Analyse
13 janvier 2021

Le Congrès américain adopte l’Anti-Money Laundering Act 2020 renforçant les dispositifs américains de lutte contre le blanchiment

Julie Zorrilla, Princessa Fouda et Martin Méric mettent en lumière le renforcement de la législation américaine en matière de lutte contre le blanchiment.

 

Outrepassant le véto présidentiel de Donald Trump, le Congrès américain a définitivement adopté le 1er janvier 2021 l’Anti-Money Laundering Act (“AMLA”), nouvelle loi fédérale relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette loi crée, notamment, un registre centralisant l’ensemble des bénéficiaires effectifs des sociétés américaines et étrangères déclarés et améliore la protection des lanceurs d’alerte. Plus encore, elle étend les pouvoirs des autorités de poursuite étasuniennes leur accordant le droit de saisir l’ensemble des données des institutions bancaires étrangères et renforce l’effectivité du Bank Secrecy Act de 1970. Il s’agit de la réforme américaine la plus significative en matière de lutte contre le blanchiment de ces dernières années.

 

***

 

I. L’AMLA oblige les sociétés américaines ou ayant enregistré leurs activités aux Etats-Unis à déclarer leurs bénéficiaires effectifs

En vue de lutter contre l’anonymat des sociétés fictives, propice à la fraude et à la corruption, l’AMLA crée un registre fédéral qui rassemble des informations précises sur les bénéficiaires effectifs des sociétés [1]  et tenu par le bureau Financial Crimes Enforcement Network (“FinCen”) du Département du Trésor des États-Unis, équivalent américain de Tracfin [2] .

L’AMLA exige dorénavant des sociétés américaines et étrangères ayant enregistré leur activité aux Etats-Unis [3], qu’elles identifient et reportent auprès du FinCen des informations précises sur l’ensemble de leurs bénéficiaires tels que leurs noms, leurs dates de naissance ou encore leurs adresses [4]. Les bénéficiaires effectifs d’une société sont entendus par l’AMLA comme les personnes physiques (i) possédant ou contrôlant 25 % de la société ou (ii) exerçant un contrôle substantiel de cette société [5].

En cas d’absence de déclaration ou de déclaration erronée, l’AMLA prévoit le prononcé d’une amende de 10.000 $ et/ou deux ans d’emprisonnement [6].

Le registre des bénéficiaires effectifs sera accessible aux agences américaines de sécurité nationale, de régulation, de renseignement et aux autorités de poursuites pénales pour les besoins de leur propre enquête. Plus encore, ce registre sera également accessible à certaines autorités étrangères lorsque cela est prévu par un texte international ou, au cas par cas, dans le cadre d’une demande officielle. Enfin les institutions financières soumises aux obligations de connaissance de leurs clients peuvent également accéder à ces informations[7] .

 

II. L’AMLA étend les pouvoirs de saisie des autorités de poursuites étasuniennes à l’ensemble des données des institutions bancaires étrangères limitant pour ces dernières la possibilité d’arguer de leurs règles nationales de confidentialité

L’AMLA a étendu les pouvoirs d’instruction du Department of Justice (“DOJ”), ainsi que ceux du Secretary of the Treasury, lesquels peuvent désormais tous deux saisir et enjoindre les institutions bancaires étrangères à communiquer les données bancaires de tous leurs comptes, même localisés à l’étranger[noe]Anti-Money Laundering Act, §6308 (“Le Secretary of the Treasury ou l’Attorney General peut délivrer une injonction à toute banque étrangère qui possède un compte auprès d’un correspondant aux États-Unis et demander tout document relatif au compte du correspondant ou à tout compte auprès de la banque étrangère, y compris les documents conservés en dehors des États-Unis”), traduction libre.[/note], lorsque ceux-ci font l’objet notamment d’une enquête pénale américaine ou d’une procédure de confiscation civile [8].

Pour garantir une pleine efficacité de l’AMLA, l’invocation des règles nationales de confidentialité par les banques étrangères auxquelles il est demandé communication de données bancaires ne pourra constituer la base exclusive d’un refus[9] . Ainsi, les banques françaises ne pourront pas se prévaloir uniquement de leur secret bancaire [10], ni la loi de blocage française du 26 juillet 1968 [11]  pour s’opposer à une demande de communication de données qui leur serait enjointe par les autorités américaines compétentes.

En cas de refus de communication, l’AMLA accorde au surplus la possibilité à l’autorité de poursuite de solliciter auprès de la juridiction en charge de l’enquête le prononcé d’une sanction à l’encontre de la banque étrangère réfractaire. Cette sanction peut alors prendre la forme par exemple d’une interdiction imposée aux banques étasuniennes de poursuivre leurs relations d’affaire avec cette banque étrangère [12].

 

III. L’AMLA renforce les dispositifs d’incitation et de protection des lanceurs d’alerte

L’AMLA renforce la protection des lanceurs d’alerte en matière de lutte contre le blanchiment. Ces derniers sont ainsi définis comme toute personne ou groupe de personnes qui fournit toute information relative à une violation des dispositions du Bank Secrecy Act ou à des faits de blanchiment à leur employeur ou aux autorités de poursuites [13].

L’AMLA prévoit, pour ces derniers, une rétribution financière à l’image de ce qui existe déjà en matière de corruption par exemple ou une rétribution peut leur être versée par la Securities and Exchange Commission en cas de dénonciation de faits de corruption commis à l’étranger en violation du Foreign Corrupt Practices Act [14]. Pour la dénonciation de faits de blanchiment, les lanceurs d’alerte peuvent désormais recevoir jusqu’à 30 % du montant des sanctions prononcées excédant 1.000.000 $ [15]. Au surplus, leurs employeurs ne peuvent pas prononcer à leur égard de mesures disciplinaires [16].

 

IV. L’AMLA étend la portée et renforce l’effectivité du Bank Secrecy Act

L’AMLA étend aux acteurs du commerce d’œuvres d’art et à celui des crypto-monnaies, les obligations prévues par le Bank Secrecy Act de 1970, lequel impose de déclarer toute transaction suspecte en lien avec une éventuelle violation de la loi [17] ou encore de conserver pendant cinq années un registre décrivant chaque demande ou instruction reçue ou donnée concernant toute transaction résultant d’un transfert de devises étrangères [18].

L’AMLA renforce également les sanctions prévues pour l’ensemble des entités soumises au Bank Secrecy Act, en cas de violation de ces dispositifs. Ces entités risquent alors une amende, laquelle sera d’autant plus lourde si les violations sont répétées, ou encore une interdiction de siéger comme administrateur d’une institution financière [19].

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