Dans ce second épisode, nous allons nous consacrer à la consécration donc de l’enquête interne et de la conformité.
Nous avons évoqué l’origine de l’enquête interne et son utilité en matière pénale. La consécration de l’enquête interne et la conformité en France est la résultante d’une nécessité pratique pour les entreprises françaises, mais aussi de la manifestation d’une volonté politique. En réalité, les outils sont venus par la loi Sapin II, nous allons en parler maintenant, sous la pression à la fois de l’OCDE, mais aussi en réalité du caractère extraterritorial des poursuites étasuniennes. Dès lors, il s’est agi de reprendre un peu de souveraineté judiciaire et de nous armer des mêmes outils permettant justement des accords entre des personnes morales et les magistrats dans l’intérêt de permettre à la personne morale qui le souhaite de faire amende honorable et à la justice de mettre un terme de façon efficace à une situation délictuelle.
Ainsi, la loi Sapin II, qui avait pour ambition de porter la législation française aux meilleurs standards européens et internationaux en matière de lutte contre la corruption, a créé la procédure négociée de résolution des litiges pénaux : la CJIP.
Cette CJIP nécessite une coopération de l’entreprise qui y aspire. C’est une condition nécessaire de sa mise en œuvre par le biais d’une enquête interne, nous l’avons vu. Elle suppose aussi une mise en conformité, condition nécessaire pour la levée de la sanction de conformité et de l’absence de poursuites. Dans le cas où cette mise en conformité n’était pas suffisante, la loi Sapin II, comme nous le verrons, prévoit un monitorship de l’Agence Française anti-corruption.
Enfin, la loi Sapin II impose donc la mise en place de programmes de conformité pour les entreprises. Les entreprises employant au moins 500 salariés ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère à son siège social en France et dont l’effectif comprend au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros.
Qu’est-ce qu’elles doivent faire ? Qu’est-ce que c’est qu’une mise en conformité ? Il y a des indications, il y a des suggestions, il y a des recommandations, il y a beaucoup de softlaw, comme on dit en bon français du « droit mou » ou du « droit souple ».
Mais en réalité cela recoupe un certain nombre de pratiques dans lesquelles chacun se retrouve à peu près. Un code de conduite, de bonne conduite, un système d’alerte interne à partir de 50 salariés, et comme nous le verrons avec l’application de la directive européenne sur le lanceur d’alerte, le prisme des systèmes d’alerte va être étendu.
Une cartographie des risques, c’est la personne morale qui est la plus à même d’identifier où sont ces risques, où est-ce que l’argent peut le plus facilement sortir, pour être utilisé de façon néfaste. Où est-ce que le Pays va avoir des règles de fonctionnement promouvant ou en tout cas ne permettant pas de limiter la corruption et donc le risque pour la personne morale.
Il va falloir aussi avoir des procédures d’évaluation des tiers, de la situation des clients, des fournisseurs, pour s’assurer que l’on reste bien dans le cadre de la loi. Il va s’intéresser à la fois aux fournisseurs de premier rang et aux intermédiaires, aux procédures de contrôle comptable. On va aller chercher les outils de la comptabilité pour identifier tous les paiements inhabituels, tous les chiffres ronds, tous les paiements qui n’ont qu’une seule itération, les paiements qui sont faits vis-à-vis de tiers en une seule fois plutôt qu’en plusieurs versements, les procédures internes ou externes, le dispositif de formation pour s’assurer que les cadres et le personnel, en tout cas ceux qui sont le plus exposés, reçoivent les bonnes informations quant à leurs obligations, le régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés de la société en cas de violation du code de conduite, et enfin un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre. Donc il y a une foule d’éléments de mesure avec comme élément principal en réalité la cartographie des risques puisque c’est cela qui va permettre à un éventuel tiers, à un magistrat, à une autorité de poursuite ou de régulation d’aller directement là où le sujet était potentiellement le plus problématique.
Donc cette volonté politique, j’en parlais créée de nombreuses applications et quelque part un retournement de la charge de la preuve. C’est aux entreprises de démontrer qu’elles ont fait le nécessaire, donc c’est à la fois un regain de souveraineté, mais aussi une volonté de protéger les entreprises françaises fassent aux pratiques de poursuites américaines. Et c’est ce qu’a souligné d’ailleurs le député Raphaël Gauvin dans son rapport, qui a su expliquer que les entreprises françaises étaient bien souvent dans une situation de désarroi face à une poursuite étrangère puisque justement, elles n’avaient pas en place tout ce qui pouvait être attendu d’elles. C’est pour ça qu’il a demandé dans son rapport une plus grande application de la loi de blocage.
Qu’est-ce que c’est que la loi de blocage ? C’est une loi qui contraint le recours, soit aux traités applicables, soit au concours des autorités françaises dans le cadre de la coopération à l’étranger. Et donc, il recommande dans son rapport, je le disais l’application de la loi de blocage, et enfin les outils nécessaires et l’utilisation des outils nécessaires, dont la CJIP dont je parlais, la justice négociée étant donc une façon de protéger nos entreprises.
Protéger toujours, c’est-à-dire savoir identifier pour pouvoir corriger. C’est la consécration de l’enquête interne et de la conformité en France c’est aussi la résultante d’une évolution des mentalités, d’une prise de conscience des entreprises qu’elles sont besoin d’un « business » propre. Si elles veulent pouvoir recruter sur la base de valeurs, fidéliser sur la base de valeurs, leurs salariés, les consommateurs, et bien elles doivent chercher à prévenir autant que possible. À défaut de pouvoir apporter une garantie de résultat, on a une garantie de moyens attendue, c’est-à-dire qu’on a mis en œuvre tout ce que l’on pouvait pour prévenir.
Alors que l’enquête interne a été importée en France comme un outil de coopération et de défense face aux autorités de poursuite étrangères, elle s’est en réalité développée comme un dispositif d’évaluation d’une situation potentiellement déviante d’appréciation des risques que cette situation faisait courir à la société et identification des mesures correctives à mettre en œuvre pour éviter la réitération ou le renouvellement d’une situation similaire.
Dès lors, le prisme des domaines de l’enquête interne connaît peu de limites.
Aujourd’hui enquête interne et conformité sont les indispensables, des outils de gestion du risque, de valorisation de l’entreprise et de ses moyens de production.
Des outils de valorisation donc, de prospérité, et de sécurité pour les investisseurs. Voilà la consécration de l’enquête interne et de la conformité, à peu près, tous les domaines, avec l’avocat et son indépendance comme fer de lance, comme bouclier comme garantie.
À la semaine prochaine.