Le 13 juin 2024, l’International Bar Association (IBA) organisait à Paris une conférence sur le sujet de l’anti-corruption et plus spécifiquement sur le projet de création d’une Cour Internationale Anti-Corruption (IACC).
Résumé :
Les participants ont discuté de l’activité d’Integrity Initiatives International, une ONG qui se consacre au renforcement de l’application du droit pénal, et plus particulièrement des efforts déployés en vue de la création de l’IACC.
Le juge Mark Wolf a indiqué que plus de 350 dirigeants mondiaux, tels que des présidents anciens et actuels et des lauréats du prix Nobel, ont déclaré, publiquement ou en privé, leur soutien à la création de l’IACC. Il a déclaré que l’IACC permettrait dans un premier temps de renforcer l’application et l’uniformisation des lois requises par la Convention de l’Union européenne contre la corruption, et de poursuivre les hauts fonctionnaires, ceux qui conspirent avec eux, et tous les intermédiaires tels que les avocats, les banquiers, les agents immobiliers.
Serena Ibrahim a souligné sa volonté de tirer parti des jeunes talents et de l’innovation sociale pour lutter contre la corruption et mettre au point des solutions plus efficaces et plus créatives. Elle a expliqué que pour ce faire, l’IACC devait être créée et reconnue par le système judiciaire international pour lui permettre de tenir les kleptocrates pour responsables lorsque les systèmes judiciaires nationaux ne peuvent pas ou refusent d’agir.
Charles Adeogun-Phillips a abordé la question de la corruption en Afrique, la manière dont les dirigeants corrompus réagiraient à la création de l’IACC, ainsi que les défis de la Cour notamment celui lié au rapatriement des fonds détournés. Il a souligné qu’un tribunal devrait comprendre deux chambres, l’une pénale et l’autre consacrée aux biens, avec l’utilisation de programmes de confiscation des biens sans condamnation. Il a également insisté sur le fait que l’IACC ne devrait pas s’inspirer de la Cour pénale internationale (CPI) et qu’elle devrait être financée par les fonds spoliés.
Susan Lamb a expliqué que l’IACC, comme la CPI, sera un filet de sécurité lorsque les mécanismes de responsabilité anticorruption aux niveaux national et régional échoueront. À cette fin, ont été créés plusieurs comités composés de 70 experts issus d’une vaste zone géographique et d’un mélange de spécialisations, y compris de tradition juridique, afin d’avoir une vision à 360 degrés de la problématique de la corruption. Elle a notamment évoqué (i) le comité sur les crimes principaux, chargé d’identifier les crimes devant être poursuivis par le tribunal, (ii) le comité de gestion du tribunal, (iii) un troisième comité axé sur les victimes, les témoins et les lanceurs d’alerte, (iv) un comité consacré au gel et au recouvrement des avoirs, (v) ainsi qu’un comité spécifique à la procédure. Susan Lamb a indiqué que la prochaine étape consistera à condenser les travaux des cinq comités pour rédiger les statuts de l’IACC.
Enfin, le juge Mark Wolf a expliqué que l’IACC représentera une mesure préventive pour diminuer le sentiment d’impunité des kleptocrates et permettra de lever l’immunité au niveau international. Il a souligné que si les pays dirigés par des kleptocrates n’adhèrent pas à l’IACC, celle-ci pourra tout de même agir grâce aux fonds détournés placés dans les pays membres. Le juge Mark Wolf a également soulevé la question de l’exécution des sanctions et s’est appuyé sur l’affaire Al-Bashir (Afrique du Sud) pour expliquer que l’obligation de remettre une personne condamnée à la CPI est supérieure à l’immunité nationale. Il a ajouté que les kleptocrates n’investissent pas leur argent à l’étranger pour rester dans leur propre pays.
Intervenants :
Le panel était composé des intervenants suivants :
- Serena Ibrahim, membre du conseil d’administration d’Integrity Initiatives International et fondatrice et directrice exécutive de Youth Against Corruption, de Beyrouth au Liban ;
- Charles Adeogun-Phillips, vice-président d’Integrity Initiatives International, ancien chef des enquêtes spéciales au Tribunal pénal international pour le Rwanda et associé de Charles Anthony (lawyers) LPP, de Lagos au Nigéria ;
- la juge Susan Lamb, membre du comité consultatif sur les traités de Cour Internationale Anti-Corruption et ancienne juge de la Cour suprême du Belize ;
- et le juge Mark Wolf, président d’Integrity Initiatives International et Senior US District Judge à Boston aux États-Unis.
Le panel était animé par Stéphane de Navacelle, associé gérant de Navacelle (Paris) et représentant régional du comité anti-corruption de l’IBA pour l’Europe de l’Ouest.