Analyse
30 décembre 2021

Guide anti-corruption de l’AFA à destination des PME et des petites ETI

Le 16 décembre 2021, l’AFA publiait la version définitive de son guide sur les mesures anti-corruption à destination des PME et des petites ETI.

 

En théorie, la loi Sapin II n’impose de fortes obligations en matière d’anti-corruption qu’aux entreprises “employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros”[1].

Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant que les Entreprises de Taille Intermédiaires (ETI) et les Petites et Moyennes Entreprises (PME) ne sont pas affectées par les questions de lutte contre la corruption. En effet, et s’il est besoin de le rappeler, la corruption et le trafic d’influence concernent toutes les entreprises, sans considération de leur taille, et peuvent avoir de lourdes conséquences économiques, réputationnelles, et juridiques.

Au surplus, les obligations de la loi Sapin II affectent indirectement des entreprises de taille moins importante en ce que le devoir de prévention auquel sont soumises les grandes entreprises les mène à faire des contrôles préalables d’intégrité de leurs partenaires commerciaux, lesquels peuvent être des PME et ETI[2]. Dès lors, disposer d’une politique anti-corruption est pour ces sociétés un argument à faire valoir par rapport à la concurrence, d’autant qu’elle favorise la bonne gestion de l’entreprise. De la même manière, les banques et investisseurs sont plus enclins à financer des entreprises disposant d’un programme anti-corruption.[3]

Ces raisons ont déjà convaincu 50% des entreprises non concernées par les obligations de la loi Sapin II à déployer des mesures anti-corruption.[4]

C’est ce déploiement de mesures à tout type d’entreprises que promeut l’Agence Française Anti-corruption (AFA) en publiant ce “guide pratique anticorruption à destination des PME et des petites ETI”, élaboré en concertation avec la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME) et le Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire (METI). L’AFA se veut pédagogique, offrant des illustrations de situations à risques et de pratiques à éviter, ainsi que des exemples concrets de mesures de remédiation pouvant être envisagées.

Il est indéniable qu’une petite ou moyenne entreprise peut rencontrer des difficultés à mettre en place certains des standards appliqués aux grandes entreprises. En effet, il peut s’avérer trop coûteux pour de telles structures de nommer spécifiquement un responsable aux questions anti-corruption, ou de vérifier systématiquement et précisément l’intégrité de chaque partenaire commercial. Pourtant des cadeaux émis ou reçus par un employé[5], ou un contrat offert en échange de faveurs personnelles[6] sont des risques qui affectent tout autant les petites et moyennes entreprises que les grands groupes.

En 13 fiches, le guide revient sur des pistes concrètes pour prévenir les risques de corruption au sein des PME et ETI, reprenant les points déjà développés dans ses précédentes recommandations, à savoir le rôle du dirigeant, celui d’une éventuelle personne chargée spécifiquement des questions de corruption, la mise en place d’une cartographie des risques, d’un code de conduite anti-corruption, des actions de formation et de sensibilisation à destination des salariés, de l’évaluation de l’intégrité des partenaires commerciaux, d’un dispositif d’alerte interne, de mécanismes de contrôle interne, de contrôles comptables et enfin de sanctions disciplinaires[7].

L’AFA rappelle qu’il est important que le dirigeant prenne un rôle actif dans la prévention de toutes les formes de corruption ou trafic d’influence[8]. Il doit adopter une attitude exemplaire, rappeler que l’entreprise ne tolère en aucun cas de telles pratiques (via le règlement intérieur, le site internet, etc.) et prendre des mesures concrètes de prévention.

Une cartographie des risques est également indispensable afin d’identifier au sein de la sphère de l’entreprise, les façons de procéder ou les activités qui pourraient présenter des risques (export, utilisation d’intermédiaires commerciaux, soumission aux marchés publics, obtention d’autorisation administrative, etc.). L’AFA précise par ailleurs que ces points d’attention doivent être actualisés à chaque évènement majeur : rachat d’un concurrent, lancement d’un nouveau produit, etc. [9] En fonction des résultats de la cartographie, la mise en place de consignes et d’actions spécifiques peut être envisagée, ceci afin d’encadrer les relations avec les partenaires commerciaux, notamment en matière de cadeaux et invitations, de conflits d’intérêts, de sponsoring, etc. [10]

L’AFA rappelle également que sensibiliser et former les salariés sur la lutte anti-corruption, leur signaler qu’ils peuvent faire part de leur doute sur une situation donnée en toute confidentialité, permet de créer une culture d’entreprise saine. Dans le prolongement de ces actions, identifier les principaux partenaires à risques, notamment dans des secteurs exposés ou provenant de pays avec des exigences anti-corruption plus faibles[11] est indispensable (les agents commerciaux et autres intermédiaires sont par exemple une source notable de risque). En outre, un code de conduite anti-corruption[12], sujet à communication interne[13] voire à son adoption par certains partenaires commerciaux de l’entreprise tels que des fournisseurs[14], est également une mesure de prévention à envisager.

L’AFA mentionne, de plus, que des canaux internes de signalement peuvent aussi être mis en place[15], d’autant que les lanceurs d’alerte pourront bientôt signaler directement aux autorités les comportements qu’ils estiment suspects dans le cas où les procédures internes à l’entreprise sont insuffisantes. A ce titre, le développement et l’adaptation des procédures internes, tant au niveau organisationnel[16] que comptable[17], permettent que le processus décisionnel soit moins exposé au risque de corruption (il est par exemple utile de fractionner les processus de décision pour permettre un contrôle multipartite sur une même opération).[18] L’application des mesures de prévention anti-corruption doit également être régulièrement contrôlée, et plus particulièrement dans les secteurs identifiés comme à risques. Des vérifications comptables rigoureuses sur les prestations concrètement rendues peuvent en outre éviter les risques de facturations fictives[19]. Enfin, l’AFA considère qu’il est impératif pour l’entreprise que toute infraction aux règles internes soit effectivement sanctionnée disciplinairement en interne[20].

Bien entendu, l’AFA reste consciente que la mise en place de l’ensemble de ces pratiques relève de la casuistique et est spécifique à chaque entreprise, la proportionnalité des mesures restant au cœur du processus (taille, secteur d’activité, implantation géographique, etc.)[21]. Toutefois, elle rappelle qu’il convient de retenir que, in fine, les coûts de telles mesures sont compensés non seulement par la diminution des risques de poursuite, mais aussi par l’avantage concurrentiel que procurent de telles politiques de prévention dans la relation avec les grandes entreprises et les acteurs financiers.

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