La loi “Sapin 2” du 9 décembre 2016 a bouleversé les pratiques de nombreuses entreprises françaises en leur imposant, préalablement à chaque entrée en relation commerciale ou lors de la survenance de certains évènements, de procéder à une évaluation des tiers afin d’analyser leur niveau d’exposition au risque de corruption. Cette évaluation doit se fonder notamment sur une cartographie des risques élaborée par l’entreprise et qui consiste en un document régulièrement actualisé et regroupant l’identification, l’analyse et la hiérarchisation des risques d’exposition de la société à des sollicitations externes aux fins de corruption, couvrant notamment les différentes entités commerciales et zones géographiques dans lesquelles la société exerce son activité[1].
Afin d’accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de leur dispositif anti-corruption, l’Agence française anticorruption (AFA) émet de nombreuses recommandations et procède à des analyses relatives aux comportements adoptés par les différents acteurs sur le marché. En 2022, il ressortait de l’une de ces études que 59% des entreprises interrogées considéraient que l’évaluation des tiers était la mesure du dispositif anticorruption la plus difficile à mettre en œuvre[2]. Soucieuse d’apporter des réponses sur ce sujet, l’AFA a diffusé en 2023 un questionnaire tendant au recueil des bonnes pratiques des entreprises dans la mise en place d’un dispositif d’évaluation des tiers ainsi qu’à l’identification des éventuelles difficultés rencontrées à cette occasion, cela afin d’émettre des recommandations en la matière dans une nouvelle publication à venir[3].
Il ressort des réponses collectées que 31,3% des entreprises interrogées ne recensent pas l’ensemble des tiers avec lesquelles elles interagissent en raison, notamment, de difficultés liées à leur identification, à leur diversité et au manque de ressources des équipes dédiées à la conformité[4].
S’agissant des données collectées destinées à l’évaluation individuelle des tiers, le questionnaire souligne que les entreprises ne collectent pas suffisamment d’informations qui pourraient être sources d’éventuelles alertes, tels que l’historique des incidents, les références professionnelles ou encore les comportements des tiers. La qualité et l’accès aux informations, la volumétrie à traiter ainsi que les coûts de ces diligences font partie des obstacles qui empêchent les entreprises à mener correctement leur due diligence[5].
Le principal facteur retenu pour la mise à jour des évaluations est lié à la vie du contrat et notamment à sa date de renouvellement. Le niveau de risque, tel qu’il ressort de l’évaluation et les changements dans la situation du tiers apparaissent respectivement en deuxième et troisième position[6].
En conclusion, si des écueils et des difficultés ont été identifiés au travers du questionnaire, la méthode d’évaluation des tiers telle que préconisée par l’AFA dans ses recommandations de 2020 semble connue par les entreprises et ne fait pas l’objet de remise en cause.
Enfin, le questionnaire révèle un certain nombre de bonnes pratiques à mettre en œuvre par les entreprises. Il s’agit notamment de l’établissement de procédures distinctes pour traiter les tiers existants (stock) et les nouveaux tiers (flux), la désactivation d’un tiers après l’écoulement d’un certain délai d’inactivité de sa part pour contraindre à de nouvelles formalités d’engagement de ce tiers, ou encore la déclaration au service conformité des nouveaux tiers ou des tiers inactifs[7].
Forte de ces enseignements, l’AFA a précisé qu’une grande partie des problématiques soulevées par les entreprises feront l’objet d’un approfondissement des recommandations dans une de ses prochaines publications[8].