Comme il l’avait déjà annoncé dans sa synthèse d’activité pour 2022, le Parquet national financier (PNF) s’est “emparé du contentieux des atteintes à la concurrence” et la Convention judiciaire d’intérêt public signée le 10 février 2025 avec Paprec en est une illustration dans le domaine des marchés publics.
L’attribution des marchés publics est encadrée par le code de la commande publique qui a pour vocation, d’une part, de garantir le respect des principes fondamentaux de la commande publique, à savoir la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures afin d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics[1] et, d’autre part, d’atteindre les objectifs de développement durable[2].
Le 10 février 2025, la société Paprec a signé une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avec le PNF afin de mettre fin aux poursuites à son encontre pour des faits de corruption, d’entente, de recel de favoritisme et de blanchiment de fraude fiscale[3].
I. Les infractions retenues dans le cadre de la CJIP Paprec
La pénalisation accrue du respect des règles relatives aux marchés publics se concrétise par le recours à des qualifications pénales non spécifiques aux marchés publics pour appréhender des faits de manipulation de l’attribution de ces marchés.
Ainsi, la CJIP conclue entre le PNF et la société Paprec porte sur des faits d’entente illicite, de corruption active de personnes dépositaire de l’autorité publique, de recel de favoritisme et de blanchiment de fraude fiscale.
La société Paprec était soupçonnée d’entente illicite pour s’être concertée, entre 2013 et 2021, avec ses concurrents pour notamment ne pas déposer d’offre ou déposer des offres non compétitives sur certains marchés afin que chacune des sociétés puissent se voir attribuer les marchés[4].
Plus précisément, il lui était reproché, d’une part, d’avoir obtenu un marché public en déposant une offre volontairement supérieure à celle d’une société qu’elle avait rachetée, ce qui lui avait permis de récupérer ultérieurement ce marché public par le rachat ; et d’autre part, d’avoir obtenu cinq marchés publics en se concertant avec deux concurrents afin que ces derniers déposent des offres dont les modalités assuraient à Paprec d’être sélectionnée[5].
Par ailleurs, Paprec était poursuivie pour recel de favoritisme[6] qui est une qualification traditionnellement retenue en cas d’atteinte aux règles des marchés publics. Les faits de recel de favoritisme concernaient trois marchés publics et deux délégations de service public pour lesquels les dirigeants de la société étaient soupçonnés d’avoir, entre 2013 et 2022, obtenu des informations sur les appels d’offres avant leur publication ou sur les offres présentées par les concurrents[7].
Le recel est une infraction autonome qui permet d’appréhender la personne qui bénéficie du produit d’une infraction d’origine. Dans le cas de l’attribution des marchés publics, l’infraction d’origine est l’infraction de favoritisme commise par la personne publique. La société qui s’est vue attribuer indûment le marché public, en bénéficie indéniablement et s’expose au risque de condamnation.
La CJIP conclue par Paprec illustre également la possibilité pour les sociétés d’être poursuivies pour des faits de corruption dans le cadre d’attribution des marchés publics[8]. En l’espèce, la société Paprec était poursuivie pour corruption active de personne chargée de mission de service public, par l’intermédiaire de ses dirigeants, pour avoir obtenu indûment des marchés publics.
Ainsi, il était reproché à la société Paprec d’avoir, entre 2013 et 2022, apporté un soutien financier à une association présidée par l’épouse du maire d’une ville dans laquelle Paprec avait en contrepartie obtenu des marchés publics[9]. Elle était en outre soupçonnée, entre 2014 et 2016 d’avoir obtenu du président d’un syndicat, deux délégations de service public en contrepartie de l’embauche du fils de ce président et de la conclusion d’un contrat avec une société dirigée par un ami d’un dirigeant de ce même syndicat[10].
Enfin, des poursuites pour blanchiment de fraude fiscale étaient engagées à l’encontre de la société Paprec[11]. Le président de la société Paprec, agissant comme représentant de la société, était soupçonné d’avoir, entre 2016 et 2022, utilisé les cartes bancaires de la société aux fins de retraits d’espèce dont la finalité n’était pas justifiée et alors même qu’il ne les avait pas déclarés comme revenus. De plus, ces retraits avaient eu pour effet de majorer artificiellement les charges de la société[12].
II. Les engagements de la société Paprec
La CJIP est un mécanisme par lequel la personne morale mise en cause, afin d’éviter des poursuites pénales, souscrit divers engagements. Ainsi, Paprec s’est engagée au paiement d’une amende d’intérêt public, à la mise en place d’un programme de conformité sous le contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA) et a consenti au transfert à l’État des avoirs saisis.
Concernant l’amende, son montant est calculé de façon proportionnée aux avantages que la personne morale a pu tirer des manquements constatés, dans la limite de 30% du chiffre d’affaires de la société calculé sur les trois dernières années[13]. Paprec s’est dès lors engagée à verser une amende d’un montant de 17 538 990 euros, comprenant une part restitutive de 4 190 000 euros et une part afflictive de 13 348 990 euros, étant précisé que les mesures correctives mises en place par la société Paprec ont été retenues au titre des facteurs minorants[14].
Lors des investigations, la somme de 4 828 000 euros avait été saisie. Paprec a consenti au transfert de cette somme à l’État, dont le montant a été déduit du montant total de l’amende due par la société[15].
Enfin, en outre de la sanction pécuniaire, une CJIP peut s’accompagner d’un programme de mise en conformité supervisé par l’AFA qui vise à s’assurer du respect de ses engagements par la société ayant conclu la CJIP[16].
Paprec a ainsi accepté de se soumettre à un tel programme d’une durée de trois ans qui comprendra la réalisation d’audits de son dispositif anticorruption ainsi que d’audits ciblés pour s’assurer de l’effectivité au regard des risques identifiés et du déploiement de ce dispositif[17]. A cet effet, Paprec a l’obligation de provisionner la somme de 1 000 000 d’euros dont les fonds non dépensés lui seront restitués[18].
L’actualité démontre ainsi une volonté toujours plus grande des autorités publiques de responsabiliser la vie publique, notamment dans le domaine des marchés publics.