Analyse
8 novembre 2024

Conseils de l’AFA pour la mise en œuvre des indicateurs anticorruption dans le cadre de la Directive CSRD

La Directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), transposée en droit français en décembre 2023, impose de nouvelles obligations de transparence extra-financière pour les entreprises. Dès 2025, certaines devront inclure dans leur reporting extra-financier des indicateurs précis sur leurs mesures de prévention et de lutte contre la corruption. Pour accompagner cette mise en conformité, l'Agence Française Anticorruption (AFA) a publié le 16 octobre 2024 une présentation visant à faciliter le reporting des indicateurs anticorruption par les entreprises.

 

La Directive Corporate Sustainability Reporting Directive, dite Directive CSRD[1], transposée en droit français en décembre 2023[2], a introduit de nouvelles obligations en matière de transparence extra-financière pour un grand nombre d’entreprises françaises (voir notre article Transposition de la directive CSRD : nouvelles obligations de reporting en matière de durabilité pour les entreprises françaises pour plus de détails).

Ainsi, dès 2025 et de manière progressive jusqu’en 2028 selon les entreprises[3], nombreuses d’entre elles seront appelées à rendre publics les résultats de leurs nouvelles obligations, dont celles relatives à des indicateurs anticorruption, au sein de leur reporting extra-financier (I).

Afin d’accompagner les entreprises dans cette mise en conformité, l’Agence Française Anticorruption (AFA) a publié une présentation le 16 octobre 2024 comprenant un ensemble de conseils destinés à aider et encourager les entreprises qui ne disposent pas de politique de lutte contre la corruption à adopter des mesures adaptées à cet effet[4] (II).

 

I. De nombreuses entreprises françaises devront dès 2025 effectuer un reporting en matière de durabilité incluant des informations sur leur politique anticorruption

 

L’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023, transposant la Directive CSRD, impose aux entreprises qui entrent dans son champ d’application d’inclure, au sein d’une section distincte de leur rapport de gestion, des informations en matière de durabilité, c’est-à-dire des informations qui “permettent de comprendre les incidences de l’activité de la société sur les enjeux de durabilité, ainsi que la manière dont ces enjeux influent sur l’évolution de ses affaires, de ses résultats et de sa situation”, les enjeux de durabilité comprenant les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernement d’entreprise (ESG)[5].

Le détail des informations en matière de durabilité à publier est défini par le décret n°2023-1394 du 30 décembre 2023 pris en application de l’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023[6] et sur la base de normes européennes harmonisées, les European Sustainability Reporting Standards ou ESRS, auxquelles il fait référence. Ces normes ont été définies par le Règlement délégué (UE) n°2023/2772 de la Commission du 31 juillet 2023 en ce qui concerne les indicateurs trans-sectoriels et seront complétés par d’autres normes, en cours de rédaction, pour ce qui est des indicateurs sectoriels et propres à certaines entités[7].

Au nombre des normes d’ores et déjà définies par le Règlement délégué (UE) n°2023/2772, la norme ESRS G1 relative à la gouvernance et plus particulièrement à la conduite des affaires prévoit le reporting de différents indicateurs anticorruption. A titre d’exemples, parmi ces indicateurs, les entreprises devront désormais publier les mécanismes qu’elles ont mis en place pour identifier, signaler et examiner les préoccupations relatives aux comportements illicites[8], décrire les fonctions internes les plus exposées aux risques de corruption[9], fournir des informations sur les cas de corruption ou versements de pots-de-vin découverts et indiquer l’issue donnée en interne[10], ou encore décrire le système de prévention et détection des cas de corruption et pots-de-vin, ce qui inclue des informations sur les formations déployées pour les salariés[11].

Jusqu’à présent, seules les entreprises de plus de 500 salariés ou appartenant à un groupe de plus de 500 salariés, générant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros et établies en France, étaient soumises aux exigences de l’article 17 de la loi Sapin II imposant la mise en place de dispositifs de prévention et de lutte contre la corruption et le trafic d’influence[12].

Or, désormais, de nombreuses entreprises jusqu’alors non concernées par ces obligations devront se conformer aux exigences de reporting prévues par la Directive CSRD en matière d’anticorruption, cette dernière disposant d’un champ d’application plus large que la loi Sapin II[13]. C’est pour cette raison que l’AFA a publié des conseils au sein d’une présentation du 16 octobre 2024 afin “d’aider les entreprises qui ne passent pas [les seuils de la loi Sapin II] à remplir leurs obligations de reporting anticorruption au titre de la Directive CSRD en mettant en œuvre progressivement un dispositif de conformité adapté”[14].

 

II. L’AFA a publié des conseils aux entreprises visées par les nouvelles obligations de la Directive CSRD qui ne disposeraient pas de politique anticorruption

 

L’AFA, faisant le lien entre le reporting en matière de durabilité prévue par la Directive CSRD ainsi que les dispositifs anticorruption prévues par la loi Sapin II[15], incite les entreprises à mettre en place un programme de lutte contre la corruption en huit mesures, qui viendrait faciliter le reporting des indicateurs anticorruption auxquelles elles sont assujetties et qui aurait aussi des bénéfices internes et externes plus larges, tels qu’une meilleure défense en cas de poursuites judiciaires[16] ou encore des facilitations pour un octroi de financement ou un meilleur positionnement concurrentiel[17].

Les huit mesures prévues par l’AFA sont les suivantes :

  • Une cartographie des risques de corruption et de trafic d’influence[18];
  • Un code de conduite[19];
  • Des actions de sensibilisation et de formation[20];
  • Une évaluation de l’intégrité des tiers[21];
  • Un dispositif d’alerte anticorruption[22];
  • Des contrôles comptables anticorruption[23];
  • Un contrôle et une évaluation du dispositif anticorruption[24];
  • Un régime disciplinaire permettant à l’instance dirigeante de prononcer des sanctions adaptées en cas de comportements contraires au code de conduite[25].

Avant de détailler ces huit mesures, l’AFA insiste sur l’engagement de l’instance dirigeante et souligne qu’il s’agit d’un préalable nécessaire à la réussite de tout dispositif anticorruption. Elle remarque ainsi le rôle central du dirigeant, qui se doit d’initier et de porter les mesures anticorruption, d’assurer leur mise en œuvre et leur respect au sein de l’entreprise et d’allouer les moyens nécessaires à l’application des mesures de prévention[26].

Pour chacune de ces huit mesures, ainsi que pour le préalable nécessaire concernant l’engagement de l’instance dirigeante, l’AFA prévoit des fiches qui expliquent succinctement la notion qu’elles renferment, qui listent les références utiles déjà existantes venant compléter sa présentation auxquelles peuvent se référer les entreprises, telles que les Recommandations de l’AFA ou le Guide pratique anticorruption à destination des PME et des petites ETI, et qui listent les indicateurs des normes ESRS visées par ces dispositifs.

 

En conclusion, cette présentation de l’AFA constitue un support synthétique et pédagogique utile pour les entreprises qui seront désormais tenues de mettre en place des mesures anticorruption en vertu de la Directive CSRD, dans un contexte où les obligations sociétales des entreprises ne cessent de se multiplier et peuvent s’avérer complexes.

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