En octobre 2018, le Parquet national financier (PNF) a été saisi d’une plainte décrivant un système de fraudes d’arbitrages aux dividendes connus sous les noms de CumCum et CumEx. Le schéma classique était le suivant : un actionnaire non-résident, normalement redevable d’une retenue à la source (RAS) de 25 % sur les dividendes distribués par une société française, transfère temporairement ses actions à une institution financière française et donc exonérée de RAS. Cette institution restitue ensuite contre rémunération, les actions après le détachement du dividende, permettant à l’investisseur étranger d’échapper à l’imposition.
En 2001 et 2017, ces pratiques auraient causé un préjudice fiscal estimé à 55 milliards d’euros pour les États européens.
En 2020, le PNF a sollicité des précisions auprès de l’administration fiscale française concernant les contrôles en cours. En novembre 2021, la DVNI (Direction des vérifications nationales et internationales) a confirmé l’existence d’opérations liées au CumCum, impliquant notamment Crédit Agricole CIB (CACIB). Dans le cadre d’un règlement global en 2021 et de deux propositions de rectification émises en 2025, CACIB a versé 46 millions d’euros à l’administration fiscale française pour les exercices 2015, 2017 et 2019 à 2021.
En décembre 2021, sur la base de ces informations, le PNF a saisi le Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF, devenu ONAF), ouvrant une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée. CACIB a adopté une posture coopérative, lançant une enquête interne supervisée par un conseil externe et son inspection générale. Les résultats ont été transmis au parquet en septembre 2025.
L’enquête a confirmé que les transactions CumCum étaient largement pratiquées sur les salles de marché, notamment au sein des équipes spécialisées en produits dérivés et en financement d’actions. Bien que l’essentiel de l’activité d’intermédiation du desk « Equity Finance » réponde à des besoins légitimes de couverture et de financement, certaines opérations correspondaient clairement à des arbitrages de dividendes. Ces transactions se distinguaient principalement par leur tarification « all-in », démontrant à la fois l’évitement de la RAS par des non-résidents et la rémunération perçue par la banque.
Aucune politique systématique de démarchage de clients n’a toutefois été relevée. Par ailleurs, à la suite de nouvelles dispositions fiscales introduites en 2019 et des contrôles fiscaux ultérieurs, CACIB a renforcé son dispositif interne de conformité, ce qui a considérablement réduit ces pratiques.
Les autorités judiciaires ont néanmoins conclu qu’entre 2013 et 2022, la banque avait facilité des opérations constituant un blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée. Reconnaissant les faits, sans toutefois admettre sa responsabilité pénale, CACIB a conclu une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Ce mécanisme permet à une personne morale de mettre fin à des poursuites pénales en versant une amende d’intérêt public, sans qu’il y ait condamnation ou reconnaissance de culpabilité.
Dans le cadre de la CJIP, CACIB s’est engagée à verser 88,25 millions d’euros, répartis comme suit :
- 49,03 millions d’euros correspondant aux revenus générés par les opérations litigieuses,
- 39,22 millions d’euros à titre de sanction punitive.
Le PNF a souligné la coopération active de la banque et les mesures correctives mises en place pour renforcer le contrôle des activités de prêt-emprunt de titres. La CJIP précise que l’accord ne constitue pas une condamnation pénale et n’implique aucune reconnaissance de culpabilité de la part de CACIB.