Publication
21 avril 2023

Guide du praticien des enquêtes internationales (2023) – GIR

NAVACELLE co-auteur du chapitre français de la septième édition du guide du praticien des enquêtes internationales publiées par le Global Investigations Review.

 

Contexte général, principes clés et sujets d’actualité

 

1.     L’enquête en cours la plus médiatisée contre une entreprise en France

Depuis que la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de l’économie (dite loi Sapin II) est entrée en vigueur, 13 conventions judiciaires d’intérêt public (ci-après “CJIP”, qui sont l’équivalent français des deferred prosecutions agreements aux Etats-Unis) ont été conclues avec des entreprises. Depuis décembre 2020, le champ d’application des CJIP s’est élargi aux infractions environnementales, et plusieurs CJIP ont été conclues concernant des allégations d’infractions environnementales.

Ci-après est détaillé une affaire actuelle particulièrement intéressante. Le 9 février 2021, deux sociétés, Bolloré SE et Financière de l’Odet SE, ont signé une CJIP avec le procureur financier français concernant des allégations de corruption relatives à des marchés publics au Togo. Les sociétés sont détenues par Vincent Bolloré, l’un des hommes d’affaires les plus riches de France. Parallèlement à la CJIP, les dirigeants de la société et M. Bolloré ont accepté de signer une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (ci-après “CRPC”) avec le procureur concernant les allégations portées contre eux personnellement en payant chacun une amende de 375.000 €.

Bien que la CJIP, qui n’existe que pour les personnes morales, n’impliquent pas un aveu de culpabilité, la CRPC produit les mêmes effets juridiques qu’une condamnation pénale. Tant la CJIP que la CRPC, lorsqu’elles sont conclues entre un défendeur et le procureur, doivent être homologués au cours d’une audience publique devant un juge homologateur, qui doit vérifier la réalité des faits allégués, le bien-fondé des poursuites et le fait que le prévenu reconnaît sa culpabilité au cours de l’audience. Dans l’affaire Bolloré, bien que la CJIP ait été homologuée, le juge a refusé d’homologuer la CRPC car, selon lui, les infractions reprochées “portent gravement atteinte à l’ordre public économique” et “portent atteinte à la souveraineté du Togo”. Cela justifiait un procès public pour les personnes concernées. Au cours de l’audience publique d’homologation, à laquelle la presse a assisté, M. Bolloré a reconnu publiquement les faits qui lui étaient reprochés et a reconnu sa culpabilité. Néanmoins, cette reconnaissance soulève la question des risques que représente une CRPC lorsqu’un défendeur reconnaît sa culpabilité en audience publique d’homologation, comme l’exige la loi, mais que l’homologation est finalement refusée. Cela pourrait être considéré comme une violation directe du droit à un procès équitable et à la présomption d’innocence lors du procès ultérieur. A cet égard, M. Bolloré a déposé une requête pour mettre fin au procès puisque des éléments de la CRPC non homologuée étaient présents dans les preuves de l’affaire qui sera jugée plus tard. L’audience sur cette demande doit avoir lieu plus tard en 2022.

Parallèlement à la signature des CJIP et des CRPC, les autorités judiciaires et d’investigation continuent d’enquêter sur les entreprises pour des infractions, telles que les accusations de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme contre l’industriel mondial Lafarge Holcim. Les poursuites de la société ont été confirmées par la Cour d’appel de Paris, qui a appliqué une jurisprudence établie en 2021 par la Cour de cassation, selon laquelle une société peut être “complice de crimes contre l’humanité” même si elle n’a pas l’intention d’être associée à la commission de ces crimes.

 

2.     Le cadre juridique de la responsabilité des personnes morales en France

 

La responsabilité des personnes morales peut être engagée tant sur le plan civil que pénal. La responsabilité civile des entreprises est engagée sur la base d’un contrat ou de manière extracontractuelle.

Les sociétés peuvent être tenues pénalement responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants (c’est-à-dire les personnes qui exercent des fonctions de direction, d’administration, de gestion ou de contrôle ou celles qui agissent en vertu d’une délégation de pouvoir valable). La responsabilité pénale des entreprises n’exclut pas la responsabilité de l’individu ayant commis l’infraction ou d’un complice de l’infraction.

 

3.     Quelles sont les autorités qui réglementent les sociétés ? Comment se répartissent ces compétences entre les autorités ? Les autorités ont-elles des politiques ou des protocoles relatifs aux poursuites contre les entreprises ?

 

Les sociétés sont réglementées par les autorités judiciaires – avec des fonctions d’enquête et de poursuite – mais aussi par les autorités administratives et réglementaires. Dans la plupart des cas, la compétence entre les autorités dépend du sujet traité, avec de nombreuses possibilités de coopération et de concurrence.

La compétence des tribunaux judiciaires est généralement définie par le lieu de l’infraction ou le lieu du siège social de l’entreprise.

En outre, les tribunaux interrégionaux spécialisés sont compétents pour les affaires complexes, économiques et financières, ou pour les questions multi juridictionnelles.

Par ailleurs, des sections spécialisées du parquet de Paris disposent d’une compétence nationale pour traiter d’infractions spécifiques (par exemple, la criminalité financière et la corruption, le terrorisme et les crimes contre l’humanité). C’est le cas du Parquet national financier (ci-après “PNF”), qui enquête et poursuit les délits financiers (tels que la corruption publique et privée, le favoritisme, la fraude fiscale aggravée, la fraude à la TVA, les délits d’initiés et les manipulations de cours ou d’indices).

L’Autorité des marchés financiers (ci-après “AMF”) protège l’intégrité des marchés financiers, en veillant à la protection et à l’information des investisseurs et en prévenant les abus de marché. L’Autorité de la concurrence lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et veille au bon fonctionnement des marchés en menant des enquêtes de terrain, en contrôlant les concentrations d’entreprises et en publiant des avis et des recommandations. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après “ACPR”) préserve la stabilité du système financier, en collaboration avec les instances internationales qui contrôlent les conditions d’exploitation des entreprises du secteur bancaire et de l’assurance et le respect des règles de protection de la clientèle. L’Agence française anticorruption (ci-après “AFA”) contrôle et sanctionne les entreprises visées par l’article 17 de la loi Sapin II (c’est-à-dire les sociétés de plus de 500 employés, ou un groupe dont le siège est en France et qui compte plus de 500 employés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros) en cas de processus et politiques de lutte contre la corruption défectueux ou insuffisants, et surveille la mise en œuvre des programmes de lutte contre la corruption.

 

4.     De quels motifs les autorités doivent-elles disposer pour ouvrir une enquête ? Un certain seuil de suspicion est-il nécessaire pour déclencher une enquête ?

 

Les enquêtes peuvent être initiées par les procureurs de la République, ou par les parties civiles via le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction.

En ce qui concerne les procureurs de la République, les enquêtes sont ouvertes à la suite de plainte, signalement, dénonciation volontaire ou flagrant délit. Le pouvoir discrétionnaire des procureurs en ce qui concerne les étapes suivantes est considérable. Le procureur général peut choisir de poursuivre, de transiger ou d’abandonner les poursuites, d’enquêter lui-même ou de désigner un juge d’instruction pour traiter les affaires complexes. Il n’y a pas de seuil de soupçon minimum prévu par la loi pour que les procureurs puissent engager des actes d’investigation et ces derniers ne peuvent être contestés devant les tribunaux.

En ce qui concerne les juges d’instruction, les enquêtes sont ouvertes soit par l’intermédiaire du procureur ou à la suite d’une plainte déposée par la partie civile.

Tous les actes d’enquête du juge d’instruction peuvent être contestés en justice.

 

5.     Comment peut-on contester la légalité ou la portée d’un avis ou d’une assignation d’une autorité en France ?

 

Les ordonnances émises par les autorités d’enquête, administratives et judiciaires doivent respecter des formalités spécifiques et être fondées sur une disposition légale.

L’avis de convocation ou l’assignation à comparaître (c’est-à-dire un avis écrit qui exige qu’une partie assiste à une audience du tribunal ou à produire un document aux autorités) peuvent être contestés en droit français s’ils ne sont pas prévus par la loi ou ne contiennent pas les informations appropriées pour informer les destinataires de leurs droits.

Par ailleurs, le principe du secret (tel que le secret professionnel, le secret bancaire, défense et sécurité), par exemple, est un motif pour s’opposer à l’émission d’une ordonnance de communication de documents – même si la tendance dans la jurisprudence récente a admis la saisie de documents protégés par le secret professionnel de l’avocat.

Lorsqu’une notification ou une assignation à comparaître est émise par une autorité étrangère, il est possible d’en contester la légalité en opposant la loi de blocage française (loi n° 68-678 du 26 juillet 1968).

 

6.    La France fait-elle usage d’accords de coopération donnant l’immunité ou la clémence aux personnes qui aident ou coopèrent avec les autorités ?

 

Il n’existe pas d’accords de coopération formels signés avec des sociétés qui accordent l’immunité ou la clémence aux personnes qui aident ou coopèrent avec les autorités.

Néanmoins, la coopération des individus avec les autorités peut conduire à des peines plus légères. La CRPC pour les individus n’est autorisée que s’ils reconnaissent leur culpabilité ; en échange, ils reçoivent la moitié de la peine d’emprisonnement applicable.

 

7.     Quelles sont les priorités des autorités en France ?

 

Depuis plusieurs années, en matière de criminalité financière, la principale priorité des autorités française est la lutte contre la corruption.

 

8.     Dans quelle mesure les autorités en France accordent-elles de l’importance au fait qu’une entreprise dispose d’un programme de conformité efficace ? Quelles sont les orientations existantes (sous la forme de loi, de discours ou de jurisprudence) sur ce qui constitue un programme de conformité efficace ?

 

Dans le cadre d’un procès concernant des infractions constituant des atteintes à la probité, les personnes morales répondant aux exigences de la loi Sapin II, en vertu de l’article 17, peuvent demander au procureur de la République de proposer une CJIP et d’imposer une sanction financière moins élevée. Néanmoins, cela reste à la discrétion du procureur de la République.

Le procureur de la République examine la capacité et la volonté des dirigeants, dès lors qu’il a connaissance des infractions commises au sein de l’entreprise, à mettre en œuvre les mesures correctives nécessaires pour améliorer le programme de conformité. La mise en œuvre d’un programme efficace de conformité peut être une condition d’une CJIP et les autorités peuvent ordonner à l’AFA de surveiller le programme de conformité d’une entreprise pendant trois ans maximum.

En pratique, si une entreprise améliore son programme de conformité conformément aux bonnes pratiques avant la signature d’une CJIP, le procureur de la République pourra statuer sur l’achèvement de la structure du programme, et l’AFA n’aura qu’à contrôler sa mise en œuvre.

Les premières orientations officielles sur le contenu d’un programme de conformité efficace ont été apportées par les huit piliers de la loi Sapin II, à savoir le code de conduite, le canal d’alerte, la cartographie des risques, le contrôle préalable des clients, des fournisseurs et des agents tiers, les contrôles comptables internes et externes, la formation des employés à risque, les sanctions disciplinaires, et le suivi et évaluation des mesures. Par ailleurs, l’AFA a publié plusieurs lignes directrices, dont le guide pratique sur la fonction conformité anti-corruption dans l’entreprise et le guide pratique sur la peine de programme de mise en conformité et des questions-réponses pratiques pour les entités des secteurs privé et public.

 

Les questions liées à la cybercriminalité

 

9.     La France réglemente-t-elle la cybersécurité ? Description de l’approche des autorités locales face aux manquements en matière de cybersécurité.

Un cadre global permet d’aborder la cybersécurité à différents niveaux nationaux.

L’Agence nationale de cybersécurité (ci-après “ANSSI”), créée en 2009, est l’autorité nationale chargée de la cyberdéfense et de la sécurité des systèmes d’information. Elle a pour mission de superviser les activités des administrations, des services publics, des entreprises et des opérateurs stratégiques, dans le but d’apporter une réponse proactive aux questions de cybersécurité. Elle délivre également les autorisations d’exportation et d’importation de biens contenant du chiffrement. Aux côtés de l’ANSSI, d’autres organismes spécialisés s’occupent de la cybersécurité : la police (Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication) est chargée de lutter contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication, le bureau de la Gendarmerie nationale est chargé de la lutte contre les infractions numériques et la brigade de la préfecture de Paris est chargée d’enquêter sur les fraudes informatiques.

Si les mesures de cybersécurité d’une entreprise ne permettent pas de garantir la protection des données par exemple, des amendes administratives peuvent être encourues.

 

10.  La France réglemente-t-elle la cybercriminalité ? Quelle est l’approche des autorités en France en matière de cybercriminalité ?

 

La mise en œuvre de la réglementation en matière de cybercriminalité est coordonnée par le ministère de l’Intérieur en collaboration avec l’ANSSI et les services de police spécialisés.

Plusieurs textes de loi français prévoient des sanctions pour les infractions constituant de la cybercriminalité.

La loi française prévoit une application extraterritoriale de ses dispositions en ce sens qu’une cybercriminalité est considérée comme ayant été commise en France si l’infraction est commise par le biais d’un réseau de communication électronique au détriment d’une personne en France ou d’une société ayant son siège social en France.

 

Questions transfrontalières et autorités étrangères

 

11.  Le droit pénal local a-t-il un effet extraterritorial général ?

 

La loi pénale peut avoir un effet extraterritorial si un crime ou un délit est commis à l’étranger par un ressortissant français. Pour les crimes et délits commis à l’étranger, l’extraterritorialité s’applique, à condition que le comportement soit sanctionné par la législation du pays dans lequel il a été commis (double incrimination). En matière de corruption, que ce soit dans un contexte public ou privé, la Sapin II supprime l’exigence de double incrimination et étend l’effet d’extraterritorialité aux résidents français ou aux personnes physiques et morales qui exercent leur activité économique sur le sol français.

La loi pénale peut également avoir un effet extraterritorial si un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est commis à l’étranger contre un ressortissant français.

Le procureur de la République ne peut engager des poursuites que lorsqu’une une plainte officielle a été déposée par une victime ou qu’une dénonciation a été faite par les autorités étrangères concernées.

Dans des circonstances spécifiques, la loi pénale française peut avoir un effet extraterritorial en cas de commission d’un crime ou d’un délit à l’étranger par un ressortissant non français, dans le cas où son extradition ou sa remise vers son pays d’origine est refusé par les autorités françaises.

 

12.  Les principaux défis qui se posent en France lors des enquêtes transfrontalières.

 

Les défis des enquêtes transfrontalières se présentent principalement lorsque les autorités françaises ne sont pas impliquées dans les procédures d’enquêtes et de poursuites.

La loi Sapin II marque un changement pour les enquêtes transfrontalières dans lesquelles les autorités françaises sont beaucoup plus impliquées et ont davantage confiance. La CJIP Airbus est une illustration de ce nouveau statut. Le PNF a coordonné les enquêtes avec le Serious Fraud Office du Royaume-Uni et le Department of Justice des États-Unis et a été le principal point de contact pour Airbus.

 

13.  La double incrimination, ou un concept similaire, s’applique-t-elle pour empêcher qu’une société ne s’expose à des poursuites pénales en France après qu’elle a clos des poursuites portant sur les mêmes faits dans un autre pays ? Existe-t-il quelque chose d’analogue en France à la politique “anti-cumul” qui existe aux Etats-Unis (Policy on Coordination of Corporate Resolution Penalties) afin d’éviter que de multiples autorités ne cherchent à sanctionner des entreprises pour le même comportement ?

 

Le principe de la double incrimination, consacré par l’article 14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après “UE”) et l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’Homme, a été ratifié par la France. L’État français prévoit une exception dans sa ratification de l’article 4 du protocole n° 7, en limitant l’application du principe ne bis in idem au domaine du droit pénal. Sur la base de ce principe, aucun individu ayant été condamné ou acquitté en France par un jugement pénal définitif ne peut être poursuivi à nouveau pour la même infraction.

La jurisprudence pénale française considère cependant que le principe ne bis in idem ne s’applique pas lorsqu’un jugement étranger définitif a été rendu pour une infraction de nature pénale dont les éléments se sont produits en France. Par exemple, le 14 mars 2018, dans un arrêt concernant le programme “pétrole contre nourriture”, la Cour de cassation a confirmé que l’article 14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies ne s’applique que lorsque les deux procédures sont engagées sur le territoire d’un même État. Ainsi, la clause de double incrimination contenue dans un Deferred Prosecution Agreement américain ne s’applique pas.

En raison de l’exception française dans son interprétation de l’article 4 du Protocole n° 7, il est possible en France qu’un individu ou une société soit sanctionné pour la même infraction par les autorités judiciaires et administratives.

 

14.  Les règlements globaux (global settlements) sont-ils courants en France ? Quelles sont les considérations pratiques ?

 

Les règlements globaux sont un développement récent en France dans les enquêtes multi-juridictionnelles. La CJIP de la Société Générale en 2018 et la CJIP d’Airbus en 2020, toutes deux signées aux côtés d’institutions étrangères, démontrent une intention de renforcer la coopération entre les autorités transfrontalières. La principale considération pratique concernant les règlements globaux est qu’ils peuvent se produire dans des juridictions ayant un système juridique complètement différent.

 

15.  Quelle est l’incidence des décisions des autorités étrangères sur une enquête sur la même affaire en France ?

 

En matière pénale, à l’exception des cas où le principe ne bis in idem s’applique, les autorités françaises sont libres de prendre en considération une décision de justice étrangère pour ouvrir une enquête. Les autorités françaises mènent leurs propres enquêtes de manière indépendante. En pratique, cependant, la tendance émergente est à la coopération entre les autorités françaises et étrangères.

 

Exécution des sanctions économiques

 

16.  Le programme de sanctions de la France et les récentes sanctions imposées.

 

La mise en œuvre des sanctions économiques en France s’inscrit essentiellement dans le cadre de la politique de sanctions de l’ONU et de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE. Les mesures restrictives, telles que le gel des avoirs, les embargos et les restrictions commerciales, sont mises en œuvre que par une décision du Conseil Européen appuyée par des règlements de l’UE et sont directement contraignantes pour les États membres de l’UE.

Ces sanctions peuvent viser des gouvernements de pays étrangers, des entités non gouvernementales et des particuliers. En France, le ministère de l’économie et des finances (Direction générale du Trésor) et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères veillent à la mise en œuvre de toute sanction décidée au niveau européen.

 

17.  Quelle est l’approche de la France en matière d’application des sanctions ? Y a-t-il eu une augmentation de l’application des sanctions au cours des dernières années ?

 

Il n’existe pas d’approche unique sur l’application des sanctions.

Ces dernières années, les mesures visant à lutter contre le financement du terrorisme se sont multipliées. Par exemple, le Code monétaire et financier français permet au ministre de l’économie et des finances d’ordonner le gel des avoirs appartenant à des personnes ou à des organisations qui commettent ou tentent de commettre des actes terroristes, ou qui facilitent ou participent à de tels actes.

18.  Les autorités chargées du respect et de l’application des sanctions en France coopèrent-elles avec leurs homologues d’autres pays aux fins de l’application des sanctions ?

 

Il n’existe pas de cadre général permettant d’incriminer la violation des sanctions économiques, bien qu’un projet de loi en ce sens ait été examiné par le Parlement français en 2016. Cependant, la France applique les mesures restrictives internationales et européennes.

19.  La France a-t-elle adopté une loi de blocage en ce qui concerne les mesures de sanctions de pays tiers ?

En tant que membre de l’UE, la France est soumise au règlement de blocage de l’UE. Règlement établi le 22 novembre 1996 et mis à jour le 6 juin 2018 par la Commission européenne. Ce règlement est directement applicable en France. Ces mesures interdissent aux citoyens de l’UE de se conformer aux sanctions extraterritoriales de pays tiers, sauf autorisation exceptionnelle de la Commission européenne, comme le prévoit le règlement d’exécution (UE) 2018/1101 de la Commission.

20.  Comment les autorités locales assurent-elles le respect de la loi de blocage dans la pratique ?

 

Bien que le règlement de blocage de l’UE sanctionne les entreprises de l’UE qui se conformeraient à des sanctions de pays tiers, cette mesure a un effet beaucoup plus symbolique qu’économique.

Elle n’a été appliquée qu’en 1998 dans le cadre d’une plainte déposée par les Communautés européennes devant l’Organisation mondiale du commerce.

 

Avant une enquête interne

 

21.  Comment les allégations de mauvaise conduite sont-elles le plus souvent révélées dans les entreprises en France ?

 

Les allégations sont mises en lumière par différents canaux.

La loi Sapin II a été récemment modifiée lorsque la France a adopté la directive de l’UE sur les lanceurs d’alerte. Les lanceurs d’alerte peuvent désormais faire un signalement externe directement aux autorités sans avoir à faire un rapport interne à l’entreprise (ce qui était le cas dans la version précédente de l’article 8 de la loi Sapin II).

 

Collecte d’informations

 

22.  La France dispose-t-elle d’un régime de protection des données ?

 

La France a adopté un régime de protection des données en 1978 avec la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

En 2016, le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont adopté le Règlement général sur la protection des données (ci-après “RGPD”), qui est entré en vigueur le 25 mai 2018. Le RGPD a été intégré dans le cadre législatif interne de la France par la loi n° 2018-493, adoptée le 20 juin 2018, modifiant le droit existant, dont certaines dispositions étaient contraires au RGPD.

 

23.  Comment le régime de protection des données est-il appliqué en France ?

 

La loi n° 2018-493 du 20 janvier 2018 et le RGPD accordent de nouveaux pouvoirs d’enquête et de sanction à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après la “CNIL”).

Les droits de l’individu à l’information et le droit d’accès, de rectification et de suppression des données personnelles sont renforcés et les sanctions imposées en cas d’obstruction ou de non-respect des dispositions légales sont accrues. La CNIL a le pouvoir d’infliger une sanction périodique (limitée à 100 000 euros par jour) en plus des amendes administratives (qui peuvent atteindre 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial).

 

24.  Y a-t-il des problèmes de protection des données qui suscitent une inquiétude particulière dans les enquêtes internes en France ?

 

Bien que plusieurs questions de protection des données soient pertinentes pour les enquêtes internes en France, elles ne sont pas spécifiques à la France, car elles résultent de la réglementation européenne (c’est-à-dire le RGPD).

La question principale est que les avocats menant des enquêtes internes peuvent se retrouver garants de la protection des données et doivent concilier ce devoir de protection avec le devoir du secret professionnel. Il est nécessaire d’identifier clairement les réglementations applicables à l’utilisation ou au transfert de données, telles que les règles protégeant le transfert de données considérées comme relevant des intérêts de la France (c’est-à-dire la loi de blocage et les règles relatives au secret des affaires), les règles protégeant l’accès, le traitement et le transfert de données à caractère personnel en dehors ou au sein de l’UE (par exemple, les transferts fondés sur des conventions internationales), les règles protégeant les droits des personnes faisant l’objet d’une enquête interne (par exemple, les informations fournies aux personnes concernant leur droit d’accès, de rectification ou de suppression des données) et les règles relatives à la durée de conservation des données.

 

25.  La France réglemente-t-elle ou limite-t-elle d’une autre manière l’interception des communications des employés ? Quelles sont ses caractéristiques et comment le régime est-il appliqué ?

 

Lorsque les employés utilisent des dispositifs technologiques mis à leur disposition par leur employeur à des fins professionnelles, ces dispositifs sont présumés être professionnels. Les employeurs sont donc autorisés à demander à les consulter ou à y accéder. Les tribunaux ont toutefois limité ce droit d’accès en se fondant sur le droit à la vie privée. Les courriels professionnels, les SMS ou les applications de chat expressément qualifiés de privés sont donc confidentiels et non accessibles par l’employeur.

 

Perquisitions et mandats de perquisitions

 

26.  Les autorisations de perquisitions ou les perquisitions pour les entreprises sont-ils une caractéristique de l’application de la loi en France ? Quelles sont les limitations légales imposées aux autorités qui exécutent des autorisations de perquisition ou des perquisitions, et quels sont les recours dont dispose l’entreprise si ces limites sont dépassées.

 

Oui, les autorisations de perquisition et perquisitions sont des éléments clés de l’application de la loi et de la collecte de preuves par les autorités judiciaires et administratives.

Le procureur de la République doit être mis au courant des perquisitions pour les enquêtes de flagrance et les enquêtes préliminaires, et, pour les informations judiciaires, la perquisition doit être autorisée par le juge d’instruction. Dans le cadre d’une enquête préliminaire, le consentement des personnes physiques ou morales visées par la perquisition est nécessaire. En cas d’absence de consentement, la perquisition doit être autorisée par le Juge des Libertés et de la Détention.

Les entreprises soumises à des perquisitions doivent s’assurer que ces dispositions légales sont suivies. Tout incident doit être consigné dans le procès-verbal de la perquisition qui ne doit pas être signé s’il y a un désaccord sur le contenu de celui-ci.

 

27.  Comment protéger légalement les documents confidentiels en cas de saisie lors d’une perquisition ou en réponse à une autorisation de perquisition en France ?

 

La protection ne s’applique qu’aux documents échangés avec des avocats externes et non à ceux des juristes d’entreprise.

Les documents confidentiels sont protégés de l’enquête et de l’instruction, sauf pour les documents sans rapport avec les droits de la défense ou ceux qui établissent la participation de l’avocat à une infraction.

Les sociétés ou les personnes physiques doivent ainsi indiquer les éléments qui sont couverts par le secret avocat-client. En cas de saisie de documents protégés par le secret professionnel, les personnes concernées doivent demander l’autorisation de faire des copies et déposer une demande ultérieure de restitution du matériel protégé.

 

28.  Dans quelles circonstances le témoignage d’un individu peut-il être contraint en France ? Quelles sont les conséquences d’un tel témoignage forcé ? Existe-t-il des privilèges empêchant un individu ou une entreprise de témoigner ?

 

Il y a deux régimes, un pour les témoins et un pour les suspects.

Au cours de la phase d’enquête, les policiers peuvent convoquer comme témoin toute personne qu’ils jugent utile pour les besoins de l’enquête. Si un témoin refuse de se présenter, l’officier de police peut en informer le procureur de la République qui peut contraindre la personne par une mise en demeure. Les témoins qui ne se présentent pas ou ne témoignent pas devant le juge d’instruction ou l’agent de police sans motif valable sont passible d’une amende de 3 750 euros. Devant un tribunal, les témoins sont toujours contraints d’assister à l’audience et de témoigner. La convocation d’un témoin doit également mentionner que l’absence de comparution, le refus de témoigner et le parjure sont punis par la loi. Les témoins qui refusent de se présenter sans motif valable sont passibles d’une amende de 10 000 euros.

Les agents de police peuvent détenir les suspects pendant la durée nécessaire à l’enquête et dans les limites de la loi et de l’approbation d’un juge. Un suspect peut refuser de répondre aux questions en vertu du droit de ne pas s’incriminer.

Le témoignage peut également être refusé en raison de l’accomplissement d’un service public (par exemple, l’immunité diplomatique, présidentielle ou parlementaire) ou du secret professionnel.

 

Lanceurs d’alerte et le droit des employés

 

29. Le cadre des lanceurs d’alerte en France Des incitations financières existent-elles pour les lanceurs d’alerte ? Quelles sont les protections légales en place pour les lanceurs d’alertes ?

 

La directive européenne sur les lanceurs d’alerte a été transposée en droit français en mars 2022, renforçant ainsi la protection juridique déjà accordée aux lanceurs d’alerte depuis la promulgation de la loi Sapin II en 2016 (par exemple, l’accès à la gratuité de l’information et de conseils sur les procédures disponibles pour se protéger contre toute action en justice engagée à leur encontre). Les principales nouveautés de la mise en œuvre de la directive comprennent une extension des événements à signaler (tout crime, infraction ou violation de la loi ou du règlement) ainsi qu’une modification de la procédure de signalement. Contrairement à la loi précédente, la loi de transposition prévoit que le dénonciateur ne doit pas d’abord faire un signalement interne avant de contacter les autorités et de faire un signalement externe.

 

30.  Quels droits le droit du travail français confère-t-il aux employés dont la conduite fait l’objet d’une enquête ? Existe-t-il une distinction entre les dirigeants et les administrateurs de l’entreprise à ces fins ?

 

En septembre 2016, le barreau de Paris a adopté un vade-mecum de recommandations déontologiques pour les avocats enquêteurs, qui a été modifié en décembre 2019. Le 12 juin 2020, le Conseil national des barreaux a également publié un guide à destination des avocats français menant des enquêtes internes. D’autres dispositions légales s’appliquent à ces enquêtes internes.

Les employés dont la conduite fait l’objet d’une enquête peuvent bénéficier de plusieurs droits, mais ceux-ci ne sont pas expressément prévus par la loi. Les employés interrogés dans le cadre d’une enquête interne doivent être informés que l’avocat externe représente l’entreprise et non leurs intérêts personnels, et qu’ils peuvent être assistés par un avocat indépendant, si leur conduite est assimilable à une faute. L’objectif de l’entretien et son caractère non coercitif doivent également être indiqués.

En outre, les lois sur la protection des données et de la vie privée s’appliquent à tous les employés, indépendamment des allégations d’actes répréhensibles et leur permettent d’accéder aux données à caractère personnel qui ont été collectées et d’invoquer le droit à la vie privée. Ce droit à la vie privée peut cependant être contourné si des courriels, des messages ou applications de chat se trouvent sur des appareils professionnels et qu’ils ne sont pas marqués comme privés ou dans une boîte de réception privée.

Il n’y a pas de traitement différent applicable aux dirigeants et administrateurs de sociétés dans le cadre des enquêtes internes.

 

31.  Les droits des employés en vertu du droit du travail français sont-ils différents si une personne est considérée comme ayant commis une faute ? Existe-t-il des mesures disciplinaires ou autre qu’une entreprise doit prendre lorsqu’un employé est impliqué ou soupçonné d’avoir commis une faute, comme une suspension ou en rapport avec le salaire ?

 

La présomption d’innocence s’applique à tous les employés, y compris ceux qui sont réputés avoir commis une faute. Ces employés bénéficient ainsi des mêmes droits que les autres employés (par exemple, convocation à un entretien et notification des droits). Les employés soupçonnés de mauvaise conduite doivent être informés de leur droit à un avocat.

Si la mauvaise conduite est confirmée, l’employeur dispose de plusieurs options pour sanctionner les employés, y compris le licenciement ou la mise à pied pendant l’enquête.

 

32.  Un employé peut-il être licencié pour avoir refusé de participer à une enquête interne ?

Les Conseils de prud’hommes semblent considérer le refus de participer à une enquête interne comme une faute suffisamment grave pour justifier une sanction dans des circonstances spécifiques.

 

Ouverture d’une enquête interne

 

33.  Est-il courant en France de préparer un document définissant les termes de référence ou le champ d’investigation avant de commencer l’enquête ? Quelles sont les questions qu’il couvre ?

 

Lorsqu’un contrôle judiciaire par un conseil de prud’hommes est susceptible de se produire (par exemple, si un employé qui est sanctionné pour mauvaise conduite conteste les conclusions d’une enquête interne), il est considéré comme une bonne pratique de préparer un document définissant les termes de référence ou la portée de l’enquête avant de commencer une enquête interne.

 

34.  Si un problème est mis en lumière avant que les autorités en France n’aient eu connaissance des faits, quelles mesures internes l’entreprise doit-elle prendre ? Existe-t-il des mesures internes qu’une entreprise est légalement ou éthiquement en capacité de prendre ?

 

Le droit français ne fournit pas un ensemble de règles claires concernant les mesures qu’une entreprise doit prendre en interne lorsqu’elle prend connaissance d’un problème ayant des implications juridiques. L’entreprise doit évaluer la portée des faits et la probabilité que sa responsabilité soit engagée, déterminer l’intérêt de coopérer avec les autorités et définir une stratégie de défense.

Il n’y a pas d’obligation de rapporter des faits aux autorités, mais cela est encouragé dans le cadre d’une CJIP. Une dénonciation volontaire de la part d’une entreprise sera considérée favorablement, tant pour la possibilité de conclure une CJIP que comme une circonstance atténuante.

 

35.  Quelles mesures internes une entreprise en France doit-elle prendre si elle reçoit une convocation ou une assignation à comparaître d’une autorité demandant la production ou la conservation de documents ou de données ?

 

Il est très probable que l’autorité en charge de l’exécution de mesures recueille des documents ou des données directement en effectuant une perquisition dans l’entreprise, après avoir recueilli suffisamment d’informations auprès de tiers pour s’assurer qu’il est possible de collecter les documents ou les données pertinents. Si une entreprise a des raisons de penser qu’une perquisition est probable, elle doit s’assurer immédiatement que tout document susceptible d’être saisi indique relever du secret entre l’avocat et son client, le cas échéant.

Les autorités administratives peuvent demander la communication de données et de documents aux entreprises faisant l’objet d’un examen ou directement à des tiers. Si ces demandes sont légalement autorisées, les entreprises doivent s’y conformer.

 

36.  A quel moment une entreprise en France doit-elle divulguer publiquement l’existence d’une enquête interne ou d’un contact de la part d’une autorité judiciaire ?

 

En dehors de celles attachées aux sociétés cotées en bourse, il n’existe aucune obligation de divulguer l’existence d’une enquête interne ou d’un contact d’une autorité judiciaire.

L’auto-divulgation peut permettre de donner du crédit à la coopération.

 

37.  Comment les enquêtes internes sont-elles perçues par les organes de contrôle en France ?

 

Bien que la négociation d’un accord avec un procureur ou un magistrat instructeur soit encore assez peu courante, le nombre de CJIP a augmenté ces dernières années, et les enquêtes internes constituent un outil efficace dans les affaires multi-juridictionnelles et la justice négociée transfrontalière. Les autorités françaises s’appuient de plus en plus sur les enquêtes internes, qui sont considérées comme une composante essentielle d’un dossier pénal.

Si une entreprise est intéressée par la conclusion d’une CJIP, elle est encouragée par les autorités chargées des poursuites à démontrer sa coopération en divulguant les conclusions de l’enquête interne antérieure ou actuelle.

 

Le secret des échanges entre client et avocat

 

38.  Le secret des échanges avocat-client peut-il être revendiqué pour tout aspect des enquêtes internes en France ? Quelles mesures une entreprise doit-elle prendre pour protéger le secret des échanges ou la confidentialité d’une enquête interne ?

 

Il n’existe pas de secret des échanges pour les communications avec les juristes d’entreprise en France. Pour bénéficier de cette confidentialité, les enquêtes doivent être effectuées par des avocats externes. Les avocats ne peuvent en aucun cas être libérés de leur obligation de secret professionnel, même par leurs clients.

Le secret professionnel s’applique entre les avocats et leurs clients mais pas avec les employés de leurs clients. L’avocat doit donc informer ces employés que tout ce qu’ils disent peut-être divulgué aux autorités par leur employeur. La confidentialité s’applique aux communications entre avocats et il est recommandé aux individus de prendre des conseils séparés afin de faciliter la sécurité des communications.

Dans tous les cas, le client est libre de divulguer les documents.

 

39.  Les principes ou éléments clés de la confidentialité des échanges avocat-client en France en ce qui concerne les sociétés. Y a-t-il des différences lorsque le client est un particulier ?

 

Il n’existe pas de confidentialité des échanges avocat-client spécifique concernant les sociétés. La particularité dans ce contexte est de déterminer qui est l’homologue de l’avocat au sein de la société, qui sera généralement le directeur général ou le directeur juridique. Il n’y a pas de différence lorsque le client est un individu.

 

40.  Le secret professionnel s’applique-t-il de la même manière aux juristes d’entreprise et avocats externes en France ?

 

Il n’y a pas de confidentialité attachée aux communications avec les juristes d’entreprise. La confidentialité ne concerne que les avocats externes.

 

41.  La confidentialité des échanges avocat-client s’applique-t-elle également aux conseils demandés à des avocats étrangers dans le cadre d’enquêtes menées en France ?

 

Il n’existe pas de disposition générale concernant la confidentialité des échanges avocat-client en ce qui concerne les avocats étrangers dans le cadre d’enquêtes.

Le Conseil de l’Ordre des avocats de Paris a souligné que les échanges de courriers électroniques entre un client et un avocat étranger peuvent être couverts par le secret professionnel. En outre, les avocats étrangers peuvent être autorisés, de manière temporaire et occasionnelle, à exercer des activités de conseil en France. Dans ce cas, ils sont liés par les règles professionnelles de leur pays d’origine et les règles de déontologie applicables aux avocats français, dont le secret professionnel.

 

42.  Dans quelle mesure la renonciation à la confidentialité des échanges avocat-client est-elle considérée comme une démarche coopérative en France ? Existe-t-il des contextes dans lesquels la renonciation à la confidentialité est obligatoire ou requise ?

 

L’avocat ne peut en aucun cas renoncer au secret professionnel, même si le client l’autorise, sauf pour la défense personnelle de l’avocat dans une affaire qui l’oppose à son client ou dans des cas spécifiques prévus par la loi. Le client n’est pas lié par la confidentialité des échanges client-avocat.

 

43.  Le concept de renonciation limitée à la confidentialité existe-t-il en tant que concept en France ?

 

Ce concept n’existe pas en France.

 

44.  Si la confidentialité a été levée sur une base limitée dans un autre pays, est-ce que la confidentialité peut-elle être maintenue en France ?

 

Le secret professionnel est général, absolu et illimité dans le temps en droit français, il doit être maintenu, même après une divulgation limitée à l’étranger. La coopération entre les autorités chargées de l’application de la loi est susceptible, cependant, de rendre la confidentialité sans objet.

 

45.  Les “privilèges d’intérêt commun” existent-ils en tant que concepts en France ? Quelles sont les exigences et le champ d’application ?

 

Les “privilèges d’intérêt commun” n’existent pas en tant que tels en droit français. Il est toutefois possible, aux fins de la défense d’un client, de partager des informations privilégiées avec d’autres avocats sans renoncer au privilège – que les clients partagent un intérêt commun ou non (foi du palais).

 

46.  La confidentialité peut-elle être revendiquée pour l’assistance fournie par des tiers aux avocats ?

 

Le secret professionnel peut être étendu aux experts sur lesquels les avocats comptent pour les besoins de leur travail. Il est généralement plus sûr que les informations soient collectées et traitées au sein des bureaux du cabinet d’avocats.

 

Entretiens avec des témoins

 

47.  La France autorise-t-elle l’audition de témoins dans le cadre d’une enquête interne ?

 

Il n’existe aucune disposition légale concernant les enquêtes internes, y compris l’audition de témoins. Les entretiens avec des personnes qui ne sont pas des employés actuels ou anciens de l’entreprise ne sont pas interdits par le vade-mecum du Barreau de Paris mais il est conseillé de faire appel à des avocats externes.

 

48.  Une entreprise peut-elle revendiquer la confidentialité des échanges avocat-client concernant les entretiens avec des témoins internes ou des rapports d’avocats ?

 

Le secret professionnel s’applique entre les avocats et leurs clients. Une entreprise peut donc revendiquer le privilège avocat-client concernant les entretiens internes avec des témoins ou les rapports de l’avocat. Néanmoins, les lignes directrices conjointes émises par l’ AFA et le PNF diffèrent légèrement de celles du vade-mecum du Barreau de Paris en matière d’enquête à l’intention des avocats enquêteurs concernant les documents couverts par le secret professionnel.

 

49.  Lorsque vous conduisez un entretien avec un employé en France, quelles exigences, directives légales ou éthiques doivent être respectées ? Existe-t-il des exigences différentes pour les entretiens avec des tiers ?

 

Il n’existe aucune disposition légale concernant les enquêtes internes, y compris l’audition de témoins. Le vade-mecum du Barreau de Paris ne fait pas de distinction entre les entretiens réalisés avec des employés et des tiers.

 

50.  Comment se déroule généralement un entretien dans le cadre d’une enquête interne en France ? Est-ce que des documents sont présentés au témoin ? Les employés peuvent ou doivent-ils avoir leur propre représentant légal lors de l’entretien ?

 

Les avocats qui mènent les entretiens doivent expliquer à qui s’applique la relation avocat-client (c’est-à-dire qu’ils agissent dans l’intérêt de la société et non des employés) et que la représentation indépendante est possible. Les avocats doivent également indiquer l’objectif de l’entretien et sa nature non coercitive.

Des documents peuvent être fournis à l’avance. Cette pratique se produit généralement lorsqu’un employé a une représentation séparée.

 

Signalement aux autorités

 

51.  Existe-t-il des circonstances dans lesquelles le signalement d’une faute aux autorités est obligatoire en France ?

 

À l’exception de crimes spécifiques qui sont inachevés et peuvent être évités, seuls les fonctionnaires ont une obligation générale de signaler les crimes dont ils ont connaissance dans le cadre de leur emploi.

Il n’y aucune obligation légale d’autodénonciation.

Les lignes directrices sur les CJIP (conventions judiciaires d’intérêt public) indiquent clairement que l’autodénonciation volontaire des infractions aux procureurs, si elle est faite en temps utile – tant en ce qui concerne le choix de la procédure CJIP que comme facteur de réduction du montant de l’amende d’intérêt public – sera considérée favorablement.

 

52.  Dans quelles circonstances pourriez-vous conseiller à une entreprise de s’autodénoncer auprès des forces de l’ordre, même si elle n’a aucune obligation légale de le faire ? Dans quelles circonstances ce conseil de se dénoncer soi-même s’étendrait-il à des pays au-delà de la France ?

 

L’autodénonciation n’est pas très courante en France. Il sera conseillé à une entreprise de s’autodénoncer (à condition que la faute soit établie sans aucun doute, que des mesures correctives appropriées aient été prises et que le programme de conformité de l’entreprise ait été renforcé) pour pouvoir bénéficier d’un crédit de coopération avec les autorités judiciaires informées de la faute.

 

53.  Quelles sont les mesures pratiques que vous devez prendre pour vous dénoncer aux forces de l’ordre en France ?

 

Il n’existe pas de procédure spécifique d’auto dénonciation ni d’obligation légale de le faire.

Des contacts informels doivent être pris, par l’intermédiaire d’un conseil externe, avec l’autorité compétente, après une analyse approfondie des avantages et des inconvénients. Bien qu’il n’existe pas d’obligation légale de s’autodénoncer et à la coopération dans une CJIP, les lignes directrices conjointes de l’AFA et du PNF indiquent que le fait de se dénoncer soi-même dans un délai raisonnable est considéré favorablement, comme un facteur d’encouragement à l’offre d’une CJIP ou de réduction de l’amende.

 

Répondre aux autorités

 

54.  Dans la pratique, comment une entreprise en France répond-elle à un avis ou à une injonction d’une autorité ? Est-il possible d’entamer un dialogue avec les autorités afin de répondre à leurs préoccupations avant ou même après que des accusations aient été portées ? Comment ?

 

Les sociétés doivent répondre par écrit aux avis ou aux citations à comparaître émanant d’une autorité judiciaire, en respectant les méthodes et les délais prévus par la loi.

Il est possible de dialoguer avec les autorités d’instruction, qu’il s’agisse du juge d’instruction ou du procureur de la République, mais ces communications restent souvent officieuses et peuvent rester lettre morte. Outre les communications ad hoc, les actes d’enquête dépassant le cadre du mandat de l’autorité judiciaire peuvent être contestés devant les tribunaux.

 

55.  Les enquêtes en cours des autorités peuvent-elles être contestées devant les tribunaux ?

 

Oui, les enquêtes en cours des autorités peuvent être contestées devant les tribunaux.

Les enquêtes en cours menées par un procureur ne sont pas susceptibles d’être contestées devant les tribunaux, à l’exception d’un nombre limité d’actes d’enquête qui enfreignent des exigences légales. Les contestations ne sont possibles qu’une fois l’enquête clôturée en demandant la nullité des actes d’enquête.

Toutefois, les actes d’investigation dans les enquêtes en cours dirigées par un magistrat instructeur peuvent être contestés devant les tribunaux.

 

56.  Dans l’éventualité où les autorités en France et d’un ou plusieurs autres pays émettent des convocations ou des assignations à comparaître distincts concernant les mêmes faits ou allégations, comment l’entreprise doit-elle réagir ?

 

L’entreprise doit répondre à toutes les autorités concernées séparément, car les questions qui peuvent être soulevées par différentes autorités varient selon les pays.

Il faut néanmoins garder à l’esprit que les autorités communiquent entre elles.

Lorsqu’il s’agit de traiter avec des autorités étrangères, la loi de blocage de l’UE, les dispositions spécifiques en matière de secret, ainsi que les questions relatives à la vie privée et à la protection des données, doivent également être abordées.

 

57.  Si une convocation ou une assignation à comparaître émanant des autorités en France sollicite la production de documents relatifs à une affaire particulière qui traverse les frontières, l’entreprise doit-elle rechercher et produire des documents dans d’autres pays pour satisfaire à la demande ? Quelles sont les difficultés à cet égard ?

 

La collecte d’informations à l’étranger devra être effectuée en conformité avec la loi étrangère applicable.

La difficulté peut résider dans le fait que le droit étranger applicable ne permet pas la saisie et la production d’information. Si une société se trouve dans l’impossibilité de fournir les informations demandées, elle doit expliquer la situation aux autorités françaises.

 

58.  Les autorités répressives en France partagent-elles régulièrement des informations ou des éléments d’enquête avec les services répressifs d’autres pays ? Quel cadre est en place en France pour la coopération avec les autorités étrangères ?

 

La coopération avec les autorités répressives étrangères se développe, tant au sein de l’UE qu’au-delà, notamment par le biais de traités d’entraide judiciaire, des accords entre les régulateurs et les autorités chargées de l’application des lois, et des accords de coopération européens.

 

59.  Les autorités en France ont-elles des obligations de confidentialité en ce qui concerne les informations reçues au cours une enquête ou la divulgation ultérieure et l’utilisation de ces informations par des tiers ?

 

Sauf si la loi en dispose autrement, les procédures d’instruction (c’est-à-dire sous l’autorité d’un juge d’instruction) et d’enquête (sous l’autorité d’un procureur) sont confidentielles. Les tiers ne sont pas liés par cette confidentialité.

Toute personne contribuant à une enquête est tenue à cette confidentialité, notamment les juges chargés de l’enquête, le procureur de la République, les greffiers, les huissiers, les enquêteurs de la police, les enquêteurs de personnalité et tous les interprètes ou experts.

 

60.  Comment conseilleriez-vous une entreprise qui a reçu une demande de la part d’une autorité en France demandant des documents provenant d’un autre pays, où la production violerait les lois de cet autre pays ?

 

L’entreprise doit faire appel à un conseiller externe pour obtenir un avis juridique sur la loi du pays dans lequel se trouvent les documents recherchés. La coopération avec les autorités françaises et étrangères – et éventuellement avec les autorités diplomatiques des deux pays en vertu d’accords de coopération formels – peut être nécessaire pour que la production soit effectuée de manière appropriée.

 

61.  La France dispose-t-elle de lois sur le secret ou le blocage ? Quelles questions connexes découlent de la conformité d’une convocation ou d’une assignation à comparaître ?

 

Oui, la France dispose à la fois d’une loi de blocage spécifique au pays et des lois sur la protection de la vie privée.

 

La loi de blocage française interdit la communication de documents ou d’informations économiques, commerciaux, industriels, financiers ou techniques à des autorités étrangères ou leur utilisation comme preuves dans des procédures judiciaires ou administratives à l’étranger, sous réserve des mécanismes prévus par les accords ou traités internationaux, tels que la Convention sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou administrative (la Convention de La Haye) ou un traité d’entraide judiciaire. La législation sur la protection des données, en ce qu’elle peut interdire le transfert de données en dehors de l’Europe, pourrait également constituer un type de loi de blocage.

Il existe plusieurs lois sur le secret, en fonction des intérêts en jeu (par exemple, le secret bancaire, de sécurité et de défense, le secret médical, le secret des sources journalistiques ou le secret des affaires).

 

62.  Quels sont les risques liés à la production volontaire par rapport à la production forcée d’informations pour les autorités en France ? Ces informations peuvent-elles être découvertes par des tiers ? Y a-t-il une confidentialité attachée aux informations destinées aux forces de l’ordre ?

 

La production volontaire est limitée à des circonstances très spécifiques, à savoir lorsque les autorités étrangères sont impliquées ou qu’il existe un intérêt stratégique à le faire dans le cadre d’une enquête en cours.

L’ensemble des éléments produits est versé au dossier pénal et est accessible, dans des circonstances limitées, aux personnes mises en cause (mis en examen et témoins assistés) et aux parties civiles. Si les professionnels du droit sont tenus au secret professionnel, ils ne sont pas tenus au secret de l’instruction. Ils sont libres de partager les informations – et non les documents – du dossier avec leurs clients, qui peuvent ensuite les partager avec des tiers.

 

Poursuites judiciaires et sanctions

 

63.  Quels types de sanctions peuvent être infligés aux entreprises ou à leurs administrateurs, dirigeants ou employés en cas de faute en France ?

 

Les sociétés sanctionnées pour faute peuvent se voir infliger des amendes, le paiement d’une compensation civile aux victimes, le remboursement des bénéfices résultant de l’infraction, la dissolution, la publication de la sanction dans la presse et l’interdiction de postuler à un appel d’offres pour certaines infractions spécifiques.

Les personnes sanctionnées pour faute peuvent se voir infliger des amendes, une peine de prison, le paiement d’une compensation civile aux victimes ou l’interdiction d’exercer certaines fonctions de direction. Les administrateurs, dirigeants ou employés s’exposent également à des sanctions de la part de leur entreprise, y compris le licenciement.

Les audiences sont rarement à huis clos. Par conséquent, les entreprises et les individus font face au risque de voir leur identité divulguée dans la presse.

 

64.  Lorsqu’il existe un risque de suspension, d’exclusion ou d’autres restrictions à la poursuite des activités d’une entreprise en France, quelles options ou restrictions s’appliquent à une entreprise qui souhaite s’établir dans un autre pays ?

 

La directive européenne sur les marchés publics a été transposée en droit français, interdisant aux entreprises reconnues coupables d’infractions spécifiques (corruption, fraude, blanchiment d’argent, terrorisme ou détournement de fonds et de biens) de candidater à des marchés publics dans toute l’UE pour une durée de cinq ans – sauf si la décision de condamnation prévoit expressément une durée plus longue.

La loi française prévoit que les entreprises ne peuvent candidater aux marchés publics si elles ont été préalablement sanctionnées de manière définitive par un tribunal pour certaines infractions, à savoir la corruption, l’extorsion de fonds ou les atteintes à la probité.

 

65.  Quels sont les éléments pris en compte par les autorités en France pour fixer les sanctions ?

 

Le principe de la personnalisation des peines s’applique en France aux sociétés et aux personnes physiques.

Concernant l’amende prononcée par une CJIP (convention judiciaire d’intérêt public), les lignes directrices conjointes de l’AFA et du PNF (les lignes directrices AFA-PNF) précisent que l’amende doit refléter les profits illicites tirés par l’entreprise de l’infraction mais peut également avoir une dimension punitive. En ce qui concerne l’aspect punitif, les lignes directrices AFA-PNF prennent en compte la corruption d’un agent public, le fait que la personne morale entre dans le champ de l’obligation de la loi Sapin II, l’existence d’éventuelles condamnations ou sanctions pour des faits similaires, la tentative de dissimulation de l’infraction et le caractère répété, voire systémique de la corruption. Les gains de parts de marché ou de visibilité peuvent être pris en compte pour déterminer le montant de l’amende.

 

Résolution et règlements à l’amiable

 

66.  Des accords de non-poursuite ou de poursuite différée peuvent-ils être accordés aux entreprises ?

 

Le système juridique français ne prévoit pas d’accord équivalent.

La convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) existe et permet aux entreprises accusées de corruption, d’atteinte à la probité, de fraude fiscale ou d’atteinte à l’environnement de transiger. Cela implique une amende financière, sans constituer un aveu de culpabilité – ce qui permet aux entreprises de continuer à candidater à des marchés publics – sauf dans les cas faisant suite à une enquête.

 

67.  La juridiction en France prévoit-elle des restrictions en matière de déclaration ou d’anonymat pour les entreprises qui ont conclu des accords de non-poursuite jusqu’à la conclusion de la procédure pénale concernant les personnes liées, afin de garantir l’équité de ces procédures ?

 

Il n’y a pas de corrélation en droit français entre une transaction avec une société et les poursuites pénales à l’encontre des personnes physiques. Il n’y a donc pas de restrictions d’information ou d’anonymat pour les entreprises au-delà de la confidentialité des négociations de la transaction pénale.

Les lignes directrices conjointes de l’AFA et du PNF prévoient que les enquêtes internes menées par une entreprise poursuivie, et communiquées au procureur, ont également pour objet de déterminer les responsabilités individuelles.

 

68.  Avant tout règlement avec une autorité judiciaire en France, quelles sont les considérations dont les entreprises doivent tenir compte ?

 

Si une affaire est susceptible d’impliquer des juridictions étrangères, les entreprises doivent évaluer les conséquences de la reconnaissance de la culpabilité en France, notamment au regard du principe ne bis in idem.

Les entreprises doivent également garder à l’esprit que la signature d’un accord de plaider-coupable – à la différence d’une CJIP – équivaut à un aveu de culpabilité, ce qui les empêche de répondre à des appels d’offres publics.

 

69.  Dans quelle mesure les autorités judiciaires en France utilisent des consultants externes sur la conformité des entreprises comme un outil de contrôle de l’application de la loi ?

 

Les autorités judiciaires ne peuvent pas utiliser des consultants externes sur la conformité des entreprises comme un outil de contrôle, l’AFA étant le contrôleur de la conformité, qui a le monopole de la supervision des programmes de conformité des personnes morales qui ont signé une CJIP, conformément à la loi Sapin II.

Dans certains cas, les personnes morales ont recours à des experts (cabinets d’avocats, de comptables ou d’auditeurs) pour traiter les demandes de l’AFA.

 

70.  Des actions privées parallèles sont-elles autorisées ? Les victimes peuvent-elles avoir accès aux dossiers des autorités ?

 

Si les victimes présumées démontrent qu’elles en ont le statut juridique, elles seront autorisées à se joindre à la procédure pénale en tant que parties civiles et, à ce titre, elles auront accès au dossier pénal et pourront présenter des demandes d’actes d’enquête.

En outre, les victimes présumées peuvent ouvrir une enquête pénale en déposant une plainte officielle à cet effet.

Les parties privées n’ont normalement pas accès aux dossiers d’enquête détenus par les autorités administratives.

 

Publicité et problématiques

 

71.  La législation en France en matière de publicité des affaires pénales au stade de l’enquête et une fois que l’affaire est portée devant un tribunal.

 

Les enquêtes menées par un procureur ou un juge d’instruction sont secrètes.

Comme les mises en cause et les victimes ont accès au dossier pénal mais ne sont pas tenus au secret, il est parfois difficile de garder les communications et les informations confidentielles. Pour éviter des fuites d’informations incomplètes ou inexactes ou pour ne pas troubler l’ordre public, le procureur de la République peut, soit d’office, soit à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, communiquer sur des éléments objectifs de la procédure, sans porter d’appréciation sur les charges.

Les journalistes peuvent être présents et couvrir l’audience, mais les microphones et les caméras ne sont pas autorisés dans la salle d’audience. Les mises en cause et les victimes sont libres de faire des déclarations dans les limites de la liberté d’expression.

 

72.  Quelles mesures prenez-vous pour gérer la communication d’une entreprise en France ? Est-il courant que les entreprises fassent appel à une société de relations publiques pour gérer une crise ?

 

Il est courant de préparer des communiqués de presse, des stratégies de communication et de gestion de crise et, le cas échéant, de faire appel à des cabinets de relations publiques. Le porte-parole est souvent un avocat qui s’occupe de l’affaire, surtout lorsque des personnes physiques sont impliquées.

 

73.  Comment la publicité est-elle gérée lorsque des procédures connexes sont en cours ?

 

La publicité fait partie de la stratégie globale, notamment dans les affaires très médiatisées qui attirent l’attention du monde politique et qui ont de nombreuses parties civiles.

 

Obligations envers le marché

 

74.  La divulgation au marché est-elle obligatoire lorsqu’un accord a été conclu mais n’a pas encore été rendu public ?

 

Il n’existe aucune circonstance dans laquelle un règlement judiciaire pourrait être conclu à titre privé. Les CJIP (accords judiciaires d’intérêt public) et les accords de plaider-coupable proposés par les procureurs sont officiellement approuvés par les juges lors d’une audience publique. De plus, les CJIP sont publiées sur le site de l’AFA.

Il n’y a pas d’obligation de divulguer au public les accords conclus avec les autorités administratives.

 

Gouvernance environnementale, sociétale de l’entreprise (ESG)

 

75.  La France réglemente-t-elle les questions ESG ?

 

Partiellement. La loi française sur le devoir de vigilance (promulguée en 2017) impose aux grandes entreprises (comptant 5 000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde) d’établir, de publier et de mettre en œuvre un plan de vigilance dans le but d’identifier et de prévenir les atteintes graves aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales résultant des activités de la société, de celles de ses filiales, de ses sous-traitants et de ses fournisseurs, ou d’entités avec lesquelles l’entreprise entretient des relations commerciale établies.

 

76.  Vous attendez-vous à voir apparaître des changements réglementaires ou législatifs majeurs au cours de l’année à venir pour traiter les questions ESG ?

 

Il pourrait y avoir des développements au niveau européen étant donné que, le 23 mars 2022, la Commission européenne a dévoilé une proposition de directive sur le devoir de diligence, dont l’objectif est de promouvoir un comportement durable et responsable des entreprises. Cette proposition de devoir de vigilance vise à atténuer les effets négatifs des activités économiques menées par les entreprises sur les droits de l’Homme et l’environnement. Elle obligerait les entreprises à d’adopter une stratégie de diligence raisonnable et de cartographie des risques.

 

77.  Y a-t-il eu une augmentation du nombre de litiges, d’enquêtes en lien avec les lois liées à l’ESG ces dernières années en France ?

 

Jusqu’à présent, quelques affaires ont été portées devant les tribunaux en vertu de la loi sur le devoir de vigilance. À cet égard, en raison de l’absence d’organisme public jouant le rôle de régulateur, l’application de la loi est assurée par quelques organisations non gouvernementales proactives (ONG). Un cas notable concerne Total, qui a été poursuivi par des ONG pour son absence de plan de vigilance que l’entreprise est tenue d’établir en vertu de la loi sur le devoir de vigilance.

Cependant, les incertitudes quant au contenu de la loi et les questions procédurales de compétence font qu’il est encore difficile d’évaluer l’impact de la loi sur les entreprises.

 

Développements prévus

 

78.  Pensez-vous que des changements réglementaires ou législatifs importants se produiront au cours de l’année à venir pour lutter contre les comportements répréhensibles des entreprises ?

 

La France est proactive – diverses publications indiquent des modifications réglementaires et législatives pour les années à venir.

L’évaluation de l’efficacité de la loi Sapin II par une commission dirigée par deux parlementaires, qui a donné lieu à un projet de loi déposé au Parlement en novembre 2021, confirme la volonté de la France de lutter efficacement contre la corruption et l’importance primordiale, au niveau international, du PNF. Bien que le projet de loi soit pour l’instant écarté, les recommandations de la Commission européenne et ce projet de loi ont pour objectif de restaurer la souveraineté française et européenne et de protéger les entreprises. Elle fournit des recommandations pour renforcer le cadre juridique français applicable aux procédures étrangères visant des entreprises françaises, notamment en renforçant la loi française de blocage, en introduisant le privilège juridique pour les juristes d’entreprise et en protégeant les données contre le Cloud Act américain en prévoyant des amendes similaires à celles applicables aux violations du règlement général sur la protection des données (RGPD).

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Actualisation par le PNF des lignes directrices sur la mise en œuvre de la convention...
Le parquet national financier a publié en janvier 2023 ses nouvelles lignes directrices sur la convention judiciaire d’intérêt public, lesquelles...