Publication
24 septembre 2020

Contribution à la Lettre des Juristes d’Affaires n°28 – le secret professionnel aujourd’hui

Stéphane de Navacelle interviewé par Anne Portmann dans la Lettre des Juristes d’Affaires n°28, dans un article concernant le secret professionnel avocat-client aujourd’hui, aux côtés de Vincent Nioré (Nioré Avocats), François Saint-Pierre (François Saint-Pierre Avocats) et Nicolas Tollet (Hugues Hubbard & Reed LLP).

 

« Lors des perquisitions, il faudrait donner à la Justice les moyens de faire des contrôles et de faire le tri […] C’est faire fausse route que de penser qu’une enquête interne sert à trouver des preuves pour les détruire avant une perquisition […] Il y a – il est vrai – un effort de pédagogie nécessaire à l’égard des confrères sur les fonctions de l’enquête interne »

 

Extrait de l’interview :

 

A l’international

En France, le Conseil Constitutionnel a jugé que le secret de l’avocat n’avait pas valeur constitutionnelle. Dans l’arrêt Michaud c/France, du 6 décembre 2012, la CEDH a également refusé la protection de la Convention au secret, admettant même sa violation, tant qu’il ne conduisait pas à l’auto-incrimination de l’avocat. Pour, Stéphane de Navacelle, avocat à Paris et à New-York, estime qu’au plan international, le pays des droits de l’Homme devrait donner de la voix sur ce sujet essentiel de la défense de la confidentialité des échanges. « Les français ont la légitimité et une vraie crédibilité, une carte à jouer sur le marché international. Il faut soit renforcer le secret professionnel de l’avocat, soit supprimer la responsabilité pénale des entreprises » , résume-t-il, constant que même dans la sphère de la défense pénale, surtout celle des affaires, la confidentialité des échanges n’est qu’un tigre de papier. Il souligne qu’au plan international, le secret de l’avocat est souvent considéré comme le dernier refuge des pratiques criminelles qu’il faut donc tout faire pour briser. « La Banque mondiale estime ainsi que sans secret professionnel, il n’y aurait pas de corruption et l’OCDE fait écho, considérant également que sans secret professionnel, il n’y a pas de blanchiment ».

 

Pénurie de moyens

Comme bien souvent en matière de justice, la question pourrait se réduire à celles des moyens. « Lors d’une formation commune entre magistrats, avocats et juristes d’entreprise, les premiers ont déclaré que si le secret professionnel fonctionnait comme le voudraient les avocats, il faudrait doubler le nombre de magistrats professionnels. Ils ont prédit qu’il faudrait notamment 10 fois plus de JLD pour contrôler les saisies lors des visites et des perquisitions » , se souvient Stéphane de Navacelle. Il poursuit : « Lors des perquisitions, il faudrait donner à la justice les moyens de faire des contrôles et de faire du tri, dès la saisie de documents, que ce soit chez l’avocat ou chez le client et d’interdire la saisie des échanges confidentiels ».

 

L’éducation à la culture du secret

Pour Stéphane de Navacelle, « en France, on a longtemps considéré que le risque juridique était nul eu égard au faibles poids économique des exportations, et à la faiblesse des sanctions : peu d’amendes, peu de condamnations, jamais d’incarcération pour un délit boursier. Mais les choses ont changé. Le premier devoir du directeur juridique est aujourd’hui d’éduquer le chef d’entreprise à la discipline du secret et du silence. Il n’est pas possible de diriger une entreprise, même de taille modeste, sans être rompu à cette culture ». Les enjeux en matière de secret des affaires et la protection contre l’espionnage privé, de plus en plus prégnants, sont sans doute la voie pour sensibiliser les entreprises à la confidentialité. « J’utilise beaucoup plus les services des coursiers, les réunions physiques » , témoigne Stéphane de Navacelle, qui incite ses clients à faire de même.

 

L’avocat enquêteur interne, quel secret ?

Stéphane de Navacelle ajoute : « C’est faire fausse route que de penser qu’une enquête interne sert à trouver des preuves pour les détruire avant une perquisition, comme cela a pu m’être expliqué par des enquêteurs ou suggéré par procureurs. Il y a – il est vrai – un effort de pédagogie nécessaire à l’égard des confrères sur les fonctions de l’enquête interne ». Il estime à cet égard que la vertu cardinale de l’avocat est aussi son indépendance, quoi lui permettre de s’affranchir, non pas du secret professionnel, mais de ce qui lui est dicté par le client. Si l’avocat enquêteur peut être en désaccord avec son client, il doit s’abstenir de produire un rapport qui induirait en erreur. Selon lui, l’avocat enquêteur qui décèle un problème grave chez un client, doit pouvoir être suffisamment indépendant pour inclure ces éléments ou des correctifs dans le rapport.

« En France, lors des perquisitions, les magistrats décident souvent que les documents relatifs à une enquête interne ne sont pas couverts par le secret car celle-ci peut être conduite par une autre personne que par un avocat » observe Stéphane de Navacelle.

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