Sur fond de RSE et de conformité, la pratique des enquêtes internes existe depuis plusieurs années, alors que certains avocats estiment que ce n’est pas leur rôle de mener des investigations et de recueillir des preuves et que cela serait même incompatible avec les règles relatives au secret professionnel. Les initiatives se multiplient pour nuancer ces affirmations et alors que le barreau de Paris poursuit son encadrement de la pratique en modifiant le RIBP, le CNB a choisi, concomitamment, une approche plus pédagogique. Analyse des deux textes.
UN VADEMECUM RÉDIGÉ PAR LE BARREAU DE PARIS
Le Barreau de Paris a publié fin mai un vademecum de l’avocat chargé d’une enquête interne.
Ce document adopté en septembre 2019, modifié en décembre 2019, est maintenant l’annexe XXIV du RIBP
(Règlement Intérieur du Barreau de Paris). Il a donc valeur normative et s’impose à tous.
En 2016, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris a posé les premières lignes directrices, en les annexant au Règlement Intérieur du Barreau de Paris, et mis en œuvre les prémisses d’une réglementation nécessaire » (Introduction du Rapport sur ce vademecum de Basile Ader et Stéphane de Navacelle). Dès cette époque, les enquêtes internes aux entreprises se sont multipliées, dans le secteur bancaire, en droit de la concurrence, ou en droit du travail. Et l’Ordre de Paris a très vite pris la mesure du rôle spécifique de l’avocat. Avec ce premier texte de 2016, l’Ordre évaluait qu’environ 300 avocats étaient concernés en 2017 par ce type de mission. Ce nombre n’est pas si anodin, surtout comme cette proportion n’a cessé d’augmenter depuis, avec la mise en place de la loi Sapin 2. « Un nouveau marché émerge », évoquent alors certains professionnels. Parallèlement à l’évolution législative, les questions pratiques et les problématiques disciplinaires autour de l’avocat enquêteur n’ont cessé de se poser à l’Ordre. Encore aujourd’hui, de nombreuses procédures disciplinaires sont en cours, principalement autour des notions de secret professionnel et de conflit d’intérêts. Les notions de « lanceur d’alerte », « CJIP », « AFA », « compliance » ont considérablement apporté à la mise en lumière de cet avocat. À tel point qu’on s’est demandé si cet « avocat investigateur » (D. Soulez-Larivière) et « collecteur de preuves et d’informations » (D. Jensen) était légitime. Le comité d’éthique du Barreau de Paris s’est prononcé positivement le 4 décembre 2018 sous le prisme la Loi Sapin 2 : cet avocat est bien un avocat. Il change certes de nature quand il doit, au-delà de la défense et du conseil classique, trouver une solution négociée, dialoguer avec des autorités (de contrôle et de poursuite) ou mener une enquête pour son client. Bref c’est un avocat qui ajoute des missions dans son escarcelle, un avocat augmenté, mais toujours soumis à sa déontologie avec laquelle il n’est pas en contradiction.
Qu’est-ce qu’un avocat enquêteur ?
C’est tout l’intérêt du vademecum parisien : en peu d’articles, à la rédaction claire et ramassée, il a défini très simplement ce qu’est cet avocat. Il rappelle les règles et précise certaines situations. Il donne aussi des clés pour réfléchir les cas les plus complexes. La combinaison de ces différents articles fait aussi de cet avocat un stratège qui doit penser sans cesse sa place. Avec dix articles resserrés, ce texte met en lumière comment le professionnel doit affirmer ses principes déontologiques et éthiques : utiliser son secret, évaluer les conflits d’intérêts, mieux se positionner vis-à-vis des tiers, réaffirmer son indépendance. L’article 1 confirme que cet avocat à la situation plus complexe applique
La Lettre des Juristes d’Affaires n° 1451 – 6 juillet 2020