La banque suisse UBS, accusée d’avoir mis en place, entre 2004 et 2012, un système occulte afin d’inciter des citoyens français à placer leur argent en Suisse [1], comparaissait devant la Cour d’Appel de Paris après avoir été condamnée à payer la somme sans précédent de 4,5 milliards d’euros de sanctions en première instance pour démarchage bancaire illégal et blanchiment de fraude fiscale aggravé. Elle a finalement vu cette somme considérablement diminuée à 1,8 milliards.
Il est rare que le cours d’une action remonte après l’annonce d’une condamnation judiciaire. Pour autant, à la suite de l’annonce de la condamnation d’UBS par la Cour d’Appel de Paris assortie de sanctions d’un montant total de 1,8 milliards d’euros, le cours de l’action de la banque suisse connaissait un bref sursaut de 2.7% [2]. Cette réaction illustre une forme de soulagement à l’annonce de cet arrêt très attendu.
Avec une pénalité historique totale s’élevant à 4,5 milliards d’euros, le jugement de première instance prononcé par le tribunal correctionnel de Paris avait été érigé en exemple de la sévérité et de la pénalisation croissante du droit fiscal [3]. Certains avaient vu dans ce jugement un message à l’attention des entreprises confrontées à des poursuites en faveur du choix d’une justice négociée. En effet, la condamnation en première instance d’UBS faisait suite à son renvoi devant le tribunal après un échec des négociations en vue de l’éventuelle conclusion d’une Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP). Au cours de cette négociation, le parquet avait proposé à UBS une pénalité d’un montant plus proche d’un ou deux milliards d’euros [4], montant que la banque avait refusé, le jugeant sans doute trop élevé et préférant faire valoir ses arguments et sa défense au cours d’un procès.
I. Une diminution prévisible de la sanction
Alors que le ministère public avait été initialement suivi en première instance dans ses réquisitions s’élevant à 3,7 milliards d’euros (le reste de la sanction représentant le dommage subi par l’Etat), les réquisitions du ministère public en appel s’étaient faites inférieures, à 2 milliards d’euros. Ce changement de position du parquet s’explique sans doute par un arrêt en date de 2019 [5] dans lequel la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser la base de calcul de la sanction, qui est désormais fonction non de l’objet de l’infraction mais de son produit, soit le montant éludé à l’impôt (et non l’argent dissimulé).
Ce mode de calcul a également vraisemblablement été pris en compte par la Cour d’Appel de Paris. En effet, en sus des 800 millions d’euros rendus à l’Etat au titre de dommages et intérêts, il a été ordonné une amende se réduisant à un montant de 3,75 millions d’euros face aux 3,7 milliards prévus initialement en première instance et la confiscation d’un milliard d’euros [6]. Au total, c’est donc 1,8 milliards d’euros de sanctions qui auront été infligées à UBS. Bien évidemment, ce montant doit être mis en perspective avec les amendes négociées par UBS avec la justice américaine (230 millions de dollars) et allemande (302 millions d’euros) [7].
Quant aux peines prononcées à l’encontre des personnes physiques, cadres d’UBS, celles-ci ont également été légèrement allégées. Seuls quatre de ces cadres ont été condamnés, au lieu de cinq en première instance, et à des peines allant jusqu’à un an de prison avec sursis et 300 000 euros d’amende [8].
II. Un succès en demi-teinte de la stratégie d’UBS
L’amende ordonnée en première instance avait fait croire à un durcissement de ton face au milieu bancaire. A l’inverse, la somme retenue en appel apparait plus conforme aux échelles de peines prononcées habituellement.
Il est toutefois permis de se demander si la stratégie d’UBS, qui avait refusé une issue négociée pour entrer en voie de défense devant les juridictions répressives, s’est révélée opportune en ce que le montant de cette condamnation en appel se rapproche des montants évoqués par la CJIP qui avait pendant un temps été envisagée.
A croire qu’UBS a fait le choix d’une défense plus traditionnelle et d’une défense des principes puisqu’elle a, à travers son conseil, annoncé ne pas exclure un pourvoi en cassation [9]. Le rejet de la justice négociée pourrait donc être plus une volonté de défense de ses droits qu’une stratégie financière.
L’enthousiasme initial du cours de bourse a, quant à lui, été rapidement effacé par les investisseurs craignant un pourvoi de l’Etat français [10].