Alors que le GIEC nous alertait sur le caractère irréversible de certains dommages causés par le réchauffement climatique, beaucoup appellent à une plus grande répression des atteintes à l’environnement. Il semble que la France en prenne discrètement le chemin, le ministère de la Justice ayant publié cet automne une circulaire de politique pénale en matière de justice pénale environnementale, appelant au déploiement du contentieux pénal de l’environnement, et quelques juridictions ayant prononcé des condamnations en matière de réglementation contre le bois illégal.
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Le sixième rapport d’évaluation du GIEC, publié au début de cette année, constate que “le changement climatique a causé des dommages substantiels et toujours plus de pertes irréversibles dans les écosystèmes terrestres, d’eau douce, cryosphériques, côtiers et océanique” et que les effets du changement climatique s’accentueront à mesure que le réchauffement de la planète se poursuivra. Face à ce constat, la protection de l’environnement et le respect des mesures environnementales deviennent de plus en plus importants.
En France, bien que n’étant pas nouveau, le droit pénal de l’environnement commence tout juste à être appliqué de manière effective. Cela s’est récemment traduit, d’une part, par la mise en place d’une politique pénale dans ce domaine (I) et, d’autre part, par l’augmentation du nombre de sanctions prononcées en cas de violation des règles en la matière (II).
I. La réaffirmation par le ministre de la Justice de sa volonté de renforcer davantage la répression des atteintes à l’environnement
Le 9 octobre 2023, le ministère de la Justice a émis une circulaire de politique pénale en matière de justice pénale environnementale. Cette circulaire a pour objet de spécifier les moyens mis en œuvre pour permettre le déploiement du contentieux pénal de l’environnement dans les juridictions et d’actualiser les principes directeurs de la politique pénale.
Ce texte vise à renforcer la coordination entre les actions administratives et judiciaires par le déploiement de comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale, renforcer l’efficacité des enquêtes judiciaires traitant les atteintes à l’environnement et mettre en œuvre une réponse pénale ferme et adéquate en matière environnementale.
Les comités opérationnels départementaux susmentionnés, présidés par des procureurs de la République, ont été créés pour favoriser les relations entre les magistrats et l’ensemble des services impliqués dans la constatation et le traitement des phénomènes à fort enjeu en considérant les particularités locales et le préjudice environnemental le plus fréquemment rencontré dans la zone concernée.
Pour permettre des enquêtes efficaces, la circulaire invite les procureurs à s’assurer, lorsqu’il est nécessaire, que les enquêteurs travaillent étroitement avec les agents des administrations spécialisées étant donné leur expertise environnementale et à mobiliser des techniques spéciales d’enquête (surveillance, infiltration, écoutes, interception de correspondance, captation des données).
Enfin, pour assurer une réponse pénale, l’objectif est d’accroître le recours à la CJIP qui permet la remise en état, la mise en conformité et, aux fins de recouvrement, des amendes significatives.
II. L’intensification de l’application du droit pénal de l’environnement par les juridictions
En sus de l’édiction de textes, lesquels traduisent la volonté des autorités de punir les atteintes à l’environnement, des sanctions sont également prononcées. Par exemple, en novembre 2019, trois ONG ont porté plainte contre une société pour importation de bois Ipé depuis le Brésil dans le marché européen, sans avoir effectué les vérifications minimums requises par le Règlement européen n°995/2010 établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché, pour la prévention de l’importation de bois illégal.
Malgré les contrôles réalisés par la Préfecture de police ayant conclu à la conformité à la réglementation sur le bois et l’existence d’audits menés par des organismes privés, le 6 septembre 2023, le tribunal correctionnel de Châteauroux a retenu la négligence de la société au regard de plusieurs critères (complexité de la chaîne, pratiques de corruption, fournisseurs déjà mis en cause, etc.) et l’a condamnée à une amende de 20 000 euros et 20 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par les trois ONG.
Le 11 septembre 2023, le tribunal correctionnel de Rennes a prononcé une décision similaire en matière de déforestation. Il est désormais probable et souhaitable que de telles décisions soient régulièrement adoptées, afin de marquer la fin d’une ère au cours de laquelle l’environnement était le parent pauvre du droit pénal.