliqué donc il faut documenter en amont pourquoi vous faites ce que vous allez faire, il faut vous assurer de la présence d’un tiers, il faut annoncer à l’avance. On ne peut pas aller sur les réseaux sociaux épier les activités privées des salariés. Si en revanche, c’est un cas qui s’est produit, un salarié affiche sur les réseaux sociaux au sujet de son responsable de service «  ça sent le pipi dans son bureau »  en citant l’entreprise, d’abord c’est complètement crétin, mais là c’est difficile de ne pas y aller. Nous avons eu une difficulté dans un cas il y a 15 jours, du mois dernier, nous avons multiples perquisitions, nous menons une enquête interne, donc mesure conservatoire et mise à pied, mais lors de la perquisition, les enquêteurs on saisit son ordinateur professionnel, son téléphone professionnel et son badge. Donc il faut lui notifier sa mise à pied. Comment le fait-t-on ? On n’a pas son numéro, on ne peut pas appeler chez lui car ça peut être un conjoint, un enfant qui décroche, c’est pas possible. Comment fait-on ? Est-ce qu’on peut utiliser son email personnel ? En fait ce qu’on a fait, c’est qu’on a été dans le dossier RH chercher le CV qu’il avait envoyé et là il, il avait l’email personnel, est-ce qu’on peut envoyer un email personnel parce que le téléphone portable était mal copié. Et on a considéré que oui parce que c’était proportionné et qu’on avait fait les diligences en amont, et il faut les documenter bien sûr. Après, peut-être que ce sera contesté, mais l’idée c’est d’expliquer et de documenter et de tracer.

 

    D. La tenue des entretiens avec des collaborateurs de l’entreprise.

Donc c’est le droit de la défense, devoir de loyauté, principe du contradictoire. Je n’y reviens pas.

 

    E. Rédaction du rapport d’enquête.

On y reviendra.

 

    F. Mise en œuvre de recommandations, sanctions, amélioration du process de conformité, coopération avec les autorités.

 

Sur ce dernier point, l’enquête interne, ça s’est beaucoup développé notamment en France sur les sujets RH parce que le droit social aux États-Unis, vous avez 15 jours de préavis, je ne dirai pas qu’il est inexistant, mais on n’est quand même pas loin du compte. Ça vient vraiment des États-Unis, avec l’idée que l’entreprise doit corriger le tir pour une négociation avec l’autorité, c’est à dire pour obtenir ce que nous on a depuis Sapin II, la CJIP, où ce qu’on a depuis 2013, une CRPC. 2013 c’est le début de la CRPC qui a ensuite été élargi.

Donc on va faire un travail, on montre qu’on est des bons citoyens. J’ai été en juillet dernier, pas par le biais d’une enquête interne, enfin si nous avions conduit une enquête interne, pas moi, pour le compte d’un client et puis nous avions des dizaines de parties civiles à l’audience. La combinaison de l’enquête interne, des correctifs qui sont impliqués et du fait que nous sommes allés pendant plus de 18 mois indemniser chaque parties civiles pour que justement on arrive à l’audience de l’obligation sans partie civile a permis aux magistrats de valider la CRPC et a minima pour éviter toutes les déconvenues du procès public.

 

Donc vous voyez, il y a 1000 façons d’utiliser dans l’intérêt de vos clients, parce que vous êtes avocat, cette enquête interne.

 

2.1. Le plan d’enquête

Le plan d’enquête, et là j’arrive sur la question de Cécile.

 

    A. Identification des faits

 

    • Exposé de ce qui est connu en amont de l’enquête.

 

Pourquoi il faut exposer ce qui est connu en amont de l’enquête, justement à raison de la question de Cécile, parce que si vous mettez ce qui est connu alors on peut expliquer les étapes de l’enquête et si par exemple il y a un texto se moquant d’une salariée de la part de quelqu’un qui la harcelait, s’il y a un contrat de corruption dont vous n’êtes pas au courant, et bien c’est légitime que vous ne le preniez pas en compte dans votre plan d’enquête et dans les questions que vous allez poser.

En posant ça, on explique pourquoi on ne va pas au-delà et pourquoi on ne va pas en dessous. C’est très important à mon sens de vraiment le mettre clairement.

 

    • Ça pose un cadre général, lequel pourra servir pour fonder les choix faits durant l’enquête et justifier son bien-fondé et sa proportionnalité.

 

Les travaillistes connaissent ça, mais aussi en matières civile et commerciale, quand vous aurez à rendre compte, à justifier des diligences menées aussi vis-à-vis du parquet financier par exemple.

Pourquoi vous avez interrogé telle personne, pourquoi vous n’avez pas fait telle démarche ? Eh bien voilà, c’est parce que j’avais ça au départ. Mais évidemment ça peut évoluer, mais on documente, on explique.

 

    • L’utilisation de l’enquête est conditionnée à sa proportionnalité, son sérieux et sa pertinence au vu des enjeux.

 

Là, on est encore une fois dans le même thème.

 

    B. Étendue du champ de l’enquête.

 

Comment on va définir ça, toujours, sur la base des éléments qu’on a, dont on a connaissance. Je commence toujours en demandant deux documents : l’organigramme, et c’est là qu’ils se rendent compte qu’en fait ils n’ont pas d’organigramme, et la structure du groupe de l’entreprise, pour comprendre qui décide quoi, quelles sont les responsabilités, ainsi de suite. C’est très très rare que j’ai quelqu’un qui me sorte un organigramme avec les photos et qui est à jour.

Ça permet de comprendre l’enjeu, de comprendre les gens qui sont là et de poser les personnages. Donc ça peut être géographique, un pays, une région, ça peut être une filiale ou un service particulier et ça peut-être une temporalité. La durée d’un contrat si c’est une problématique de financement ou de violation des règles de concurrence dans un marché public, et bien ce qui va vous intéresser c’est la période au moment de l’émission de l’appel d’offre, mais, et ça m’est arrivé dans plusieurs dossiers, avant c’est-à-dire dans la définition du prisme de l’appel d’offre.

Je prends un exemple, tous les pays du Monde en besoin de pièces d’identité pour les passeports, pour voyager, pour lutter contre le terrorisme, pour ce que vous voulez. En réalité, vous avez probablement une douzaine de pays qui savent comment rédiger ce que doit contenir une pièce d’identité ou ce que doit contenir un passeport pour les spécifications. Donc il y a des consultants et les consultants vont rédiger l’appel d’offre. Celui qui a un consultant dans sa poche, le consultant va pouvoir rédiger de telle façon à encadrer le marché. Vous voyez, ce n’est pas juste l’émission de l’appel d’offre mais en amont de ça. En revanche, une fois que l’appel d’offre est signé, on peut s’arrêter. Encore que, il peut y avoir un accord ou le versement se fait après, au consultant. Donc il faut cadrer, et comment est-ce qu’on cadre ? Grâce au fait qu’on connaît la loi, c’est votre gilet de sauvetage. Ah mais attendez ça je savais pas. Et vous avez le droit à l’erreur, mais vous n’avez pas le droit à l’erreur de méthode. Enfin, vous avez le droit à l’erreur de méthode mais c’est avec une bonne méthode que vous arriverez à vous en sortir.

 

   C. Identification des parties prenantes.

 

Hyper important. Justement parce qu’on ne veut pas de fuites, justement parce que ça doit être proportionné, justement parce qu’on doit respecter la réputation de chacun et l’indépendance. Vous n’êtes pas des clients, vous êtes des avocats, ce n’est pas à vous de prendre les décisions en aucune matière, ça ce n’est pas que pour l’enquête interne. C’est au client de prendre la décision, vous vous êtes le conseil. J’avais une interview que je donnais dans France Culture ou un truc comme ça et donc la personne qui m’interroge aimablement me dit «  ah mais vous devez refuser beaucoup de clients » . J’ai dit non, je n’ai jamais refusé un client de ma vie. En revanche, j’ai des clients qui me refusent, parce que justement ils ne veulent pas que j’agisse selon des règles déontologiques, une méthode, d’une transparence, ainsi de suite.

Donc, c’est très important les parties prenantes. Le président directeur général qui veut mettre son nez dans votre enquête interne, le chef de service qui dit, non non je suis le chef de je ne sais quoi, du desk ou de la salle de marché, je veux savoir ce qu’il se passe chez moi. Je dis non non, tu restes écarté de ça, tu nous laisses faire notre travail et ce qui fait que souvent on nous dit « très bien mais tu n’as que 15 jours », et ça c’est autre chose, et souvent c’est pendant les vacances en plus.

Les parties prenantes, c’est votre client.

Donc il y a très souvent la fonction juridique, parfois la fonction RH. Moi je n’aime pas avoir la fonction RH (je n’ai rien contre la fonction RH du tout),  mais je pense que la fonction RH, c’est celle qui doit déterminer la sanction alors si elle a participé à l’ensemble du processus, et bien elle n’est plus, à mon sens, indépendante. Mais bon, on peut consulter la RH. Mais on a besoin de la RH, parce qu’elle a beaucoup d’éléments, de documents, elle a par exemple les évaluations annuelles ou bisannuelles, elle a les parcours, elle a les fiches de poste. Elle a beaucoup de choses dont vous avez besoin.

Vous pouvez avoir besoin d’un comptable, s’il y a des éléments financiers ou économiques. Si quelqu’un dit voilà j’ai été sanctionné pour telle ou telle raison ou il a fait exprès de valider mes notes de frais 6 mois après les autres, c’est une technique de harcèlement que j’ai vue récemment que je trouve particulièrement méprisable. Donc vous avez un chef et une situation de harcèlement, il crée une situation de déséquilibre dans son équipe. Il y en a un qui a ses notes de frais validées comme ça et puis l’autre qui doit attendre 6 mois, c’est une technique. Donc là vous avez besoin du comptable.

Vous pouvez avoir besoin de l’informatique s’il faut collecter des e-mails, comprendre à qui appartient le téléphone, est-ce que le c’est le téléphone personnel, est-ce que c’est le téléphone de l’entreprise. Donc il faut identifier les parties prenantes selon les besoins.

 

    D. Détermination du processus d’enquête.

 

Donc ça c’est, qui est ce que je vais interroger, dans quel ordre, pourquoi ? Pourquoi est-ce que la fonction est pertinente ?

 

    E. Établissement de la chronologie prévisionnelle

 

Et puis une chronologie prévisionnelle, soyez rassuré, elle n’est jamais respectée parce qu’il y a les aléas de toute enquête, mais c’est bien de poser un cadre, c’est rassurant, il faut que ce soit logique. Si vous dites je vais interroger 40 personnes en deux jours, ce n’est pas ça qu’il faut faire mais ça permet aussi de gérer la relation client parce que c’est très difficile, le client va se mettre dans vos mains, en confiance. Donc c’est toujours utile de faire ça et ce n’est jamais respecté, mais il y a des raisons à chaque fois.

 

2.2. Mesures conservatoires et effets de l’enquête interne sur les salariés

 

    A. L’enquête interne doit être menée de manière discrète

 

L’idée n’est pas de rétablir la potence et d’humilier les gens publiquement. Et vous en repérez les conséquences en matière de diffamation et autres, et la jurisprudence commence être assez importante à ce sujet.

 

Question :  Enquête interne en matière de harcèlement moral. Comment concilier l’obligation du respect du contradictoire avec la récente jurisprudence de la chambre sociale du 17 mars 2021 qui considère que l’employeur n’a pas l’obligation d’informer le salarié mis en cause de l’enquête, ni même de l’entendre dans ce cadre ?

Eh bien il va falloir que je retourne à cette chambre sociale parce que je vois une contradiction évidente, merci de l’avoir soulevée. Voyez, je vous avais dit au début que j’apprendrai quelque chose.

Alors, je vais vous donner un exemple. Dans le rapport que j’ai rendu hier soir, il y avait des allégations qui étaient du colportage dont personne n’a fait état dans le cadre des auditions mais plusieurs avocats des salariés m’ont dit, il y a ça il y a ça et ça et c’était vraiment sans aucun fondement factuel et aucune des personnes que j’ai entendues ne me l’ont dit lors d’entretiens. Il y en a un qui l’a suggéré dans le couloir en off, mais sinon c’est la faute du Palais. Je n’ai pas posé la question à l’intéressé parce que je considérais qu’il n’y avait pas d’allégations, il n’y a personne qui s’est assis pour me le dire et donc je ne suis pas allé là. Il me semble qu’il y a un équilibre. Il faut protéger le lanceur d’alerte, on avait la proportionnalité. Il faut s’assurer qu’il n’y a pas de préjudice, de retour de boomerang pour ainsi dire et puis protéger la réputation des mis en cause. Donc si on considère qu’il n’y a pas assez d’éléments (et souvenez-vous de l’exemple du lanceur d’alerte, alors on était pas dans le cas d’harcèlement,  qui fomente une stratégie de déstabilisation dans ce pays d’Afrique de l’Ouest), dès lors que le lanceur d’alerte c’est auto-annulé, et que la personne visée ne sera pas sanctionnée et il n’y a aucun élément tangible prouvant qu’elle a commis une erreur, ainsi de suite, est-ce qu’il faut nécessairement allez l’entendre dès lors qu’en fait il n’y a pas pour ainsi dire. Merci Alice, je vais aller voir cette jurisprudence là pour essayer de comprendre. Je pense que ça ce sont les éléments en jeu dans l’équilibre. Merci, n’hésitez pas à faire remonter les références de l’arrêts. * Cass. soc., 17 mars 2021, n°18-25.597* Je vais voir si je ne peux pas vous passer quelques arrêts avec l’envoie qu’on fait après, ne serais ce sur ceux auquel je fais référence pour, effectivement comme Alice le suggère, c’est une chose de dire que j’ai entendu dire par Stéphane à une formation, et c’est autre chose de pouvoir cité l’arrêt à son client, ainsi de suite, ou à la juridiction.

 

    • La mise en cause d’un salarié en matière sociale au cours de l’enquête interne peut engager la responsabilité de l’entreprise

 

Nous venons d’en parler.

 

    • La nécessité de préserver les salariés, notamment ceux mis en cause par les faits dénoncés en menant une enquête (accompagnement juridique et psychologique)

 

C’est très important, et pour le mis en cause, et pour le lanceur d’alerte ou la personne qui se dit victime. Vraiment, ne pas oublier l’obligation de sécurité. Encore une fois un cas de l’automne, on a dit à la fonction RH qui n’était pas dans l’enquête, d’appeler tout le monde y compris évidemment le mis en cause. Et d’appeler tout de suite en disant attention j’appelle pour savoir comment tu vas, c’est tout ce qu’il faut dire, c’est pas j’appelle pour te signifier XYZ. C’est très important, il faut comprendre que tant que l’enquête dure, le service dysfonctionnera et une enquête peut durer longtemps et on a vraiment besoin de célérité.

 

    • Nécessité de préserver les autres salariés, notamment les victimes en prenant les mesures conservatoires.

J’ai parlé des mesures conservatoires, notamment avec l’exemple de l’e-mail perso.

 

Question de Xavier : Un avocat qui conseille habituellement l’entreprise devrait-il refuser une enquête si la personne concernée est l’interlocuteur habituel de l’avocat ?

Excellente question. À mon sens, oui. Il y a deux raisons essentielles pour lesquelles il vaut mieux s’abstenir et se tourner vers un tiers. Je vais vous dire que la première n’est pas déontologique, elle est commerciale, en tout cas c’est comme ça que moi je le perçois. Si vous avez un client qui vous fournit, ou qui fournit à votre cabinet, le droit social, les contrats, la fiscalité, ainsi de suite, et que vous vous mettez à enquêter et entendre le DG ou quelqu’un qui est à la direction générale ou d’un haut niveau et bien vous risquez de perdre le reste même si tout se passe bien. Donc d’un point de vue commercial, moi je sais très bien que pour les cabinets, en tous cas mes dossiers rentrent à plus de 80 % par les confrères donc je suis dans cette « « position d’indépendance » et c’est utile pour le confrère. Voyez l’exemple du cabinet d’avocat qui a dit à aux deux entreprises qui avaient cédé une filiale à l’autre en disant, attendez on va prendre un tiers, moi je n’ai pas à faire ça. Donc l’autre raison, est une raison commerciale. Alors évidemment, il y a une question de délicatesse dans la question de Xavier et l’autre raison c’est, on ne s’auto-contrôle pas. Si vous avez mis en place la conformité, si vous avez accompagné dans l’installation des règles éthiques, Si vous avez modifié les règles sur le lanceur d’alerte à la suite de la loi qui arrive, et bien si vous faites le contrôle des tiers, vous n’allez pas contrôler votre propre travail et partant, vous allez vous tourner vers un confrère.

Quand on fait des enquêtes internes, on est tributaire des confrères et aussi, on envoie des dossiers aux confrères, Et je prends l’exemple de mon rapport d’hier soir, en janvier j’avais besoin de six ou sept confrères parce que je devais rencontrer des personnes et je voulais absolument que tout le monde ait un conseil parce que celui qui n’a pas de conseil raconte des bêtises, pas parce qu’il ment, mais parce qu’il est mal à l’aise, parce qu’il ne comprend pas, parce qu’il essaie de se dédouaner en accusant. Donc il y a vraiment une dynamique super sympa avec les confrères.

 

Question de Camille : Quid d’une procédure d’enquête qui est initiée alors qu’une médiation pour harcèlement moral avait déjà été initiée un an plus tôt et que rien n’a changé depuis. Est-ce que ça ne fait pas un peu office de doublon ?

Eh bien, j’apprends, je n’ai jamais eu cette situation-là. Pour moi, un médiateur n’est pas un enquêteur interne. Un médiateur c’est quelqu’un qui va essayer de rapprocher les positions de parties. L’enquêteur, il va dire les faits, donc à mon sens, c’est vrai que ça dure depuis un an on n’en peut plus, le fait de mener l’enquête va poser des faits par un auxiliaire de justice indépendant et donc peut aider au dénouement de la situation de harcèlement pour laquelle il y a visiblement une situation de désaccord persistant et une forme de déni en tout cas d’un côté ou de l’autre si ça fait plus d’un an que ça dure. Pour moi ce n’est pas un doublon, c’est quelque chose en plus.

 

Question de Camille : Est-ce que vous communiquez les comptes-rendus d’entretiens ou uniquement le rapport ? J’y arrive quand on fait les entretiens, parce que justement, ça dépend.

 

    B. Possibilité de prendre des mesures conservatoires.

 

Alors que l’enquête interne est en cours, la situation ayant donné lieu à l’alerte peut continuer. Effectivement, il faut le faire, c’est l’obligation de l’employeur vis-à-vis des salariés.

Utilité de prendre des mesures conservatoires proportionnées, toujours le même critère, pour mettre fin temporairement à la situation. Par exemple, aménagement des conditions de travail, injonction de ne plus exercer certaines missions, enlever l’accès à l’outil informatique.

J’ai eu une histoire de compromission, avec une vraie crainte de destruction de preuves qui est en elle-même constitutive de l’infraction de compromission, du secret de la Défense nationale, bon bah on enlève l’informatique parce que sinon la personne morale pourrait être considérée comme un complice, en tout cas c’était la mesure de prudence. Empêcher la destruction des éléments. Mutation, suspension du contrat, mise à pied conservatoire.

 

2.3. Collecte de documents et recueil de preuves

 

    A. Définition du domaine de la collecte en fonction de l’objet visé, le rapport, le plan d’enquête. Proportionnalité et planification.

 

    • S’assurer de la préservation des données

 

    • Vérifier la faisabilité en cas de transfert de données à l’étranger.

Alors, je ne vais pas m’attarder, par ce qu’on n’a pas le temps, sur transfrontalier, mais c’est une grande part de notre activité, il ne faut jamais travailler sans confrère local. Même en Europe on peut se dire c’est bon les règles sont paneuropéennes. Non, vous avez des règles de droit sociales, vous avez des risques à prendre, ou plutôt vous n’avez pas à prendre de risques, vous, c’est à votre client de prendre les décisions et donc d’assumer les risques qui découlent de ces décisions.

Pour conserver les données aujourd’hui, plus personne n’envoi d’ email, l’email c’est le courrier papier d’avant, Tout se fait sur WhatsApp, Telegram, Signal Tutti quanti ; et donc on se pose la question de la collecte, mais il faut quand même prendre les emails. La plupart des entreprises fonctionnent avec un système Cloud, tant et si bien que c’est très difficile d’effacer complètement des informations mais le mieux reste quand même de bloquer les emails, d’empêcher leur effacement, pour justement rechercher les preuves et aussi dans une logique de bonne foi dans le cadre des échanges que vous pourrez avoir potentiellement avec les autorités de poursuite ou de régulation.

 

    B. Méthodologie de collecte rigoureuse documentée.

 

    • Pour ne pas faire prendre de risques à l’entreprise

 

On a parlé de l’utilisation d’un forensique potentielle pour ne pas faire prendre de risques à l’entreprise. J’ai un enquêteur qui m’a dit un jour, je mettais en avant que l’audit interne était venu, qu’il avait fait des contrôles et qu’il n’avait rien trouvé, et il m’a répondu du tac au tac qu’il savait très bien ce à quoi servait un audit interne, ça sert à détruire les preuves avant la perquisition. Voilà.

Ce qu’il faut c’est pouvoir documenter les étapes, évidemment il se trompe, enfin si cela se produit c’est très grave mais là où vous avez un audit interne indépendant ou dans les banques vous avez une inspection par exemple, les gens n’accueille pas avec légèreté le débarquement des inspecteurs il y a une vraie indépendance.

 

    • Garantir la recevabilité des preuves et leur traçabilité (impérative de loyauté pour un usage dans un cadre disciplinaire).

 

Le cas disciplinaire. Il y avait une question sur la transmission de l’ensemble des comptes-rendus d’entretiens ou uniquement le rapport.

Moi je ne rends pas les compte-rendu d’entretien, sauf à l’autorité judiciaire si elle me le demande parce que de toute façon je n’ai pas le choix, mais quand on échange avec un salarié on lui explique qu’il est tenu par la confidentialité de son contrat de travail donc l’autorité légitime doit le lui communiquer. Mais en dehors de ça, il doit tenir confidentielle la réalité de l’entretien, les questions qui sont posées, etc. et l’avocat que je suis est tenu au secret professionnel. Si le salarié a un avocat, il est aussi tenu au secret professionnel mais la réunion elle-même pendant laquelle se déroule l’entretien n’est pas couverte par le secret professionnel et ça, il faut en avoir conscience, tant et si bien on pourrait interroger la personne entendue sur ce qu’elle a dit, de même qu’on pourrait interroger le représentant de la personne morale. Très souvent j’ai un directeur juridique avec moi, pas pour contrôler la personne et évidemment si possible en termes d’indépendance, mais parce que c’est de nature à rassurer le salarié qui ne se retrouve pas que avec des avocats dans la salle un peu perdu, donc souvent on dit voilà vous vous êtes un collaborateur autrement dit avec moi et pas avec lui, mais c’est quelqu’un qu’il connaît. Et après vous avoir dit ça, je vais vous donner un exemple où c’était tout à fait impossible d’avoir une personne de l’entreprise et c’est une enquête que nous avons menée, les dirigeants de l’entreprise française se rendre aux États-Unis, ils sont arrêtés par le FBI, en leur posant des questions portant sur des exécutions contractuelles avec des soupçons de corruption. Bon, on rentre, on veut mener l’enquête pour protéger la personne morale, pour savoir ce qui s’est passé. Et donc on vient me voir et on me dit Stéphane faites-nous une enquête là-dedans. Vous voyez la difficulté, ce sont les deux dirigeants de la personne morale, en l’espèce le directeur général et le directeur financier. J’ai dit que je ne peux pas rendre compte à quelqu’un qui est dans le prisme de mon enquête et cela me paraît difficile de rendre compte aux subordonnés de cette même personne parce qu’il y a des problèmes de fuites, de conflits d’intérêts et parfois d’indépendance, ainsi de suite. Ce que j’ai proposé, c’est de rendre compte au conseil d’administration. Le conseil d’administration d’une SA, il ne veut surtout pas se mouiller parce qu’il craint l’acte de gestion qui engagerait sa responsabilité, il veut rester conseil. Donc, ils ont nommé 2 personnes pour suivre, et on avait des coups de téléphone tous les mardis et tous les jeudis, mais nous rendions compte à la directrice juridique, qui, pour les besoins de notre enquête, était engagée à ne pas rendre compte aux dirigeants. C’était très compliqué, très tendu et très dur pour elle mais on avait la structure qui nous permettait à nous d’avoir un client. Encore une fois, nous ne sommes pas des journalistes d’investigation, nous n’avons pas à décider par nous-mêmes ce que nous faisons.

 

Question :  Qu’est-ce qu’il faut faire pour l’entretien ? Il y a l’enregistrement vidéo, c’est une catastrophe, le type regarde à droite à gauche, il est perdu. Il y a l’enregistrement audio, il y a la sténo, il y a la prise de note de l’avocat et puis il y a des tas d’autres méthodes.

 

Question :  Qu’est-ce qu’il faut faire ? Eh bien, ça dépend, comme toujours. Celle qui est la plus protectrice, et que moi je préfère, des intérêts en tout cas de la personne morale et parfois de chacun ce sont les prises de notes (chacun prend des notes). Mes comptes rendus sont des prises de notes non verbatim qui incluent une part d’analyse, tant et si bien que mon mémo en lui-même est couvert par le secret professionnel. Mais si vous avez une autorité de poursuite qui est dans la danse, et bien celle-là pourra vous imposer elle ou en tout cas vous dire bien non je  souhaite qu’il y ai un enregistrement ou qu’il y ait un verbatim. Le problème du verbatim, c’est que tout le monde peut se tromper, tout le monde peut dire des choses parce qu’on est fatigué, ainsi de suite Et c’est très difficile de « récupérer » un verbatim. Il y a un côté surprise, qu’on retrouve d’ailleurs dans une audition judiciaire, il a un côté surprise qui ne fait pas toujours bon ménage avec la vérité à mon sens. Mais quand il y a un vrai besoin de protection du secret professionnelle c’est quand même ce qu’il y a de mieux, c’est des notes non verbatim de l’avocat, dans quel cas on n’a pas besoin de faire signer, ce n’est pas un PV et on va évidemment s’appuyer dessus pour le rapport. Et si l’enquête interne arrive à des conclusions qui confirment un comportement en violation des règles, et bien j’écris un courrier séparé, puisque l’enquête interne n’est pas RH, qui va, à charge et à décharge, établir le comportement problématique de la personne et c’est ce courrier-là qui pourra fonder le début de la procédure RH. Pour mémoire, les 2 mois commencent au rendu de l’enquête selon la jurisprudence actuelle. La jurisprudence est en pleine mutation, il faut avoir conscience de ça aussi.

 

Question :  Du point de vue du RGPD ? Le RGPD n’est pas tellement compliqué en matière d’enquête interne puisqu’il y a toujours le risque du contentieux et que c’est l’une des exceptions au RGPD, enfin qui autorise l’enquête et puis le RGPD en somme, c’est quoi? Les données personnelles, en somme on peut vous demander qu’est-ce que vous avez comme données personnelles à mon sujet, son nom, son numéro de salarié, ce n’est pas le contenu de vos notes d’avocat et puis le secret professionnel va trouver application, donc ça s’est un sujet. Ensuite, quand on fait la collecte des e-mails et des documents, on va évidemment exclure ce qui est personnel, on va exclure les dossiers dans lesquels il y a un intitulé personnel, ou les emails dans la boîte email personnels et en plus on va faire courir des mots clés, j’ai une liste de mots-clés un peu standard : banque, mariage, enfant, pour exclure tout ça. Avec ces mots clés, on va avoir un volume de documents, on va avoir 4000 documents, 3000 documents, 200 documents, 5 documents. D’abord, vous allez préserver toutes les preuves et si vous avez des documents qui répondent, à vos mots-clés, et justement du consultant véreux qui sont tous dans un dossier personnel, la solution c’est de vous tourner vers la justice et demander une autorisation d’avoir accès, vous demandez à ce qu’un huissier est accès à ces documents pour justement savoir ce qu’il en est, c’est un 145.

 

    C. Respect des normes applicables

 

    • Garantir le respect de la vie privée et du secret des correspondances

 

Quand vous tombez sur un truc personnel, parce que cela arrive, traitez le vous-même. Alors je ne sais pas si on a des collaborateurs, des associés ainsi de suite Mais en tout cas, je vous dis ce que moi je fais. Le plus est potentiellement problématique, le plus, c’est moi qui le traite parce que je ne veux pas laisser un jeune avocat avec la responsabilité de regarder les photos de famille de je ne sais qui. Évidemment, il ne faut pas regarder du tout mais si vous avez des photos pour une raison X ou Y de temporalité ou autre que ça arrive dans la base de données, je leur dis, les interfaces de revue de documents c’est comme Outlook, vous mettez des petits drapeaux en fonction des différentes catégories, si ça répond à telle allégation, à tel fait, et bien je leur dis de les nommer « à traiter » ou bien « Stéphane » et ce qui est le plus à risque, notamment quand il s’agit de protéger la réputation, les données personnelles, ainsi de suite, ça doit être traité au plus haut niveau. Le réflexe de dire « non ne t’inquiète pas, ne regarde pas ou passe à autre chose ou  regarde rapide », pour moi c’est irresponsable. Il faut qu’on assume notre responsabilité d’enquêteur tout simplement.

 

    D. Application des normes sur la protection des données à caractère personnel

 

    • Identification de la finalité du traitement des données et vérification de l’information du salarié selon l’enquête interne, intérêt légitime de l’entreprise et information écrite.

 

Question :  Quid quand l’enquête pour HM d’une mise en cause met à jour un dysfonctionnement global en matière de gestion RH et un désengagement de la direction pourtant au courant des remontées, autrement dit un problème systémique dont le mis en cause est un des éléments et qui a pu le conforter dans son attitude ?

Eh bien, Frédéric malheureusement C’est un cas qui arrive très souvent. Et bien vous ne devez pas dévier et c’est pour ça que je reviens à mon commentaire de tout à l’heure, n’allez pas enquêter sur vous-même, n’allez pas enquêter sur un client important pour le cabinet parce que vous allez vous retrouver en porte-à-faux.

Là vous devez rendre votre enquête objective, à charge et à décharge, et vous pouvez proposer des mesures de remédiation et si c’est un problème systémique, et bien vous mettez « c’est un problème systémique ». Le problème pour vous, c’est que vous ne reverrez plus le client. Mais voilà, vous n’êtes pas la police, vous n’avez pas à dénoncer et en revanche si c’était un client important, historique, et bien vous auriez mieux fait d’appeler un confrère pour lui demander de traiter ce sujet-là. Et si c’est un confrère qui le traite, eh bien vous vous pouvez être dans la défense de la personne morale à votre place en disant à votre client qui vous connaît « écoute, j’ai parlé à trucmuche, il y a un vrai problème chez toi, il faut que tu mettes des correctifs, il faut que tu prennes des coachs, il faut que tu organises le service, il faut tu fasses plein de choses ». J’ai une personne qui est venue m’aider au cabinet qui est venue de l’extérieur, et qui a déjeuner avec chacun des collaborateurs et qui m’a remonté plein d’infos. Dans l’ensemble, personne n’a peur de moi, ouf, mais on m’a dit, un tel il ne te voit pas en dehors des dossiers ou des revues tous les 6 mois, il ne te voit pas de façon casual et il le regrette, et ainsi de suite de façon décontractée. Eh bien, elle a mis en place un déjeuner avec les collaborateurs tous les toutes les semaines, comme ça on voit tout le monde sur 2 mois. C’est extraordinaire, on apprend plein de choses et ainsi de suite. Ça, vous pouvez le recommander à votre client, mais si vous avez mené l’enquête, ça ne sera plus votre client. Au-delà de la déontologie, c’est vraiment commercial, pardon de ce mot.

 

2.4. La tenue des entretiens.

 

    A. Préparation des entretiens,

 

    • Convocation

 

Moi je pose une convocation, envoyée par l’employeur, ce n’est pas moi qui l’envoie, c’est toujours beaucoup mieux et c’est souvent beaucoup mieux encore quand c’est précédé d’un coup de fil du RH, de la Direction Juridique, qui explique. Il faut faire de la pédagogie, ça se passe toujours beaucoup mieux comme ça. On convoque, on explique.

 

    • Soutien d’experts,

 

    • Personne pouvant être entendu.

 

Question :  Pour revenir sur le RGPD, à quel moment les collaborateurs sont-ils informés du traitement mis en œuvre dans le cadre de l’enquête interne et par qui ? Est-il envisageable de déclarer l’information au moment où la procédure devient contradictoire ?

À mon sens, la personne va être informée très en amont, en tout cas dans la méthodologie que moi je mets en œuvre, parce qu’on va lui demander de ne pas effacer ses emails et de ne pas effacer les documents du serveur etc. Et on va expliquer pourquoi, et on va mettre un arrêt sur les effacements automatiques des e-mails. Donc ils vont le savoir très tôt et on informe bien sûr, il n’y a pas de sujet.

 

Question :  Vous indiquez que vous envoyez un courrier en plus du rapport, pouvez-vous revenir sur ce sujet ? Pourquoi ? Notamment en matière de corruption, je vais vous donner le schéma de corruption le plus un, vous donnez à un tiers etc., sauf que le tiers ensuite, puisqu’il y a eu dépôt de vin payés, vous ne payez pas l’engagement contractuel, lui c’est est engagé vis-à-vis du récepteur du pot-de-vin et donc il vous fait un procès en disant attention, on avait convenu que tu me payerai autant si tu gagnais le marché. Donc vous allez avoir l’enquête interne et si vous vous appuyez sur l’enquête interne dans son ensemble pour refuser de payer alors le tribunal arbitral ou le tribunal de commerce vous dira donnez-moi l’enquête interne, or l’enquête interne peut porter aussi sur autre chose, sur l’implication des personnes au sein de son entreprise et sur différents éléments que vous n’avez pas forcément envie de voir débattus publiquement si c’est le tribunal de commerce ou même dans une procédure arbitrale. Vous allez extraire les éléments pertinents, souvent documentés pour le mettre dans un courrier, et c’est ce courrier-là qui fondera le refus de payer ou la procédure disciplinaire parce que la jurisprudence considère que c’est à partir de là que ça commence.

 

Question de Valentin : Comment gérer les cas où les personnes s’estimant victimes ne souhaitent pas ou plus se rendre sur leur lieu de travail ?

J’ai eu ça, mais la personne a posé un arrêt maladie tout simplement et donc on le traite comme un arrêt maladie. Là vous êtes dans un cas de figure où la personne n’a pas d’arrêt et tout simplement ne vient plus travailler. Elle va probablement le faire en alléguant une crainte pour sa sécurité sur sa personne et donc votre client va pouvoir mettre en œuvre des mesures conservatoires qu’on a évoquées tout à l’heure pour justement lui permettre de revenir travailler dans des conditions acceptables. Si elle refuse de revenir travailler et que votre client a mis en place des choses proportionnées, c’est porté par le cas par cas, mais si elle n’a aucune raison légitime de ne pas venir travailler, c’est un abandon de poste. Ça dépend de votre cas mais l’employeur a une obligation de sécurité on le sait mais évidemment il faut protéger le lanceur d’alerte pour qu’il n’y ait pas de conséquences.

 

Question :  Combien de temps doit-on conserver nos comptes rendus d’entretien et nos rapports ? Peut-on expressément prévoir de ne pas les conserver après dépôt ?

Moi, ça ne s’est jamais produit, ils sont couverts par le secret professionnel, vous les remettez à votre client, quand vous transférez un dossier à un confrère vous envoyez tout. Est-ce que votre client peut vous demander de détruire les documents, je suppose que oui, vous demander de lui transmettre l’entier dossier, dans ce cas-là vous retirez ce qui est confidentiel et vous remettez simplement ce qui est couvert par le secret professionnel. Je ne vois pas ce qui motive, au-delà de ce « ça ne doit pas traîner ». J’ai eu un cas de figure ou un confrère est venu après moi après un dossier, il a détruit les bases de données et il fait l’objet de poursuites. Donc je serai très prudent contre une destruction hâtive, notamment tant qu’il y a un risque judiciaire. Voilà ce que je peux dire, notamment parce que ce travail d’enquête bienfait est un atout pour la personne morale parce que justement ça montre qu’il n’y a pas eu volonté de mettre les choses sous le tapis, qu’il y a eu une volonté de comprendre, d’estimer le risque. Après il faudrait que je comprenne la sous-jacence de votre question.

Détruire des documents n’est jamais une bonne idée tant qu’il y a des choses en cours, voire même ça peut être délictuel.

 

Question de Tasnim : Comment communiquer en interne sur l’enquête ? Faut-il alerter tous les concernés d’un coup à l’ouverture de l’enquête ou au fur et à mesure des entretiens ?

L’enquête va faire dysfonctionner votre service, dysfonctionner l’entreprise et il faut faire preuve de pédagogie en même temps sans « balancer » le lanceur d’alerte, sans « balancer » le mise en cause donc souvent il faut avoir avec vous le chef de service ou de pays ou ainsi de suite. De toute façon, vous dites à tout le monde de ne pas le dire, tout le monde le dira. Donc je pense que toutes les personnes qui sont susceptibles d’être entendues et à qui vous avez demandé de ne pas détruire les documents doivent être informées. Je pense que c’est toujours mieux quand ça vient du chef de service, et dans un carré sans, même quand lui-même est entendu. Il dit écoutez « voilà il y a une alerte, il y a une allégation, il y a eu une perquisition, il y a Transparency International, il y a des trucs acerbes, nous avons pensé que la meilleure défense pour chacun c’était la vérité portée par un cabinet, un auxiliaire de justice ». Le chef de service ne va pas dire ça, mais il va dire « moi je vais être entendu, on va tous être entendus, on va pouvoir apporter nos explications et comme ça on aura un rapport objectif qui fera taire la calomnie ». Il faut qua ça vienne du chef ou de la cheffe bien sûr.

Le problème du fur et à mesure, je préfère aller un tout petit peu plus large, mais après ça dépend vraiment parce que si vous ne voulez pas que ça s’ébruite, il n’y a pas de règle absolue, je préfère aller un tout petit peu plus large parce que de toute façon les gens parlent entre eux et il ne faut pas qu’il y ait de surprises. Une surprise, ce n’est jamais une bonne chose.

 

Question de Bruno : Le non-respect des règles préétablies pour la conduite de l’enquête peut-il permettre à l’avocat du salarié faisant l’objet de ladite enquête d’en d’obtenir la nullité ?

En fait, il n’y a pas de nullité d’enquête parce qu’il n’y a pas de règles autres que celles que moi je vous expose, mais encore une fois moi ce que je vous expose là, ce n’est pas parole d’évangile, c’est la façon dont moi je travaille, je partage mon savoir-faire mais certainement je suis aussi souvent avocat du salarié ou du dirigeant et le problème c’est que je n’ai pas accès à l’enquête interne. Je n’ai pas accès, en tant que conseil du salarié, au plan de l’enquête mais je ne me prive évidemment pas de m’étonner, de réclamer, de dire ma contrariété si je considère que l’enquête ne me permet pas d’avoir accès, par exemple. Quand moi j’interroge les gens, je ne suis pas dans une logique de surprise, je suis dans une logique de vérité et je permets, sous l’offre du Palais, souvent contre l’avis du client, mais il faut que quelqu’un donne son accord bien sûr, mais aux conseils des salariés qui vont être entendus, pas aux salariés eux-mêmes parce qu’ils ne sont pas avocats, il n’y a pas la foi du Palais et on ne sait jamais, ils peuvent prendre des photos ou des choses alors qu’un avocat il s’est engagé alors évidemment pas, mais à venir consulter au cabinet les documents que je présenterai au client pour permettre justement de préparer, d’être dans une logique constructive, mais ce n’est pas obligatoire. Dans certains cas, il ne faut peut-être pas le faire, mais moi je considère que le contradictoire c’est quand même notre ADN. Il m’arrive de ne pas le faire mais dans ce cas-là j’ai des vraies raisons par exemple protection des lanceurs d’alerte, etc. Mais dans la plupart des cas, il me semble que je m’abstiendrai de soumettre le document à la personne lors de l’entretien parce que « contradictoire ». Nous on se bat, et là j’ai ma casquette de pénaliste, pour l’accès au dossier ainsi de suite, on ne peut pas donner accès à tous le dossier mais accès aux questions qu’on va vous poser ça me paraît une demande légitime. Alors si on ne peut pas y faire droit, il faut expliquer.

 

    B. Déroulé de l’entretien

 

Obtenir la déclaration des faits. Absence de contrainte. La jurisprudence dit que le salarié doit participer à l’enquête mais en fait il n’est pas obligé de répondre aux questions. Il faut qu’il vienne, mais il n’est pas obligé de répondre.

Il n’est pas nécessaire d’effectuer de confrontation. Alors moi, je n’ai jamais fait de confrontation, je ne veux pas faire de confrontation, ce n’est pas comme ça que moi j’arrive à une vérité, et en matière de harcèlement la confrontation, ça me paraît extrêmement dangereux. De toute façon, en recoupant vous allez arriver à une part de vérité notamment en matière de manquement à la probité.

 

    C. Compte rendu de l’entretien

 

Doit pouvoir servir à la rédaction du rapport.

 

2.5. Le rapport d’enquête.

 

    A. Répond à la question posée dans le prisme par le plan d’enquête

 

    • Identifier les comportements fautifs

 

On répond à une question, ça c’est la définition même. Identifier les comportements fautifs par rapport à une règle. Je le disais au début, je me mets toujours par rapport au règlement intérieur quand je peux veux plutôt que vis-à-vis de la loi parce que si vous avez un rapport d’enquête interne qui dit il y a telle infraction qui a été commise quelque part vous obligez le client alors que vous n’avez pas mené d’enquête judiciaire.

 

    • Identifier le niveau de participation.

 

J’ai souvent trois critères, celui ou celle qui a participé, celui qui a donné l’instruction et celui qui savait. Pour moi, c’est différents niveaux, on ne peut pas sanctionner de la même façon. En matière de conformité, c’est très connu, il faut toujours être dans une logique de proportionnalité. Si vous licenciez immédiatement chaque personne qui a pris un crayon dans la boîte, vous n’aurez jamais personne qui lèvera la main pour dénoncer quelque chose de plus grave. Il faut comprendre que la nature humaine est telle que ceux qui commettent des fautes d’importance ont tendance à impliquer dans une nettement moindre mesure d’autres salariés susceptibles de les dénoncer. La technique que je vois de façon récurrente c’est le chef qui lui pour le coup verse un pot de vin, ou commet une faute grave, va faire passer une note de frais de N-1 pour, on va dire, c’était la Saint Valentin avec son conjoint, et là il faut quand même voir que ce n’est pas la même chose et le N-1 il se retrouve bloqué mais c’est à une autre échelle et pourtant vous voulez que le N-1 quand il découvre que l’autre a versé 3 millions d’euros pour obtenir un contrat, vous avez besoin qu’il lève la main et si lui il se fait virer immédiatement parce qu’il a payé un billet de Saint-Valentin il ne lèvera jamais la main et vous aurez une tumeur qui va bouffer votre boîte.

 

Question de Frédéric : Entendez-vous un salarié qui souhaite rester anonyme, Comment gérez-vous l’anonymat ?

C’est un très bon point le respect de l’anonymat du lanceur d’alerte mais je vous ai raconté l’histoire du lanceur d’alerte qui instrumentalise les protections et le système de conformité, la garantie de l’anonymat justement c’est vous, l’avocat, qui allez pouvoir la porter. Et dans ce cas-là, il va falloir que votre client, d’où l’importance de l’indépendance de l’avocat par rapport au client habituel, que vous mettiez dans votre plan d’enquête la façon dont vous allez entendre, pourquoi il n’y aura pas votre client présent et que le client valide : ok je suis d’accord avec ce plan d’enquête et donc vous allez récolter des éléments d’information de façon indépendante et donc anonyme, si c’est autorisé.

 

Question : Avez-vous suivi une formation particulière pour apprendre à mener une enquête interne ?

Non. C’est ça la formation, c’est ce que je suis en train de faire. Moi-même, c’est l’expérience en réalité. J’ai fait mon droit à Chicago et j’ai été avocat à New York 4 ans avant Paris et c’est quelque chose qui était très développé aux États-Unis déjà, en matière de RH, je suis arrivé à la RH après, mais en matière d’infraction à la probité, corruption, blanchiment, violation des règles d’embargo, fraude comptable ainsi de suite. Donc en fait j’ai appris là-bas, un peu sur le tas, mais je donne plein de formations. Encore une fois, sur le site du cabinet, dès qu’on publie un article on le met à disposition. Il y a une logique de confraternité et on apprend les uns des autres donc si vous suivez la page du cabinet et si vous suivez mon site web dans Google Advanced Search vous cherchez les termes. Je n’ai pas de moteur de recherche sur mon site encore mais en cherchant sur Google Advanced Search, vous mettez l’URL du cabinet et vous mettez tous les mots-clés que vous voulez, lanceur d’alerte, RGPD, enquête interne, etc.

Mais la formation, c’est celle que je vous donne là. Mais appelez-moi. Je vous ai donné l’exemple d’un confrère qui m’appelle en disant est-ce que je peux cibler quelqu’un à la demande de mon client, il a bien fait de m’appeler et on réfléchit ensemble.

Peut-être qu’il faut qu’on fasse une formation plus précise sur les entretiens par exemple, ou alors un élément pour faire un cas pratique, un détail. On peut y réfléchir avec le barreau entrepreneurial avec plaisir, ou dans le cadre de campus, on pourrait prendre 4h, on pourrait jouer un rôle, enfin voilà. Je suis toujours très heureux d’échanger sur tout ça.

 

    B. Peut émettre des recommandations

 

    • Des sanctions

 

Moi je n’aime pas émettre des sanctions, ce n’est pas mon job mais si on me demande, je peux le faire.

 

    • Des relations contractuelles et des conséquences.

 

Est-ce qu’il ne faut pas mettre un terme à un contrat si vous avez un faux contrat de consultant.

 

    • Conséquences disciplinaires pour les salariées mis en cause et utilisation du rapport dans le cadre d’un contentieux.

 

On a déjà abordé ce sujet.

 

    • Absence de mesure de rétribution à l’encontre des lanceurs d’alerte sauf mauvaise foi.

 

    • Correctif pour éviter la réitération et améliorer le système de conformité d’alerte.

 

Question de Marie-Cécile : Comment faites-vous pour faire abstraction de vos propres convictions et de vos réflexes d’avocat ? Je considère qu’en fait on a toujours fait des enquêtes internes. Un avocat il est là pour accompagner son client, et encore une fois l’avocat ne doit jamais prendre la décision, c’est au client de prendre la décision. Donc l’avocat, le rôle de l’avocat, c’est d’amener le client à prendre la décision et donc pour ça il faut l’éduquer et donc, comment est-ce qu’on l’éduque ? En comprenant les faits, en lui expliquant le droit, et après on va plaider, on va défendre, ce n’est pas le sujet. Mais si vous voulez que ce soit le client qui décide, et c’est logique, c’est lui qui va en subir les conséquences, c’est lui qui va payer l’amende, c’est lui qui va être incarcéré, ce n’est pas vous, c’est lui. Donc votre rôle d’avocat depuis le début, pour moi, c’est vraiment de porter une vérité à son client. Je ne pense pas qu’il faille faire abstraction de ses propres convictions, mais tant qu’il n’y a pas d’éléments tangibles, ça ne sera que des convictions. Je ne sais pas comment répondre à cette question, vous voyez mon embarras. Ne faites pas abstraction de vos convictions mais cherchez la vérité et cherchez à comprendre. Quand j’ai un client en face de moi, enquête interne ou pas, si ça ne tient pas son truc, je lui dis, moi je suis avocat et je ne vous crois pas, ou j’aimerai vous croire mais j’y arrive pas, et pourtant je suis de votre côté, alors il faut m’aider. Et puis là, ça l’oblige à creuser, à comprendre.

 

Question de Carmen : Comment vous êtes-vous positionné pour trouver de tels clients ?

En fait, tout vient des confrères, pour moi, 80 % vient des confrères. Il faut écrire sur le sujet, il faut se manifester à un campus, je ne sais pas vous dire particulièrement.

En fait, c’est votre réseau d’avocat, votre réseau de confrères, vos copains de promo, qui vont avoir un client à qui ils vont dire et bien pour ce truc-là, moi je préférerais ne pas le faire moi-même, je pense qu’il vaut mieux avoir une objectivité. Tu comprends, j’ai fait tout ton système de conformité, je t’ai aidé à mettre en place ton système d’alerte, mais si c’est moi qui traite l’alerte et que c’est mal traité, et bien finalement je serai un peu juge et partie. Je te propose de travailler avec Carmen, elle est fiable et sympa. Voilà comment il faut faire.

 

Question : Le client peut-il être un CSE (Comité social et économique) en matière de droit social par exemple ?

Oui bien sûr, tout dépend du pouvoir, ça se négocie. On peut imaginer aussi que dans cette équipe de pilotage de l’enquête, le CSE ait un représentant. J’ai eu un cas de figure aussi assez intéressant, on travaillait avec le cabinet d’audit du conseil d’administration et c’était une société avec une part d’actionnariat salariale très forte, pour tout un tas de raisons historiques, et donc au comité d’audit vous aviez des représentants des salariés, qui était à la fois actionnaires dans les salariés.

Il y a mon associée Julie Zorrilla qui me dit sur Teams, je ne suis pas d’accord avec toi pour le CSE. Alors vous voyez on est même pas d’accord entre nous. Julie, explique pourquoi dans un message à tout le monde. La prochaine fois, je ferais la formation avec Julie, vous verrez elle est géniale. Il peut contraindre l’entreprise me dit-elle, parce que le CSE peut contraindre l’entreprise à le faire. Il ne peut pas participer, mais il peut contraindre l’entreprise à le faire. Franchement si vous avez le CSE à dos dans un truc comme ça, c’est très difficile. Julie est la voix de la raison.

Je n’ai jamais eu de situation où, en s’asseyant tous autour de la table, on ne puisse pas se mettre d’accord sur le besoin de comprendre les faits tels qu’ils existent. Quelque part votre rôle d’avocat c’est de convaincre, il faut plaider la cause de l’enquête interne.

 

Question de Tasnim : Sur l’anonymat, comment exploiter ensuite les témoignages dans le cadre d’une procédure judiciaire, peut-on poser des réserves à l’anonymat ? Absolument, moi je pose des réserves à l’anonymat. Il faut donner toutes les garanties, on doit protéger l’anonymat, mais vous ne pouvez pas donner le même poids à une personne anonyme qu’à une personne qui ne l’est pas, et pourquoi est-ce que je vous dis ça ? Parce qu’en réalité quand vous avez quelqu’un qui est anonyme ou qui est sous un alias, d’ailleurs souvent ce sont des alias, je vais demander des éléments concrets, je vais demander des éléments qui permettent de corroborer les allégations et si la personne ne peut pas me les donner je vais lui demander comment les trouver et ou les trouver. Et je n’ai plus besoin finalement de la personne réunie, c’est vraiment une question de proportionnalité. L’anonymat ça rend tout le monde mal à l’aise bien sûr, mais si la personne anonyme vous apporte des éléments qui vous permettent d’arriver quelque part et de récupérer les éléments alors vous pouvez vous appuyer là-dessus.

Ne pensez pas qu’une simple enquête interne avec des témoignages oraux seront suffisants pour obtenir ce que vous voulez sur le plan judiciaire, il faudra aller chercher les éléments pour corroborer.

 

Question de Marie-Anette: Pouvez-vous revenir sur l’utilisation du rapport d’enquête notamment dans le contentieux prud’homal ? Moi ce que je fais, c’est que j’ai mon rapport d’enquête qui n’est pas, la jurisprudence prud’homale nous le dit, qui n’est pas une procédure disciplinaire et je fais un courrier justement avec les éléments tangibles au client qui dit voilà la situation c’est sur la base de ce courrier qu’on enclenche la procédure de prud’hommes, et non pas le rapport qui peut concerner plein d’autres choses.

 

3. Cas pratique – Creabuzz

 

    A. Présentation des faits

 

Creabuzz a pour objet la création de contenus numériques, son siège social est à Lille, et travaille avec 520 salariés. Donc 520 salariés, on voit qu’on les dans les critères Sapin II, mais la société a l’obligation d’un système de conformité. La société dispose de filiales à l’étranger, notamment celles qui sont consolidées à Bruxelles, Creabuzz Bruxelles 300 salariés et à Labas en Algérie 200 salariés.

Chiffre d’affaires mondial 800 millions, deuxième critère Sapin II, on a un système de conformité obligatoire qui peut être contrôlé par l’AFA. Attention, ce n’est toujours pas le cas de toutes les entreprises qui répondent à ce critère. C’est une joint-venture sous forme de SA dont le tour de table est composé de 3 acteurs majeurs de la filière de la création de contenus, chacun spécialisé en ces domaines, distribution, production et vente.

La société de prod, dont l’un des actionnaires, a été créée par Claude Vincent, qui est président du conseil d’administration, et sa fille Françoise Martin est directrice générale de Creabuzz .

 

    B. Opportunité de l’enquête interne

 

Françoise Martin a reçu dans sa boîte professionnelle un email anonyme écrit en anglais dénonçant les actes irréguliers dans des financements apportés au dernier projet de la production ainsi qu’un management déviant au sein de la société Creabuzz.

Faut-il déclencher une enquête, est-ce qu’on a assez d’éléments ? C’est anonyme, c’est en anglais mais ça ne change rien, ou alors justement c’est en anglais alors a priori ce n’est pas une personne française et donc est-ce que c’est un étranger est-ce que c’est une personne qui a bougé, je ne sais pas.

Est-ce qu’il faut déclencher ? Ce n’est pas clair, c’est anonyme. Ce qu’il faut, c’est obtenir la personne qui a fait l’email et lui dire est-ce qu’on peut se parler, est-ce que vous pouvez nous donner des éléments complémentaires. J’ai besoin de plus d’éléments.

Une ONG publie sur son site internet des photos de Claude Vincent, donc président de la société mais aussi le père du DG.  Vous seriez surpris de voir le nombre d’entreprises, alors qu’elles ne sont pas soumises à Sapin II souvent pour le critère de salariés, qui veulent se soumettre à Sapin II, c’est-à-dire avoir un système de conformité et c’est très souvent des entreprises familiales ou alors avec un fort actionnariat familial. Pourquoi ? Parce qu’en réalité, ces entreprises-là sont dans une logique de transmission, donc une entreprise qui fait son chiffre d’affaires en versant des pots de vin ou avec des angoisses, ou du stress, et des harcèlements and Co, elle vaut en réalité moitié moins de ce qu’elle vaut dans un autre cas de figure et donc il vaut mieux baisser un peu son chiffre d’affaires et le faire correctement et transmettre quelque chose avec plus de valeur d’une part. D’autre part souvent ces entreprises elles ont une approche éthique forte et enfin si vous vous séparez d’un salarié et que c’est votre maman c’est compliqué, ou votre fils ou votre gendre.

Une ONG publique lance sur son site internet des photos de Claude Vincent, donc le président du conseil d’administration mais qui est aussi le père de la DG, avec le président du centre de cinéma télévisuel de Belgique, on imagine que ce sont des subventions importantes, dinant dans un grand hôtel de la ville sous le titre « la partie immergée de l’iceberg ». Comment composer l’équipe chargée de conduire l’enquête interne ? Est-ce qu’il faut la déclencher là d’ailleurs ? À qui doit-elle rendre compte ? Faut-il isoler la directrice générale ? Se tourner vers un juriste, un cabinet d’avocat, des auditeurs internes, où la conformité, le conseil d’administration, les commissaires aux comptes ?

Pour moi la grande question c’est quelle ONG ? Je vous parlais de faux lanceurs d’alerte, nous avons eu au cabinet avec Julie une fausse ONG. Une ONG dont les statuts avaient été déposé la veille du dépôt de plainte au parquet, dont on s’est rendu compte qu’en fait le président était un type et la secrétaire et la trésorière étaient son épouse et sa maman.

Et en fait, ils ont créé cette fausse ONG pourquoi ? Parce que dans une plainte contre un chef d’État d’Afrique de l’Ouest avec une élection à l’automne et donc il dépose plainte auprès du PNF. Le PNF ouvre et 10 jours avant les élections une fuite sur la plainte, et là on découvre le pot-aux-roses, on découvre qu’en fait c’est une fausse association ainsi de suite.

Si c’est Transparency International, prenez cet article au sérieux et enquêtez.

 

    C. Étapes préliminaires

 

Contacté par Françoise Martin le directeur financier de Creabuzz lui indique qu’il est au courant de l’existence de potentielles irrégularités relatives aux financements dont a bénéficié Creabuzz Bruxelles et précise que Claude Vincent est également au fait de la situation. Qu’est-ce que fait Françoise Martin ? Elle fait sa propre enquête, en live, et ce n’est pas une bonne idée parce que d’un seul coup est-ce qu’elle n’est pas en train de faire de la subornation de témoin. Donc là justement, elle n’a pas eu le réflexe de l’enquête interne. Est-ce qu’elle a bien fait ? Elle a été voir qui est sur place et en plus qui est le chef probablement de son lanceur d’alerte ? Aurait-elle dû approfondir son lanceur d’alerte ? Les informations données peuvent-elles influencer l’organisation et les modalités de conduite de l’enquête ? Vous posez dès le début dans votre plan d’enquête les faits tels que vous les connaissez, c’est votre assurance vie pour ne pas qu’on puisse vous accuser d’être allé trop loin ou trop bas.

Le lanceur d’alerte ne s’identifie pas, précise qu’il est collaborateur de l’entreprise, qu’il était dans la filiale en Bretagne qui est désormais à Lille. Donc là, vous êtes capables de l’identifier, mais il ne faut pas le faire. Il a avec lui les documents qu’il a téléchargés à Bruxelles, donc il a traversé les frontières avec des documents qui sont selon lui accablants. À quelle protection il a droit ? Sa position pourrait-elle avoir une répercussion sur l’organisation de l’enquête interne ? Évidemment, on prend en compte tout ce qui arrive. J’ai eu des perquisitions en parallèle d’enquêtes internes. Vous voulez d’abord comprendre, est-ce qu’on est dans le même prisme, ainsi de suite.

Quelles dispositions prendre à son égard ? Quid de lui demander de contacter le Défenseur des droits ? Le Défenseur des droits a un rôle d’accompagnement, y compris financier, du lanceur d’alerte mais je n’ai jamais vu de financement par le Défenseur des droits. Qu’est-ce qu’on fait du lanceur d’alerte, est-ce qu’il est de bonne foi ?

 

    D. Collecte et analyse des données

 

On a un service informatique qui inclut la gestion des courriels et des serveurs qui prévoit par défaut l’effacement périodique des courriels. Il faut stopper l’effacement des courriels.

Quid des données papier ? La collecte, etc. On pourra y revenir.

Une dizaine de boîtes de courriels sont collectées, j’ai décrit le processus de collecte.

 

Question : Pourriez-vous nous indiquer s’il y a des outils de traitement, aspiration de boîtes mail ou échanges de SMS nombreux ?

Moi je suis avocat, je m’appuie sur des forensiques pour le faire. Il y en a plein, il y en a de très compétents, mais souvent on s’appuie sur l’informatique de l’entreprise. Après pour ce qui est du logiciel lui-même ça s’appelle Relativity, mais vous avez besoin d’un vrai service informatique pour traiter. Moi en tout cas je ne suis pas compétent et je pense qu’il faut rester dans son domaine.

 

Le tribunal de Bruxelles, quotidien à grand tirage s’appuyant sur une source anonyme mais qui se dit proche de la société indique que de plus en plus de salariés dénoncent des pratiques managériales déviantes au sein de Creabuzz, pourtant numéro 1 des sociétés de création numérique. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Quid de la protection des données ?

 

    E. Auditions et rapport d’enquête

 

Revue documentaire. De nombreux emails entre des salariés de Creabuzz décrivent Des comportements managériaux déviants, moqueries sexistes, et brimades d’un Mister K. Là, il faut vérifier de quoi il s’agit, et là on se rend compte qu’en fait c’était des blagues potaches, en fait c’est des blagues sexistes, que pour motiver des gens il pouvait venir avec un mégaphone pour leur crier dessus, voilà.

C’est du vécu mais vous avez tous des histoires personnelles. Au cours des auditions, effectivement il y a une vidéo qui a été enregistrée par un salarié sur un téléphone personnel. Tous ça vous avez des illustrations dans la jurisprudence.

 

***

 

Je suis désolé, je n’ai plus le temps. Je fais un point avec Laurent et peut-être réfléchir à une suite dans le cadre de campus, en fait il faudrait des ateliers parce qu’on peut voir la richesse de chacun selon ses expériences. Je suis joignable. Je ne réponds pas tout de suite, mais je réponds toujours. Et encore une fois tout est ouvert sur le site. On post sur LinkedIn dès qu’on écrit un article sur le sujet. Donc vous pouvez suivre la page du cabinet, vous pouvez m’appeler. Voilà.

Merci pour votre écoute.

***

En complément de la formation : 

  • Interview de Stéphane de Navacelle par La Lettre des Juristes d’Affaire – L’avocat enquêteur est-il un avocat comme les autres ?, Lire l’article
  • Pourquoi faire appel à un avocat pour réaliser une enquête interne ? Lire l’article 
  • Bulletin du Barreau de Paris – Enquêtes internes : «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme», Lire l’article

Pour tout savoir sur l’#enquête interne

  • Présentation de « L’enquête interne par l’avocat », Voir la vidéo
  • Les enquêtes internes et les enjeux qu’elles représentent pour les entreprises et avocats français, Ecouter le podcast 
  • Les fondamentaux de l’enquête interne en matière pénale, Lire l’article
  • Livre blanc Navacelle  –  L’enquête interne en matière pénal, Lire le livre blanc
  • L’enquête interne menée par l’avocat : un renouveau de la pratique pénale des affaires ?, Lire l’article
  • L’enquête interne en droit pénal des affaires : quel avenir ?, Lire l’article

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